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A l’échelle de la ville, le constat est le même : « Nous avons des personnes qui rentrent dans la clôture, des squats, des vols, des jardiniers jaloux du voisin ou encore des incendies », énumère Philippe Bambis.  Pour prévenir ces actes de vandalisme, la Ville a mis en place des pavillons en béton effet bois. Depuis, les actes de pyromanie sont passés de 80 à un ou deux par an. Difficile cependant de protéger les 4850 jardins. La mairie emploie une société de surveillance, mais « nous ne pouvons pas mettre des caméras partout », explique Philippe Bambis.  Ces actes n’encouragent pas les habitants à s’investir dans l’entretien de leur parcelle. « Si une personne veut escalader la clôture, elle le fera », observe Brahim Bouzid.

Le centre commercial Rivetoile n’est pas réservé aux consommateurs. Chaque jour, des usagers viennent flâner, skater, lire ou jouer, s’appropriant les lieux à leur façon.

Il est 10h et le bruit des pelleteuses résonne entre les tours de l’éco-quartier Danube. Autrefois en friche, cet espace est en pleine rénovation. Au milieu du brouhaha, Jérémy Hinnewinkel vient d’ouvrir sa première boulangerie, La Passion des délices : « A l’origine, je voulais m’installer à Port du Rhin, près du Crédit Mutuel, en face de la ligne du tram. Mais il n’y avait pas de raccordements électriques suffisants pour une boulangerie. »

C’est le logeur social Habitation Moderne, lié à la CUS, qui lui a proposé de s’installer dans le futur éco-quartier. Pour le moment, les immeubles en face de la boulangerie ne sont pas achevés, la route n’est pas encore bétonnée et des dizaines d’ouvriers installent les canalisations. Cet environnement défavorable au commerce n’a pas découragé ce jeune homme de 26 ans : « J’ai pris un gros risque, mais c’est aussi un rêve. »

« Le concept n’a pas encore trouvé ses adhérents »

A la différence des jardins familiaux, les associations ne paient pas de loyer mais sont liées à la mairie par une convention. Il n’y a pas de critères de sélection. « Il faut qu’il y ait un pilote et un collectif qui ait envie d’entretenir »,  explique Philippe Bambis, directeur du département jardins familiaux. Si les Strasbourgeois sont très attachés au jardinage, « partager un jardin ne fait pas l’unanimité. Le concept n’a pas encore trouvé ses adhérents », déplore Philippe Bambis. Les habitants restent attachés à leurs parcelles individuelles.

Une vingtaine de jardins partagés ont fleuri à Strasbourg depuis 2007. Ils prônent le « do it yourself » mais l’engagement citoyen n’est pas toujours au rendez-vous. Aux Deux-Rives, les mauvaises herbes ont envahi l’espace. Personne ne s’est occupé de l’entretien depuis le mois d’août. « Il y a un intérêt pour le jardinage mais les adhérents n’ont pas le temps. Le problème, c’est qu’une parcelle, il faut la suivre », déplore Brahim Bouzid, membre de l’association Au Delà des Ponts et gérant du jardin.  L’arrivée du froid n’arrange rien. « Nous, on vient là tous les jours. Si on voit une personne par semaine, c’est un miracle », expliquent Kévin et Ludovic, employés des Espaces verts.  

 

 

 

 

*Le prénom a été modifié

Ayla Passadori
Coralie Haenel

 

Implantée depuis 35 ans au Port du Rhin, la famille propriétaire de l’épicerie Chez Abdel ne ressent pas une réelle détermination de la part de la ville pour améliorer le vieux quartier. « Toutes ces nouvelles constructions ne changent pas la vie des gens ici. Elles servent surtout à l’enrichissement des investisseurs, regrette Chakib Laayoumi, l’un des gérants. Même si nous sommes ici depuis 35 ans, la ville ne nous accorde pas beaucoup d’importance », ajoute-t-il.

L’épicerie devra bientôt faire face à l’ouverture d’une supérette de l’autre côté de la ligne de tram.  Pourtant, Amine, le frère de Chakib, n’a pas peur pour l’avenir de son affaire familiale, qui entretient au quotidien des liens solides avec les clients du quartier. «J’ai grandi ici, je ne me vois pas avoir une boutique ailleurs, raconte-t-il. C’est chez moi ici, c’est ma famille. Les gens du quartier, je les connais tous ».

