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Rêves érotiques, masturbation, sextoys ou encore sexe virtuel : alors que le confinement a provoqué une baisse significative du nombre de rapports, certains, qu’ils soient seuls ou en couple, ont profité de cette période pour repenser leur intimité. 

Le sexe pendant le confinement ? “Ce n’était vraiment pas la folie. On l’a peut-être même moins fait qu’en temps normal”, admet Justine*, étudiante en médecine de 24 ans, qui s’est retrouvée confinée avec son petit ami dans un appartement de 50 m² à Strasbourg. Pendant cette période, la fête du sexe n’a pas eu lieu : l’activité charnelle des Français s’est nettement ramollie, qu’ils soient célibataires ou en couple. D’après un sondage de l’Ifop, 44% d’entre eux n’ont pas eu de rapports au cours du mois d’avril, contre 26% d’ordinaire.

Justine soupçonne les jeux vidéo d’avoir pris le dessus sur les parties de jambes en l’air. “Quand tu essayes de chauffer la situation et qu’il te dit non parce qu’il est en plein milieu de sa partie, t’as vraiment les nerfs”, s’exclame-t-elle. Mais pour répondre aux appels de sa libido, la jeune femme ne s’est pas laissée abattre : “Comme ça se bouge pas trop de l’autre côté, j’ai eu recours à la masturbation et j’ai peut-être eu plus d’orgasmes toute seule qu’avec lui.” 

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Pendant le confinement, 11% des Français ont utilisé un sextoy. © @marion.design

Une sexualité plus autonome

Si les plaisirs en solo sont passés pour certains par le royaume du porno, la consommation de X ayant augmentée de 50% au début du confinement, d’autres se sont plutôt laissés surprendre par leur inconscient. À l’image de Charline*, 26 ans, éducatrice spécialisée à Strasbourg : “Depuis le confinement et encore maintenant, c’est la fiesta des rêves sexuels et c’est vraiment cool.” Contrairement à ce qu’elle imaginait, Charline ne vit pas mal l’absence de relations charnelles. “J’ai cru que le sexe ou même les contacts physiques me manqueraient terriblement mais en fait, pas du tout !” Réveillée en pleine nuit par l’excitation, les songes érotiques suffisent à la jeune femme pour se donner du plaisir seule.

Ne serions-nous jamais mieux servis que par nous-mêmes ? C’est aussi l’avis de Mathilde, graphiste à Strasbourg. À 22 ans, la jeune femme a décidé de “sauter le pas” et de s’acheter un sextoy pour profiter plus agréablement du confinement. “Je me souviens que ma première réaction après l’avoir utilisé a été d'envoyer un message à mes potes et leur dire ‘ça y est, plus besoin de personne !’”, sourit-elle. 

Booster sa confiance, lever les tabous, prendre son pied seule… Le temps du confinement encouragerait-il la libération de la sexualité féminine ? Selon la sexologue Maria Victoria Hernandez, “certaines ont pu se découvrir à travers leur propre libido plutôt que d’être dans la quête du partenaire qu’elles chercheront souvent à satisfaire sans connaître suffisamment leurs propres plaisirs”. 

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Seules 29% des femmes, contre 57% des hommes, disent s’être masturbées pendant le confinement. © @marion.design

Le virtuel peut-il remplacer le réel ? 

Combler l’absence de galipettes et autres parties crapuleuses est aussi passé par un recours accru aux plateformes de rencontre, permettant à certaines de battre des records de connexions. Pour la seule journée du 29 mars, Tinder, par exemple, a enregistré plus de trois milliards de swipes, ces balayages du doigt sur l’écran pour initier ou non un contact avec un potentiel partenaire. Une première depuis la création de l’application en 2012. 

Benjamin*, étudiant de 21 ans en école de commerce à Strasbourg, l’a téléchargée au tout début du confinement, mi-mars. Résultat : des discussions virtuelles avec des filles pendant plus de deux mois qui ne l’ont pas pour autant convaincu de cette nouvelle manière de draguer. “J’ai désinstallé l’application dès le 11 mai. Ça n’a pas donné grand-chose à part un plan fesse que j’ai concrétisé juste après le déconfinement. Je trouvais ça sympa au début mais c’est 10, 20, 30 fois le même sujet de discussion”, déplore-t-il. “Ça peut vite devenir assez chaud par message”, explique de son côté Alexandre, un responsable de vente strasbourgeois de 27 ans qui s’est rapidement lassé de ces échanges sans lendemain. “Il fallait réussir à maintenir une espèce de contact pour ne pas se faire doubler” et au passage s'assurer une rencontre à la clé.

Sur la toile, les moyens de sortir ses désirs du mode avion ont été multiples. Pour Jérôme*, 26 ans et agent de sécurité à Strasbourg, la gestion de la frustration est passée par un recours plus régulier à la plateforme Discord. Traditionnellement destinée aux amateurs de jeux vidéo, le jeune homme l’a aussi utilisée comme un espace d’échanges érotiques. “J’ai eu des relations sexuelles à distance notamment avec des sextoys connectés, reliés aux portables de personnes jusqu’à 10000 km”, confie-t-il. Au point de remplacer les relations sexuelles traditionnelles ? “Le virtuel ça peut être intéressant mais je préfère avoir quelque chose de plus palpable. Maintenant je vais plutôt privilégier l’IRL (in real life, ndlr)”, avoue Jérôme.

Prendre le temps

Plus de virtuel et moins de rencontres, le confinement a aussi modifié l’usage des applications et sites de dating, obligeant parfois leurs utilisateurs à investir davantage le temps de la discussion. Tinder a noté une augmentation de 25% de la durée des conversations entre usagers à travers le monde. Adepte de ces sites depuis plusieurs années, Thibault*, 30 ans, a fait le même constat : “ll n’y avait pas la pression d’un rendez-vous tout de suite. C’est évident qu’on prenait plus le temps d’échanger, de se connaître.”

Pour Caroline*, 21 ans et confinée à 25 km de son compagnon, l’abstinence due à l’éloignement s’est révélée salutaire. “Le manque de libido était là depuis quelque temps, sans raison, et ne pas voir mon chéri pendant deux mois, ça me l’a fait remonter”, se réjouit-elle. “L’éloignement a pu permettre à certains de ne plus être sous cette sollicitation, de pouvoir un peu respirer et du coup de laisser revenir leur propre souffle de désirs”, estime la sexologue Maria Victoria Hernandez. 

Sans être séparés géographiquement, Magalie* et son petit ami ont mis de la distance dans leurs ébats. Une occasion pour le couple confiné à Griesheim d’échanger sur leurs appétits mutuels. “Même si on a eu moins de rapports, le confinement nous a fait beaucoup plus discuter de notre sexualité ensemble, de ce qu’on aimait et de ce qu’on aimait moins”, raconte la jeune femme de 24 ans. Des mots, plus que des gestes, qui ont permis au couple de tout mettre à plat et à Magalie “d’arrêter de vouloir que tout soit parfait”. 

Manon Lombart-Brunel
Madeleine Le Page

 *les prénoms ont été modifiés

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