Deux kilomètres à l’ouest de la capitale alsacienne, Wolfisheim – littéralement le “village des loups”, en alsacien – n’est plus la bourgade isolée de naguère. “Avant, il y avait des vaches, maintenant c’est la ville ici”, regrette Carine, retraitée depuis deux ans. “Un jour il n’y aura plus de paysans, plus de fermes”, décrit-elle avec nostalgie. Depuis ce 15 novembre, l’arrivée du tramway marque une nouvelle étape de l’intégration de la commune à l’aire métropolitaine. De 1 700 habitants dans les années 1960, Wolfisheim compte aujourd’hui près de 4 400 âmes. Ces dix dernières années, treize programmes immobiliers y sont sortis de terre.
Un avenir au point-mort
Aujourd’hui, empêcher la dégradation du lieu reste la priorité de la municipalité. L’édifice est touché par des infiltrations inédites, causées par de violents épisodes de pluie. La mairie a commandité une étude afin de chiffrer différents scénarios de rénovation, respectant plus ou moins la nature de l’ouvrage. La simple remise aux normes du bâtiment, sans prendre en compte son architecture, coûterait 1,7 million d’euros. Une somme impossible à débourser pour le moment, selon Laurence Meyer. “On vient de refaire les écoles élémentaires et le centre sportif. On a encore des emprunts à rembourser.
Certaines entreprises de la ZA, comme le centre de formation UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie), cherchent même à faire venir des food trucks. Depuis avril 2025, l’enseigne Un Truck au Four loue un emplacement sur leur parking. L’établissement, qui peut accueillir jusqu’à 200 personnes sur une journée, selon Jonathan Gangloff, un des employés, est une aubaine pour la pizzeria : “Les premières fois, il a fait du chiffre grâce à nous. Maintenant il est connu et ça fonctionne.”
De son balcon, Alain respire le grand air, profite du calme et observe les champs qui s’étendent au pied de son immeuble. Cet ex-propriétaire dans le quartier de Hautepierre à Strasbourg est arrivé à Wolfisheim, un peu par hasard, après s’être vu octroyer un logement social il y a deux ans. Et “pour rien au monde” il ne quitterait son cadre de vie. “Ça me change de la ville où la circulation m’empêchait de respirer, décrit l’homme de 56 ans. En plus ici, je connais mes voisins, je promène mon chien dans la nature, je revis.”
Le néo-Wolfisheimois vit au Verger du fort Kléber, un lotissement sorti de terre en 2023 à l’ouest de la commune. Béton clair, garde-corps métalliques, angles droits : onze immeubles aux façades lisses forment un ensemble aligné le long d’un champ à quelques encablures des traditionnelles maisons à colombages du centre.
En cas d’expropriation, les exploitants perçoivent des indemnités d’éviction allant de 9 000 à 12 000 euros par hectare. La chambre d’agriculture se charge des négociations avec les propriétaires afin de “correctement indemniser les exploitants”. Mais cette somme ne remplace pas les pertes de production. “Quand tu perds un champ, t’es jamais gagnant car tu perds ton outil de travail. À part si tu veux partir à la retraite et qu’il n’y a personne pour reprendre”, expose Jean-Philippe Scheer. Son fils attend toujours l'indemnisation pour son expropriation au niveau du parking-relais, “alors que les travaux ont commencé il y a deux ans”, indique l’agriculteur.
De leur côté, l’État et l’EMS assurent vouloir limiter les pertes de terres agricoles. “On ne sacrifie pas un espace naturel gratuitement, la priorité c’est de construire sur des friches”, explique Nicolas Valence, responsable du pôle aménagement à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal). Des ambitions partagées par Doris Ternoy, chargée de la politique agricole à l’Eurométropole : “L’objectif lors de projets d’urbanisme, c’est de chercher des dents creuses”, ces espaces non construits entourés de terrains bâtis.
Des mesures en lien avec la loi Climat et résilience qui fixe l’objectif de zéro artificialisation nette d’ici 2050. Pour autant, l’EMS, dont font partie les deux communes, a besoin de 40 000 logements supplémentaires d’ici vingt-cinq ans, ce qui nécessitera forcément d’artificialiser. De plus, la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) oblige les communes de plus de 3 500 habitants à se doter de 20 % de logements sociaux. Une contrainte que Maurice Saum, premier adjoint en charge de l’urbanisme à la mairie de Wolfisheim, applique à contre-cœur : “Nous avons rendu des zones constructibles pour ne pas nous faire traiter de facho par l’État qui veut que les communes périphériques prennent leur lot de logements sociaux.”
La Safer, société régulatrice du foncier agricole, observe une baisse du rythme de l’artificialisation dans le Grand Est. Entre 2014 et 2018, 1 370 hectares ont été grignotés chaque année, et 1 130 en 2022. Cette tendance à la baisse suffira-t-elle à atteindre l’objectif fixé pour 2050 ?
Certaines entreprises de la ZA, comme le centre de formation UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie), cherchent même à faire venir des food trucks. Depuis avril 2025, l’enseigne Un Truck au Four loue un emplacement sur leur parking. L’établissement, qui peut accueillir jusqu’à 200 personnes sur une journée, selon Jonathan Gangloff, un des employés, est une aubaine pour la pizzeria : “Les premières fois, il a fait du chiffre grâce à nous. Maintenant il est connu et ça fonctionne.”
Sur son tracteur, les tracas de Mathias se dissipent. “Quand je me lève pour aller travailler, je ne le vois jamais comme une contrainte”, dit-il en regardant les sillons fraîchement tracés. “Je fais ce que j’aime, et ça, ça n’a pas de prix.” Et il ose même imaginer l’avenir : “J’aimerais transmettre cette passion à mes futurs enfants. Même si je sais que ce sera un autre monde, une autre agriculture.”
Clémence Dellenbach et Paul Schneider