La ville, propriétaire des murs, projette de démolir l’immeuble où le restaurant est établi afin de poursuivre la revitalisation du quartier. Alexandre Dawood, propriétaire d’un restaurant libanais installé dans le même bâtiment, déplore la situation : «Je ne peux pas vendre, pas investir, pas travailler ». Face à l’incertitude, il est impossible pour les deux restaurateurs de développer leurs affaires.

Pour Lassad Essadi, « les transformations sont réelles, mais les résultats encore embryonnaires ». La construction de nouveaux logements a par exemple incité La Poste à s’installer au pied des nouveaux immeubles au mois de septembre, de même que le Crédit Mutuel en octobre. Selon le chef de projet, l’arrivée de nouveaux habitants est généralement suivie par l’ouverture de nouveaux commerces. L’augmentation de la population devrait donc dynamiser l’économie du quartier. Le nombre d’habitants pourrait passer de 3000, en 2018, à 6800 en 2025, selon les projections de Lassad Essadi.

Mais, aujourd’hui, la ligne de tramway qui connecte Strasbourg et Kehl depuis avril 2017 renforce la coupure entre les anciens logements sociaux et les constructions flambant neuves. Ces transformations ont des conséquences directes sur l’activité de Frédéric Klotz, patron du restaurant Au Général Desaix, implanté dans le quartier depuis une quarantaine d’années. Certains clients ont cessé de venir, car ils avaient des difficultés à accéder au restaurant pendant les travaux de construction de la ligne de tramway, qui passe juste devant sa porte. Le restaurateur subit une baisse de son chiffre d’affaires depuis plusieurs années. Il ne bénéficie pas non plus de l’installation de la nouvelle clinique Rhéna. Le millier de personnes qui y travaillent peuvent déjeuner dans le restaurant réservé au personnel. Frédéric Klotz maintient son restaurant grâce à quelques clients réguliers, à l’image de Christian Issenhart qui le fréquente tous les midis depuis 1993. « Je viens pour ne pas être seul, c’est un moyen de faire des rencontres », raconte-t-il.

Gérante depuis 17 ans d’un restaurant Döner Kebab au Port du Rhin, Satnul* prépare consciencieusement une pâte à pizza. Il est midi, les premiers clients arrivent. Un habitué, puis cinq institutrices de l’école voisine. Personne d’autre ne vient à l’heure du déjeuner ce jour-là. Depuis au moins sept ans, Satnul n’a cessé de voir sa clientèle diminuer.

« C’est un quartier mort », déplore-t-elle. Avant l’ouverture des frontières, le quartier comptait beaucoup plus de commerces en activité, plusieurs hôtels, une brasserie et même un Office du Tourisme. Depuis que les douanes ont fermé, les transporteurs qui autrefois faisaient étape dans les hôtels et les restaurants ne s’arrêtent plus ici.

Pour Satnul, le Port du Rhin souffre d’un manque d’attractivité en raison du faible nombre de commerces de proximité. « Il faudrait une boulangerie, un marchand de glace, une boucherie, un marché… ». Cette commerçante n’a pas le sentiment de bénéficier des évolutions le quartier. Pendant environ trois ans, Satnul recevait à midi entre 20 et 40 personnes. Beaucoup d’ouvriers des chantiers. Mais depuis l’achèvement des travaux, son chiffre d’affaires a chuté d’environ 800 euros par jour à 150 euros, malgré le tramway et les nouvelles habitations. « Tout le monde préfère aller à Kehl. Si c’était moi, je ferais pareil », constate-t-elle.

L’Eurométropole voit les choses autrement. Selon Lassad Essadi, chef de projet Port du Rhin, « il ne faut pas chercher à concurrencer Kehl, mais à lui être complémentaire ». La ville est engagée dans une réflexion pour faire du quartier un lieu de destination et pas juste un endroit de passage. En faire un quartier de Strasbourg comme les autres.

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"Salut les moches !" et autres punchlines sont imaginés à Paris puis imprimées sur les T-shirts depuis l'atelier à Bordeaux. © Sophie Bardin

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