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Face à cette situation, les adolescents qui n’ont pas pu être inscrits au centre social s'occupent tant bien que mal. Le city stade au bord du Rhin dans la cité du Loucheur est leur point de rencontre durant leur temps libre. « Il n’y a rien à faire ici. Quand on ne vient pas là, on traîne dans la “cour“ », raconte l'un d'eux. Cet espace de la cité entouré par les barres d’immeubles, où les jeunes sont témoins du trafic de drogue, inquiète les parents. « Je n’aime pas les laisser seuls dehors. Ils ne sortent jamais sans moi, témoigne une mère de famille. Ils peuvent vite être influencés par de mauvaises personnes. » La 2x2 voies, frontière avec la partie rénovée du Port-du-Rhin, est par ailleurs un passage dangereux pour des enfants qui traversent seuls.

« Je préfère le regarder et profiter du soleil », dit-elle. Autodidacte lui aussi, il a appris à pêcher sur Internet à l'aide de tutoriels. Domicilié à la Montagne-Verte, You doit prendre son véhicule pour pêcher. Il fait figure d'exception, les autres pêcheurs venant à vélo ou à pied.

Le « no kill » : la bonne conscience des pêcheurs

Les pêcheurs plébiscitent la recherche du calme face à l'agitation urbaine. « Vers la cathédrale c'est trop la ville, ça m'ennuie, je préfère être tranquille », poursuit You, posté à côté du pont Citadelle où passe le tramway qui va à Kehl. Un constat partagé par Benjamin : « La pêche, c'est un plaisir mais c'est aussi la solitude. Il n'y a personne qui vient te faire chier, tu n'es pas obligé de parler. Tu as les pieds dans la flotte dans le calme. »

… et précaire !

Antoine Chevalier est propriétaire de son navire, mais son emplacement est temporaire et révocable à tout moment. En 2013, il a signé une Convention d’occupation temporaire (COT) avec le Port autonome de Strasbourg valable 10 ans. Cette convention conduit à une situation précaire. Le Port, gestionnaire des berges peut, avec préavis et sous certaines conditions valables (travaux, réhabilitations, etc…), demander à tout moment à l’ancien marin de partir. Avec les nombreux projets immobiliers (Eco quartier Danube, Port du Rhin) situés aux alentours de la péniche et la réduction du nombre d’emplacements des bateaux habitations, Antoine Chevalier sait que l’avenir de son habitat s’écrit en pointillé.

Camille Toulmé et Thomas Vinclair

Benjamin Balbinot, 29 ans, béret sur la tête et piercings au visage, montre l'Ill du doigt : « Je suis parti de l'avenue de Colmar et je remonte la rivière jusqu'à la voie ferrée. » Soulevant sa canne au-dessus de sa tête, il fait claquer le fil dans l'air comme un lasso avant d'envoyer sa mouche sur l'eau. Le jeune menuisier intérimaire pêche à la cuillère. Une technique que lui a transmise son grand-père sur les bords de la Loire. De passage à Strasbourg pour trois mois, le nouveau-venu est à l'affût de brochets suffisamment grands pour être consommés – à partir de 55cm.

Gabriel, 15 ans et capuche sur la tête, le guette aussi, le brochet, sous la passerelle Braque, à côté de la médiathèque Malraux. « L'eau est plus claire là, on les voit mieux ici qu'à Port-du-Rhin», souligne-t-il. L'adolescent, qui pêche depuis quatre mois avec ses copains, a déjà le jargon de l'initié. Ce jour-là, il repart bredouille mais rappelle fièrement son palmarès : « J'ai déjà pêché une brème. »

Un loisir pas uniquement masculin

Installés plusieurs heures, cannes plantées dans le gazon, d'autres trempeurs de fil pêchent à l'ancienne. Une activité de détente pas forcément masculine. Carole, manager dans la grande distribution, aime pêcher au coup avec son mari, Dominique, demandeur d'emploi. « Un jour, elle a tenu la canne, ça lui a plu et elle a pris un permis », s'amuse-t-il. Casquette de sport vissée sur la tête, Dominique est intarissable sur sa passion : « Je monte mes propres mouches pour pêcher dans les Vosges », explique-t-il en scrutant son flotteur à la surface de l'eau.

