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Entre l'UE et Singapour, un accord commercial d'un nouveau genre


14 février 2019

Le Parlement européen a adopté, mercredi 13 février, les différents volets du partenariat commercial entre l’Union européenne et Singapour. Cet accord doit faciliter les échanges entre l’Europe et ce pays d’Asie du sud-est, en échange de contreparties sociales. Il suscite cependant de vives critiques.

Il aura fallu dix ans pour arriver à un accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et Singapour. Le Parlement européen a approuvé, mercredi 13 février, le traité négocié par la Commission européenne. Le texte, adopté à 425 voix contre 186, et porté par l’eurodéputé britannique David Martin (S&D, sociaux-démocrates) comprend deux volets : l’un commercial, l’autre sur la protection des investissements. lls doivent éliminer les barrières douanières et établir un environnement juridique favorable aux investissements.

C’est la première fois que l’UE signe un partenariat de libre-échange avec un pays d’Asie du sud-est. Un enjeu de taille. « Singapour est la porte d’entrée vers les marchés asiatiques », assure l’eurodéputé espagnol Antonio Lopez-Isturiz White (PPE, chrétien démocrate). La cité-Etat est d’ores et déjà le premier partenaire commercial de l'UE dans la région. Leurs échanges s’élèvent à 53,3 milliards d'euros de marchandises en 2017, et 44,4 milliards d'euros de services en 2016. 10 000 entreprises européennes y sont établies.

 

Un accord pour les multinationales ?

 

« C’est l’accord le plus progressiste que nous ayons signé, un modèle pour l’avenir », se réjouit David Martin. Car à la disparition des barrières douanières s’ajoute une nouveauté : l’inclusion dans le traité de dispositions sur le droit social et le développement durable. En échange de la levée des barrières douanières, Singapour se voit obligé de ratifier trois conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur les discriminations et le travail forcé. De plus, Singapour s’engage à respecter l’accord de Paris sur le climat. L’introduction de ces contreparties pourrait servir de modèle pour les futurs traités. L’UE négocie d’ailleurs actuellement un accord similaire avec le Vietnam. « Le protectionnisme américain pousse nos partenaires à accentuer leur coopération avec l’UE »,  affirme David Martin.

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David Martin a porté l'accord devant ses collègues eurodéputés. ©Mayeul Aldebert

Cependant, deux points ont concentré les tensions dans l’hémicycle. Le premier concerne la protection des investissements et le « Mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats » (ISDS). Cet outil, inscrit dans de nombreux traités de libre-échange, permet aux entreprises et investisseurs étrangers d’attaquer en justice un Etat européen s’ils estiment que leurs mesures politiques nuisent à leur profit. Une mesure qui scandalise la députée néerlandaise Anne-Marie Mineur (GUE, gauche antilibérale) : « L’ISDS établit une justice en faveur des multinationales, qui minimise le rôle de la loi et de la démocratie et met à mal les gouvernements et la souveraineté des Etats ». En réponse, David Martin assure « avoir obtenu des garanties concernant la mise en place d’un système juridictionnel avec possibilité d’appels et des garanties juridiques ».

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A gauche, plusieurs députés ont affiché leur opposition aux tribunaux d'arbitrage d'investissement (ISDS), dispositif controversé de l'accord. ©Mayeul Aldebert

Le volet investissement soumis à la validation des parlements nationaux

 

Autre sujet de tension, le fait que Singapour soit considéré comme un paradis fiscal par plusieurs ONG, dont Oxfam International. Le nouveau traité peut-il entraîner une accélération des fuites de capitaux vers la région ? « Difficile à dire, répond Johan Langerock, l’un des experts d’Oxfam France. Singapour est un pays développé qui sait échapper aux règles de l’Union européenne. L’UE ne l’a pas inscrit dans sa liste noire des paradis fiscaux publiée en 2017. Impossible de dire si les négociations en cours ont influencé cette décision », estime-t-il. Aucun obstacle donc à commercer avec eux.

Si le volet commercial peut entrer en vigueur dès sa validation par les chefs d’Etat et de gouvernements, celui sur la protection des investissements devra d’abord passer par les 28 Parlements nationaux avant d’entrer en vigueur.

 

Victor Boutonnat et Hugo Bossard

Sommaire de la session parlementaire de février 2019

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