La foire aux trottinettes

Lime, Jump, Mobike... Dans les grandes villes, trottinettes et vélos en accès libre ont connu un boom incontrôlé. Certaines municipalités tentent de mettre de l’ordre dans cette jungle. D’autres, comme Strasbourg, refusent de se laisser envahir.

Borner le free-floating

Partout en Europe, les trottinettes électriques envahissent les rues. Si elles connaissent un franc succès, elles sont aussi parfois synonymes de désordre et d’incivilité. À Paris, Copenhague, Bâle et Strasbourg, les problématiques diffèrent.

Paris

Copenhague

Bâle

Strasbourg

Il suffit de télécharger l’application, scanner le QR code et le tour est joué. Une utilisation simple et rapide : pour les habitués des trottinettes en free-floating (libre-service sans bornes), c’est surtout cette facilité qui les encourage à faire ce choix de déplacement. L’application permet de localiser la trottinette électrique la plus proche et de la débloquer. À la fin du trajet, l’usager n’est pas obligé de remettre la trottinette dans des bornes précises. Il peut la déposer n’importe où. Car c’est bien ça la particularité du free-floating : pas de bornes d’attache pour les trottinettes. Le paiement se fait à la fin et les prix varient entre 15 et 25 centimes par minute : un trajet de 30 minutes peut atteindre 8,50 euros. En un clic, l’usager peut s’acquitter des frais d’utilisation. 

Cette nouvelle formule de déplacement séduit aussi les pouvoirs publics, car l’investissement est pris en charge par les opérateurs privés. Un autre point fort : ces trottinettes n’émettent pas de CO2 pendant leur circulation.

Elles ne font pourtant pas l’unanimité, comme à Paris où les premières de la marque Lime se sont installées en 2018. Depuis, l’offre n’a jamais cessé de croître et le chaos également. Dans les rues parisiennes, les trottinettes de onze entreprises prolifèrent de façon anarchique. Elles s'ajoutent aux nombreux moyens de transports existants et, parfois, entravent la circulation des piétons. « Le free-floating n’est pas problématique en soi, mais c’est le fait de livrer l’espace public à une concurrence sauvage entre acteurs privés qui doit être remis en cause », explique Éric Vidalenc, économiste et membre de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l´énergie (Ademe). 

Paris en a tiré les leçons. Depuis l’été 2019, les trottinettes sont interdites de stationnement sur les trottoirs. Les contrevenants risquent une amende de 35 euros. Et à partir de janvier 2020, seuls trois opérateurs seront autorisés à faire circuler 5 000 trottinettes chacun dans la capitale. Ils devront respecter, par ailleurs désormais, des clauses sociales et environnementales. 

La situation est similaire à Copenhague. Des trottinettes de toutes les couleurs ont fleuri sur les trottoirs, réduisant de facto la part de l’espace public dédié aux piétons. Klaus Bondam, directeur de la fédération cycliste danoise, dénonce cette situation. « Nous avons été trop laxistes avec les opérateurs privés qui se partagent le marché du free-floating, sans savoir où garer les trottinettes ni qui doit les déplacer si elles ne sont pas au bon endroit », souligne-t-il. 

Contrairement aux attentes, la trottinette n’a guère convaincu les automobilistes de renoncer à leur voiture. Ses usagers se recrutent principalement parmi les piétons (46 %), les utilisateurs de transports en commun (19 %) et les cyclistes (9 %). Ce sont les résultats révélés par une étude menée à Paris, Lyon et Marseille par le bureau de recherche 6t. Le bilan carbone de ces trottinettes est également pointé du doigt. Pour être rechargées, elles doivent être collectées, chaque soir, par des camions polluants. Leur fabrication consomme également beaucoup d’énergie et la durée de vie de leurs batteries atteint à peine un an. 

Ces problèmes de durabilité, Circ, un opérateur installé à Bâle, en est bien conscient. « On ne peut pas se présenter comme entreprise respectant l’environnement si on ne travaille pas à plein régime pour le garantir », explique Daniel Scherrer, responsable communication de Circ Suisse. L’entreprise a développé des batteries échangeables pour remplacer facilement et sur place celles qui sont vides. Si certaines trottinettes doivent quand même être récupérées, ce sont désormais des camions 100 % électriques qui le font. 

À Strasbourg, les trottinettes ont du mal à démarrer. La municipalité veut éviter une installation sauvage du free-floating pour ne pas reproduire le chaos constaté dans d’autres villes. 

La capitale alsacienne n’est pas pour autant opposée au dialogue. Elle élabore, actuellement, un cahier des charges visant à encadrer le free-floating, avant de lancer un appel d’offres. L’Eurométropole envisage notamment d’interdire le stationnement dans certaines zones et de limiter leur vitesse à 20 km/h. Une chose est sûre, on ne verra pas de trottinettes en free-floating dans les rues de Strasbourg avant les élections municipales de mars 2020. 

Aya Alkhiyari, Mia Bucher à Bâle, Maxime Glorieux et Jessica Hans à Copenhague, Thémïs Laporte à Paris