A quelques mètres de là, You, deux ans de pêche au bout de la canne, est également accompagné de sa femme.

 

Un habitat qui coûte cher…

Néanmoins, habiter dans un endroit comme celui-là induit des coûts particuliers. « Une personne qui ne sait rien faire de ses dix doigts ne se lance pas dans ce projet », affirme le retraité. Antoine Chevalier estime qu’il faut s’y connaître en bricolage et en mécanique pour pouvoir intervenir soi-même et économiser de l’argent. « C’est un travail de tous les jours et il ne faut jamais laisser repousser le colmatage d’une fuite ou la réparation d’un problème mécanique au lendemain, souligne-t-il. Le bateau peut très vite finir comme une épave. » L’embarcation doit répondre à des normes de flottaison et de navigabilité précises. Tous les cinq ans, Antoine Chevalier est obligé de procéder à un contrôle technique coûteux, avec mise à sec et carénage afin de limiter la corrosion. Le prix d’une telle opération se compte en milliers d’euros.

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L'association des Compostiers du Landsberg ouvrira son jardin partagé Lands'herb au Printemps prochain rue du Ballon. Le week-end, Maxime Pomiès, membre de l'association, s'occupe du compost. © Louise Claereboudt

De la péniche fluviale à habitable

A la retraite depuis une décennie, Antoine Chevalier se sédentarise. Il a gardé sa péniche et l’a réaménagée pour en faire une véritable habitation sur l’eau. Lui et sa femme ont choisi d’élire domicile sur le bassin Dusuzeau à Strasbourg pour se rapprocher de la ville natale et des parents de cette dernière. Cet emplacement sur ce bassin est aussi le seul capable d’accueillir ce type de péniche.

La timonerie, où se situent les instruments de navigation et le logement traditionnel de la péniche, tous deux à l’arrière du pont supérieur, forment aujourd’hui un deux pièces de 60 m². A présent, le marin réinvestit l’ancienne cale qui va lui permettre d’agrandir son logement d’une centaine de m² supplémentaires. Il prévoit d’y construire une cuisine, une salle de bain et un salon, loin des clichés de vétusté des cabines de marins. Antoine Chevalier a déjà réaménagé l’arrière du bateau en terrasse. Dans un secteur calme et au bord de l’eau, elle permet de « profiter des rayons du soleil durant l’été avec une belle vue sur la ville et la vie aquatique ». L’Ill est agitée durant l’hiver à cause du vent, mais cet habitué des eaux ne s’en plaint pas : « Ca tangue mais pour un ancien batelier, c’est agréable ».

Le marin certifie que sa consommation énergétique est similaire à celle d’un simple appartement. Le navire d’Antoine Chevalier peut alimenter les appareils électroniques du navire durant 48 heures avec des batteries rechargeables. A l’avenir, l’ex-marinier envisage d’utiliser des panneaux solaires. Pour le chauffage de l’habitacle, un poêle à bois orne le salon. Les pièces à vivre, nécessairement bien isolées pour ce type de logement, retiennent parfaitement la chaleur.

L’ancien batelier se faufile à toute vitesse sur les plats-bords larges d’une trentaine de centimètres qui entourent le bateau. Il rejoint la cale avant de la péniche désormais recouverte d’un plancher prêt à accueillir trois nouvelles pièces à vivre. Une dizaine d’années auparavant, des tonnes de céréales, bois, charbon ou fer occupaient cet espace pour être transportées le long de la Seine et du Rhin.

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Les anciens bâtiments cohabitent avec les nouvelles constructions qui font partie du projet de la ville pour dynamiser l’économie du quartier. © Ayla Passadori

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Amine Laayoumi, gérant de l’épicerie Chez Abdel,  sera bientôt confronté à la concurrence d’une supérette de l’autre côté de la ligne de tramway. © Coralie Haenel

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