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2h du matin. Sylvain Trotignon, gérant de la boulangerie L’Authentique à Wolfisheim, a commencé sa journée de travail depuis une demi-heure. Les mains dans la pâte, il façonne une fournée de baguettes tradition. “C’est rythmé, avoue-t-il. Quand on arrive, il n’y a pas besoin de réfléchir. La première heure c’est presque par automatisme.” À la tête de cette boulangerie artisanale depuis 2023, le Tourangeau de 28 ans a toujours perçu le travail de nuit comme indissociable de sa profession.

Une pause d’au moins vingt minutes est obligatoire pour tous les employés travaillant plus de six heures. Cet impératif n’est pas évident à appliquer pour les boulangers de L’Authentique. Entre deux cuissons, ils peuvent boire un café, mais s’abstiennent de s’arrêter pour ne pas “casser le rythme”. Théo De Brito s'active au four. Arrivé à 3h, le jeune homme de 19 ans ne ralentit pas le mouvement entre le pétrin et le nettoyage : “En général, ça s’enchaîne assez vite le matin.”

Plantée en 2023, la micro-forêt de Wolfisheim s'épanouit le long du canal de la Bruche. En partenariat avec la mairie, le projet de l’entreprise BeeForest tire son financement d’un acteur plus étonnant : Pampers. Enquête sur l'intérêt des multinationales pour les projets de reforestation.

Une jungle rendue humide par la pluie de novembre avec ses cimes qui dépassent les six mètres de haut. Le long du canal de la Bruche, une parcelle de 350m² abrite un millier de chênes, érables ou encore ormes - au total une vingtaine d’essences locales. Les troncs s’étirent pour atteindre les dernières lueurs de l’automne à travers la densité des branches. C’est le propre des forêts Miyawaki. Inventées au Japon, elles ont pour ambition de restaurer les forêts primaires et sont importées dans les villes européennes en réponse au dérèglement climatique. À Wolfisheim, la micro-forêt fêtera bientôt ses trois ans.

À l’origine du projet, Mathieu Verspieren, créateur de l’entreprise BeeForest. L’ancien ingénieur agronome démarche les mairies pour obtenir des terrains et coordonne la plantation. L’un de ses objectifs : "sensibiliser et impliquer les enfants des écoles". Ce qui a convaincu Laurence Meyer, adjointe à l’environnement de Wolfisheim. "On a fait participer toutes les associations, les pompiers, le foot, les écoles, les parents. On a planté des arbres
[pour] les bébés de l’année."

De nouveaux acteurs prêts à verdir les images des entreprises

Face au panneau d’information qui présente l’initiative, des pictogrammes interpellent. Pampers finance et BeeForest est missionnée par Reforest’Action. Sur son site internet, on apprend que l’entreprise est spécialisée dans la "régénération des écosystèmes terrestres”. Nouant des partenariats avec un grand nombre de multinationales telles que le géant italien des hydrocarbures ENI ou le groupe LVMH, Reforest’Action offre l’opportunité à ces sociétés de verdir leur image en contribuant financièrement à des projets de reforestation.

Pampers cherche aussi à nuancer son bilan. Celui d’une industrie des couches jetables extrêmement polluante. Selon une étude menée par la Defra, l’agence de l’environnement britannique, la consommation de couches d’un nourrisson émet environ 500 kg de CO2. L’essentiel de ce bilan provient de la production et du traitement des déchets après utilisation. Avec plus de 600 000 naissances en France chaque année, ce sont 300 000 tonnes de CO2 qui sont émises dans l’atmosphère, l’équivalent des émissions de la Guyane. Niveau déchets, les couches constituent à elles seules 5% de la masse totale des ordures ménagères en France.

L’industrie des couches jetables en pleine mutation

Ce constat a nourri l’envie de nouveaux acteurs de proposer une gamme plus vertueuse. Le marché des couches éco-responsables, aux ingrédients bio-sourcés, représente aujourd’hui 25% des ventes du secteur selon l’institut d’études Xerfi. "Il existe une vraie prise de conscience des jeunes parents de faire attention à la fois à la peau de leur bébé mais également à la planète", explique Valérie Melchiore, professeure de marketing à l’université de Cergy. Un défi pour Pampers, toujours leader en France avec 53% de parts de marché, mais qui se doit de réagir pour conserver ce statut. Sa gamme Harmonie, lancée en 2018 se veut plus éco-responsable et contribue directement au financement de projets de reforestation.

