08 février 2018
A une large majorité, le Parlement a adopté mardi la réforme des quotas carbone pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Il ne reste plus qu'aux 28 ministres de l'Environnement de l'UE à entériner la réforme. Une formalité qui conclura une bataille démarrée en 2015.
« Ce texte est fade et nous ratons le train de l'Histoire ! [...] Les soupes froides, je n'aime pas les manger... », ironise dans l'hémicycle Edouard Martin, eurodéputé social-démocrate. Pour beaucoup d'élus qui ont voté le texte mardi à une très large majorité (535 favorables, 104 contres) l'accord de principe sur la réduction des quotas carbone trouvé en novembre avec le Conseil de l'UE, l'autre législateur de l'Union, ne va pas assez loin.
Réduire les émissions carbone sans désindustrialiser
Depuis 2005, le système d’échange de quotas d’émissions carbone, Emission Trading Scheme (ETS), permet aux entreprises d’échanger entre elles leurs quotas selon qu’elles polluent plus (ou moins) que le nombre de quotas dont elles disposent. Le marché des quotas échangeables couvre aujourd’hui aux alentours de 40% des émissions de dioxyde de carbone rejetées dans l'air par quelque 11 000 usines européennes.
Le cœur du texte voté mardi vise à réduire de 43% les émissions carbone de l'industrie lourde en 2030 par rapport au niveau de 2005. « Il n'était de toute façon pas difficile de faire mieux que le système actuel », lâche l'eurodéputé Bas Eickhout (Verts) avant d'ajouter que « le système ETS en soi n'est pas suffisant pour atteindre les objectifs de la COP 21 ».
Comment faire baisser les émissions de CO₂ tout en évitant la délocalisation des usines ? Le rapport adopté prévoit une baisse annuelle de 2,2% du nombre de quotas à partir de 2021 et jusqu'en 2030 (contre 1,74% actuellement) pour augmenter le prix du carbone et inciter ses entreprises à investir dans des installations d'énergie verte plutôt qu'acheter des quotas plus chers. Aujourd’hui, le carbone coûte entre 6 et 9 € la tonne. Un prix bien insuffisant, selon le Parlement, qui espère le faire grimper à 25-30 € d'ici cinq ans.
Dans le même temps, pour minimiser les risques de délocalisation de la production, l'UE prévoit l'allocation de quotas gratuits pour les entreprises en retard dans leur transition énergétique.
C'est cette délocalisation, aussi appelée « fuite carbone » que craint l'extrême droite européenne. Elle invoque une mesure trop risquée pour l'emploi industriel. « Les secteurs concernés, comme celui de la sidérurgie, sont déjà soumis à une concurrence mondiale impitoyable venant de pays comme la Chine qui n'a pas de normes environnementales. C'est pourquoi nous nous opposons à ce texte », explique Mireille D'Ornano, l'eurodéputée française du groupe EFD.
Une politique à risque
Julie Girling, la rapporteure nationaliste (ECR, eurosceptique) du rapport, admet que l'UE ne dispose d'aucune garantie que les industriels ne feront pas le choix de la désindustrialisation vers les pays moins contraignants sur le plan environnemental. « Nous nous fondons sur des analyses de la Commission qui montrent que cette réforme n'aura pas d'impact sur l'emploi en Europe », souligne-t-elle.
Outre les possibles conséquences sur l'emploi, l'augmentation du prix du carbone fait encore débat au sein du Parlement. « Beaucoup de députés veulent aller plus loin avec notamment une taxe carbone sur les importations extérieures. Malheureusement, pour cela il faut un consensus des 28 Etats membres, et il semblerait que certains Etats soient plus ambitieux que d'autres, ou moins que ce qu'ils affirment ... », déplore Julie Girling.
Si l'Union européenne se félicite d'aller dans le sens des accords de Paris, nombre d'ONG regrettent le manque d'ambition du texte. Klaus Röhrig, spécialiste des questions climatiques européennes pour Climate Action Network Europe, critique la pauvreté de la réforme : « Il faudrait faire augmenter le prix du carbone à 80 € la tonne. Si ce prix n'est pas atteint, l'objectif de décarbonisation de la COP 21 ne verra jamais le jour. »
Clémentine Rigot et Martin Schock