14 mars 2019
Au cours d’un débat, mercredi 13 mars, les députés européens ont fait part de leur découragement à l’égard du Brexit. Ils se préparent à faire sans les Britanniques, même si le scénario final n’est toujours pas écrit.
« La seule certitude est celle de la montée des incertitudes. » C’est en ces termes que Melania-Gabriela Ciot, représentante des Etats membres, a ouvert les débats au Parlement, mercredi 13 mars. Dans l’hémicycle strasbourgeois, députés, commissaires et membres du Conseil se sont réunis pour préparer le prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, prévu les 21 et 22 mars. La veille au soir, Theresa May avait essuyé une lourde défaite à la Chambre des communes britannique. 391 voix contre, 242 pour : la dernière version de l’accord de retrait qu’elle présentait a été rejetée. A deux semaines de la sortie, prévue pour le 29 mars, les négociations sont au point mort.
L’Union aura tout tenté
Au Parlement européen, la question britannique a été au coeur des débats pendant trois jours. Certaines déclarations illustrent la fatigue des représentants de l’Union. « Vu les garanties que nous avons offertes en décembre, janvier et lundi, il est difficile de voir ce que nous pouvons faire de plus », a lâché Melania-Gabriela Ciot. De son côté, Michel Barnier s’est montré catégorique : « La première responsabilité de l’impasse incombe aux Britanniques. » Indiquant que tout avait été fait pour accompagner le Royaume-Uni vers une sortie ordonnée, le négociateur en chef du Brexit pour l’Union européenne l’a martelé, le dernier traité de sortie « est et restera, le seul traité disponible. »
Jusque dans les derniers instants, Theresa May aura tenté de modifier l’accord. En visite surprise à Strasbourg lundi 11 mars, la Première ministre britannique a négocié jusque tard dans la soirée avec Jean-Claude Juncker, le président de la Commission. La question de la frontière nord-irlandaise reste le point le plus complexe à régler. Rétablir des contrôles douaniers entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande pourrait avoir des conséquences majeures sur le marché commun, a rappelé Michel Barnier. « Toute marchandise, tout animal vivant qui quitte l’Irlande voyage dans chacun de nos pays. Donc nous devons trouver le moyen de rendre opérationnels ces contrôles », a-t-il affirmé. Le retour d’une séparation physique entre le Sud et le Nord de l'île serait également très sensible politiquement. Le conflit sanglant qui a déchiré l'Irlande sur des questions politiques et religieuses n’avait trouvé sa conclusion qu’après trente ans de lutte armée. L’accord du Vendredi Saint de 1998 a marqué l’abolition de la frontière territoriale, véritable enjeu de la paix. Or, si aucun accord de sortie n’est trouvé, le Royaume-Uni devra quitter l’Union européenne sans dispositions légales. De facto, la frontière nord irlandaise sera rétablie pour protéger le marché commun.
Nigel Farage l'affirme : « Nous voulons simplement quitter l'Union européenne. » © Jérôme Flury
« Cet accord est le seul faisable », avait prévenu Jean-Claude Juncker lundi 11 mars. © Jérôme Flury
Le Parlement européen se prépare au pire
Toujours dans l’expectative, les députés européens parent au plus urgent et votent plusieurs mesures afin d’être préparés à un « no-deal ».
« Qu’il y ait un accord ou non le 29 mars, (les citoyens européens) doivent pouvoir conserver les mêmes droits qu’aujourd’hui en cas de maladie, d’accident, de maternité ou encore de retraite », a expliqué Anne Sander (PPE) après l’adoption d’un règlement d’urgence. Des domaines aussi variés que le transport ferroviaire, le programme de coopération Peace IV ou les mobilités à des fins d’éducation étaient concernés par ces votes.
Avancer, malgré tout
Mercredi matin, après l’échec des dernières négociations et avant le vote du Parlement britannique sur une sortie de l’Union sans accord, les députés se sont montrés désabusés. Seul Nigel Farage (ELDD, eurosceptiques) était satisfait de la situation : « Ça suffit ! Nous voulons nous gouverner nous-mêmes. » Pour les autres en revanche, la fatigue est grande. « A nouveau, nous sommes en train d’attendre », a constaté avec amertume Frans Timmermans, vice-président de la Commission. Manfred Weber, chef de groupe du PPE (chrétiens démocrates) a lui dénoncé avec vigueur « l’incertitude » dans laquelle est à nouveau plongé le Parlement. « Le risque dans les prochaines semaines, c’est que l’instabilité à Londres impacte le travail européen. »
C’est la raison pour laquelle certains députés ont expressément indiqué leur volonté d’ouvrir le débat à d’autres sujets. « Nous n’avons pas le temps », estime Udo Bullmann, chef de file des S&D (sociaux démocrates), insistant sur l’importance d’autres enjeux comme « la garantie de liberté des prochaines élections ou le fonds asile et migration ». Même son de cloche chez Gabriele Zimmer, présidente du GUE (gauche antilibérale). « On parle sans arrêt du Brexit (...) alors qu’il y a des sujets plus importants qu’il faudrait traiter. » Philippe Lamberts, président Les Verts et membre du groupe de pilotage du Parlement sur le Brexit, s’est montré plus directif encore : « Il faut que ce sujet cesse d’être une distraction. » Sa priorité est la lutte contre le changement climatique. Deal ou no-deal, les députés souhaitent passer à autre chose.
Au final, Michel Barnier ne se fait plus vraiment d’illusions. « Nous ne souhaitons pas le scénario du no-deal, mais nous sommes prêts à affronter cette situation. » A quinze jours de la date de sortie du Royaume-Uni, l’Union veut avancer, peu importe le scénario qui sera finalement adopté.
Jérôme Flury et Claudia Lacave