L' e-cigarette contiendrait moins d'ingrédients toxiques qu'une cigarette normale. C'est ce qu'affirment les fabricants. Selon eux, elle permettrait d'arrêter de fumer. Voilà pourquoi ce produit connaît, ces derniers mois, un véritable essor en France. Pourtant, beaucoup de médécins ne sont pas d'accord sur les bienfaits de l'e-cigarette. L'un des ingrédients, le propylène glycol, pourrait par exemple nuire aux voies respiratoires. Le week-end dernier, Chantal Jouanno, l'ex-ministre des sports dans le gouvernement de François Fillon, a plaidé pour la mise en place d'une mission d'information parlementaire. Voilà, le débat est lancé.
Crédits : Clémence Mermillod et Etienne Grelet
En France, l'e-cigarette est vendue dans des magasins spécialisés. Elle peut être fumée partout, même dans les restaurants. Pour le moment, il n'existe pas de réglementation spécifique comme pour le tabac : un vide juridique, critiqué par les médecins.
En Allemagne, le même débat a eu lieu il y a deux ans déjà. En 2011, la cigarette électronique a connu un véritable essor outre-Rhin. Aujourd'hui, les consommateurs semblent être moins enthousiastes. Dans les tabacs de Kehl, quelques rares paquets d'e-cigarettes se cachent dans les étagères. Le tabac « Center », dans la rue principale de la petite ville frontalière, n'en vend même plus du tout :
« Les consommateurs s'inquiètent », explique Philipp Drögemüller, porte-parole de l'association allemande des vendeurs de cigarettes électroniques. Selon lui, cette inquiétude est due au vif débat autour de la nocivité du produit. En 2012, ils étaient deux millions Allemands à fumer des cigarettes électroniques, contre un demi-million de consommateurs en France. Philipp Drögemüller pense que ce chiffre aurait largement évolué si le débat n'avait pas eu lieu.
En effet, le succès auprès des consommateurs allemands a très vite provoqué des réactions politiques. Le gouvernement allemand considére que les cigarettes électroniques sont des médicaments, et ce en raison de leur teneur élevée en nicotine. Conséquence : ils devraient être vendus dans des pharmacies, comme les patchs à la nicotine.
Comme la santé fait partie des domaines de compétence des Länder, la réglementation n'est pas la même dans les 16 régions allemandes. En Bavière, les cigarettes sont vendues dans les pharmacies. Elles y sont considérées comme des cigarettes normales. Il est ainsi interdit de les fumer dans les restaurants ou dans la plupart des bars.
A Kehl, seul quelques paquets sont vendus dans les tabacs.
Crédits : Stefanie Hintzmann
D'autres Länder ont également réfléchi à restreindre la vente et la consommation. Parmi eux : la ministre de la Santé de la Rhénanie du Nord-Westphalie, Barbara Steffens, dénonce les effets nocifs des cigarettes. La ministre, issue du parti des Verts, a fait passer une nouvelle loi pour protéger les non-fumeurs qui entrera en vigueur en mai 2013. Cette loi s'appliquera également aux cigarettes électroniques. Désormais, il sera donc interdit de les fumer dans les bars, les restaurants et même dans les aires de jeu. Mais, la ministre n'a pas réussi à imposer que la vente se fasse uniquement dans des pharmacies. Le Tribunal administratif de Cologne a décidé, l'an dernier, qu'il ne fallait pas considérer les e-cigarettes comme des médicaments, contredisant aisi le gouvernement allemand.
« Ce qu'il nous faut, c'est une réglementation universelle, valable dans toute l'Allemagne, voire dans toute l'Europe », estime le professeur Robert Loddenkemper, membre de l'association des pneumologues allemands. D'ailleurs, les pneumologues français revendiquent la même chose. Avant de mettre en place une telle politique, il faudrait cependant réaliser une étude approfondie sur les risques liés à la consommation des e-cigarettes. A l'heure actuelle, une telle étude n'existe pas. Ni en Allemagne, ni en France.
Änne Seidel et Stefanie Hintzmann