Bo Johnson présente jeudi 7 février son album «Bad world», à l’hôtel Boma de Strasbourg. Ses 13 chansons reflètent l'éclectisme du registre musical du chanteur, ainsi que sa personnalité multiple et solaire. Rencontre.
«Je chante tous les jours de ma vie, mais à chaque fois que je monte sur scène, j’ai un trac fou.» Sagement attablé au restaurant du Boma, hôtel strasbourgeois où il se produira le soir même, Bo Johnson sirote un chocolat viennois. Coquet, le trentenaire minaude, et ne veut pas en dévoiler davantage sur son âge. Cheveux bouclés à l’afro, pull noir en maille, difficile de reconnaître le chanteur sans l’allure déjantée qu’il arbore dans ses clips. Il revient d’une séance de sport. «Nécessaire pour combattre le stress», dit-il. Car ce jeudi 7 février, le jeune homme sort son premier album, Bad World, mélange de soul gospel et electro.
Un parcours à contre-courant
«D’habitude on commence par un EP, puis l’album, puis la tournée. Moi j’ai fait tout l’inverse.» Né au Cameroun, «Bo Johnson», de son vrai nom Bobby Atangana, commence à pousser la chansonnette à quatre ans. C’est son père, directeur de banque et chanteur grégorien à ses heures perdues, qui lui a transmis sa passion pour le chant.
A 14 ans, l'adolescent compose ses premiers morceaux. Aujourd’hui Bo Johnson se targue d’avoir à son actif plus de 200 titres.
Une passion qu’il a su marketer habilement. Avec deux CAP en hôtellerie restauration, une licence et deux master en communication, Bo Johnson connaît les codes du show-business. Bac + 5 pour faire plaisir à «Mamabé», sa mère. «C’est dans notre culture, au Cameroun la réussite dépend du chiffre après le bac», explique le chanteur, qui est aussi directeur artistique de la Fashion week de Strasbourg.
Sa voix, «un don de l’univers»
Bo Johnson l’assure, il n’a jamais pris de cours de chant de sa vie. «Je me suis formé à l’oreille, c’est un don de l’univers. On doit le partager, l’exprimer.»
Le prodige travaille tout de même tous les jours pour parvenir à couvrir quatre octaves. Et il faut reconnaître que les tonalités qu’il atteint donnent des frissons.
Chanteur, compositeur, interprète, performeur et danseur, Bo Johnson est un artiste polymorphe.
«C’est un touche à tout», confie son ami Christopher Giroud. Rasta et sweat à capuche, à première vue rien ne destinait les deux hommes à se rencontrer. Il y a deux ans, alors qu’il chantait dans la rue, leurs regards se croisent, Bo Johnson sent dans le chanteur de reggae une énergie artistique qui le marque. «Notre vraie rencontre a eu lieu il y a un an, à l’occasion de la Strasbourg Live session (un événement artistique mensuel). Ça a été une véritable révélation artistique et amicale, s’enthousiasme Christopher. Non seulement c’est une très belle personne, mais surtout il fait vibrer son public avec lui.»
Diva au coeur tendre
Dans ses clips, Bo Johnson a tout d’une diva. Étole nouée au bas des reins, il enchaîne les pas de danse, mimant les chorégraphies saccadées de Michael Jackson ou le déhanché sulfureux de Beyonce. Il associe des accessoires rutilants et des maquillages dorés aux airs africains.
Un côté «mi-Mars mi-Vénus» qu’il assume aujourd’hui complètement. «Ça a pris du temps et ça a été difficile, mais aujourd’hui j’assume ma part de féminité.» Pas assez viril pour la France, pas assez féminin pour Montréal, dans son album «Bad World» le jeune homme dénonce le manque de tolérance de la société. «Tant qu’on ne fait pas de mal à personne, alors faisons ce qu’on a envie, soyons qui nous sommes, s’exclame-t-il un grand sourire aux lèvres. Ça me donne la rage, la force de réussir.»
Son téléphone toujours à proximité, il répond aux appels de ses amis et collaborateurs. Ses traits se tendent. A l’approche du grand moment, le stress monte d’un cran. Et pourtant, il décroche, rassure un ami, en réconforte une autre. Derrière les paillettes, on devine l’âme sensible. Fragile, sans doute.
Son compte Instagram n’affiche pour l’instant que 2000 followers. Pas encore un influenceur. Mais Bo l’alimente en continue, avec chaque moment de sa vie. Ici dans un hôtel quatre étoiles, là en studio en train de composer, ou encore dans les bras de sa mère pendant les fêtes de fin d’année. Un coup de com’ ? Pas pour le chanteur. «Je m’y montre comme je suis dans la vie, diva et généreux à la fois. Je vends du beau, pas du mensonge, explique-t-il. Je vois vraiment les réseaux sociaux comme un moyen d’échanger avec mes fans.» L’artiste aux multiples facettes répond à chacun des commentaires laissés sur ses posts.
Après une tournée internationale à Montréal, Dakar, Luxembourg et Abidjan, Bo Johnson retournera au Sénégal en juin pour le Festival Afropolitain Nomade.
Les vacances, il y songe. «Après le concert de ce soir, je pense que je prendrai trois jours de pause.» Pour se lancer de plus belle dans de nouveaux concepts, qu’il promet inédits.
Marie Dédéban
Crédit photo : Sofiane Rahmani et Julien Jovanovski