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Le Parlement approuve un accord de libre-échange controversé avec le Vietnam


13 février 2020

Sans grande surprise, le Parlement européen a approuvé, mercredi 12 février, l’accord de libre-échange entre l’UE et le Vietnam. Si les perspectives économiques d'une telle coopération n'ont pas été remises en cause, beaucoup d'élus se sont alarmés du respect des droits de l’homme et de l’écologie par ce pays d'Asie du sud-est.

Le commissaire européen au commerce Phil Hogan a défendu le projet de libre-échange avec le Vietnam. © Léa Giraudeau

Avec ses 95 millions d’habitants et sa position stratégique en Asie du sud-est, le pays est un partenaire de choix pour l’Union européenne (UE). Le Parlement européen réuni en session plénière à Strasbourg a largement approuvé mercredi 12 février l’accord de libre-échange entre l’UE et le Vietnam (401 voix pour, 192 contre et 40 abstentions) qui prévoit la suppression des barrières douanières entre les deux partenaires pour 2030. Près de huit ans de négociations ont été nécessaires aux deux parties pour finaliser ce premier accord avec un pays d’Asie du sud-est. "Cet accord est le plus complet et le plus ambitieux de ce type jamais conclu entre l’Union européenne et un pays en développement", s'est félicité Phil Hogan, le commissaire en charge du commerce. Il a expliqué que la suppression des taxes favoriserait les échanges entre les deux parties. Les exportations de l’UE vers le Vietnam augmentent déjà de 5 à 7 % chaque année. Le Vietnam pourra exporter plus facilement ses produits textiles et alimentaires, l’Union européenne ses voitures, produits chimiques et agricoles.

Les incohérences de la Commission

Mais pour certains cet accord de libre-échange entre frontalement en contradiction avec les ambitions environnementales de la nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. "Ursula von der Leyen a insisté sur la prise de conscience écologique dans son discours d’investiture. Mais quand il s’agit de polluer à l’étranger, là ça ne pose pas de problème",  estime ainsi l'eurodéputé français Emmanuel Maurel (GUE/NGL, extrême-gauche).

Un point de vue partagé par son collègue Yannick Jadot (Les Verts): "Vous allez tous voter un accord contraire aux valeurs de l’Europe et aux engagements de la Commission", a-t-il lancé à ses collègues, au cours du débat qui a précédé le vote.

Autre point noir soulevé par de nombreux eurodéputés, les violations des droits de l’homme au Vietnam. Le pays est 176e dans le classement Reporters sans frontières de la liberté de la presse. Selon Amnesty International, le gouvernement retient en prison près de 200 opposants et journalistes. Et à la veille du vote, 70 ONG, dont Emmaüs International et Les amis de la Terre, ont signé une pétition pour appeler le Parlement à rejeter l'accord. "C’est un problème de fond, on signe avec une dictature qui ne respecte pas les droits de l’homme", considère l’eurodéputé socialiste français Raphaël Glucksmann (S&D, sociaux-démocrates). Il n’a pas manqué de rappeler que le journaliste vietnamien Pham Chi Dung est en détention arbitraire depuis novembre 2019 pour avoir notamment signé une pétition en ligne demandant le report du vote de l’accord à Strasbourg. Le Vietnam, surtout, n’a toujours pas ratifié deux points majeurs de la Convention internationale du travail : l’abolition du travail forcé et la liberté syndicale dans ses entreprises.

Raphaël Glucksmann, membre du S&D (sociaux-démocrates), n’a pas suivi la consigne de son parti, dont les responsables sont favorables à l’accord. © Claire Birague

Un rapport de la Commission assombrit encore plus le tableau. La balance commerciale avec le Vietnam, déjà déficitaire pour l’Union européenne de 27 milliards d’euros devrait se creuser après la signature de l’accord. Un point sur lequel s’appuie la député belge Les Verts, Saskia Bricmont, pour affirmer que le texte "n’est économiquement pas bon pour l’UE."

"Améliorer le niveau de vie des habitants"

Malgré les polémiques, l’accord a tout de même été approuvé par une majorité d’eurodéputés et le commissaire au commerce, Phil Hogan, a garanti que le droit du travail international serait entièrement appliqué dans le pays dès 2021. Les partis ECR (droite souverainiste), PPE (droite) et Renew Europe (centre libéral) et une partie du S&D (sociaux-démocrates) affirment que cet texte sera un moyen de pression de pour que le Vietnam s’aligne sur les valeurs démocratiques de l’Union européenne. A l'image de Geert Bourgeois, eurodéputé belge (ECR) en charge du dossier au Parlement européen, qui en est convaincu : "Cet accord va améliorer le niveau de vie des habitants et la situation des droits de l’homme dans le pays."

Claire Birague et Emma Chevaillier

Sommaire plenière février 2020

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