"Quand on s'appelle Pampers, qu’on est une grosse marque américaine qui a pollué pendant des années et qui appartient à Procter & Gamble, on a besoin d'éléments de preuve pour crédibiliser son discours", poursuit Valérie Melchiore. Et donc de financer des micro-forêts comme celle de Wolfisheim1. Quitte à en exagérer l’impact réel. Comme l’a noté le Jury de déontologie publicitaire dans un avis en 2023, "la revendication prétendument plus naturelle de cette gamme de couches est excessive et disproportionnée et de nature à induire en erreur le consommateur". Autrement dit, les actions de Pampers s’apparentent à du “greenwashing".

Un impact écologique difficile à mesurer

À l’échelle des émissions de Pampers, la compensation par cette micro-forêt semble marginale. L’efficacité d’une telle initiative dépend essentiellement de son entretien. "Aumoment où les plantes vont mourir, elles vont libérer le CO2 qui a été stocké. C'est un stockage qui est temporaire pendant la croissance", décrit Renaud Toussaint, directeur de l’Institut Terre et vie de l’université de Strasbourg. Par ailleurs, les indicateurs donnés par les entreprises de reforestation se basent sur des données scientifiques encore ténues. Renaud Toussaint rappelle que l’action reste avant tout symbolique : "Un agriculteur avec des haies va avoir un impact plus fort que ça."

Greenwashing ? N’en parlez surtout pas à Mathieu Verspieren. "Pampers ne m’a pas demandé de les mentionner sur le panneau d’information. Les entreprises essaient de faire leur part", défend-il avec conviction. Et Laurence Meyer de renchérir : "Il vaut mieux que les entreprises fassent ça plutôt que d'aller créer une mine dans le sud de l'Afrique."

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Sylvain Trotignon a le coup de main pour façonner les bretzels. © Roxane Guesdon

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Avec trois arbres par mètre carré, la micro-forêt de Wolfisheim est dix fois plus dense qu’une forêt classique. © Robin Grange

 

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Tous n’ont pas leur nom d’usage sur leur carte étudiante, pourtant demandée à chaque entrée dans les bâtiments bloqués. « Il peut y avoir quelques situations inconfortables mais une fois qu’on a expliqué, les personnes le prennent en compte », précise Jovan, invité par l’ONG Izadji à un panel de discussions sur les violences à l’encontre des personnes queer. Selon lui, la dynamique va même au-delà : « Les personnes qui discriminent sont remises à leur place. On les corrige, on leur dit de se taire, et souvent, elles ne recommencent pas. »

L’inclusivité, un accord tacite

Des gestes simples ont aussi été instaurés, comme dégenrer les toilettes. « Ce n’était pas une revendication spécifique des étudiants queer et ça n’a pas non plus fait débat. Tout le monde a accepté », avance-t-il. De même, les professions sont systématiquement féminisées dans les communications du mouvement. L’inclusivité semble être un accord tacite plus qu’un positionnement explicite. « Pour être honnête, on n’a jamais parlé publiquement des droits des personnes queer dans le mouvement. Même si je n’en suis pas ravie, je comprends pourquoi. Si on veut que le plus de gens nous rejoignent, il faut se taire sur ces sujets », affirme Iskra.

Un silence que critique Dušan Maljković, coordinateur du séminaire d’études queer à l’Institut de philosophie de Belgrade. Selon lui, ce non-dit empêche de faire avancer les droits des personnes LGBTQ+ et peut aggraver les discriminations dans la société. « C’est comme des parents qui disent accepter l’homosexualité de leur enfant mais n’en parlent jamais. »

Un malaise partagé par Agata Milan Ðurić, président de Geten, le centre pour les droits des personnes LGBTQ+ de Belgrade : « Les étudiants apprécient notre soutien, mais ils ne nous contactent jamais et ne parlent pas ouvertement de nous. Parfois, on n’ose même pas sortir nos drapeaux dans leurs manifestations. »

Les préjugés disparaissent

Beaucoup doivent donc rester invisibles , rappelle Dušan Maljković. Sur la plateforme de rencontre Grindr, les visages sont rarement affichés. « Aucune communauté ne peut se former ainsi , déplore-t-il. C’est donc important de créer des espaces dans lesquels les gens peuvent échanger et faire connaissance. » Bien que les personnes concernées estiment qu’il n’y a pas réellement de “communauté queer” en Serbie, des espaces safe ont émergé dans les universités occupées.

« Je ne me suis jamais senti aussi illégal. » L’inscription en anglais, rouge sur un drap blanc suspendu à la manière d’un rideau de douche, donne le ton. D’autres œuvres sont plus explicites : des personnages nus en porte-jarretelles, avec une cravache, ou une liste en sept étapes pour « mourir en tant qu’artiste, de la part de quelqu’un qui l’est déjà ». L’exposition est organisée dans le centre culturel étudiant de Novi Sad, bloqué depuis novembre. Premier événement d’un festival qui, pendant trois jours, met à l’honneur des artistes LGBTQ+ des pays de l’ex-Yougoslavie.

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