Dans l’ancien périmètre du Port autonome de Strasbourg, quelques immeubles sont encore occupés par des habitants. Plus pour très longtemps, car la Ville souhaite les démolir pour réaménager le quartier.
Jean-Pierre Haessig, Robert Peter et Valérie Wild habitent dans des immeubles éparpillés sur d’anciens terrains du Port autonome de Strasbourg. Ils ont aussi comme propriétaire leur employeur, le Port autonome, ou l’ancienne Coop. Mais depuis 2013, la Ville a entrepris de réaménager la rue du Péage, qui se situe à hauteur de la rue du Port-du-Rhin, au nord, et de la route nationale 4, au sud. Le projet consiste à transférer la circulation de la route du Petit-Rhin vers la rue du Péage. De ce fait, la plupart des habitations vont être rasées et leurs occupants relogés.
Le quartier du Port-du-Rhin © Camille Toulmé
Jean-Pierre Haessig, né en 1944 dans le quartier Loucheur, © Quentin Monaton
Jean-Pierre Haessig, 73 ans, habite 12 rue du Port-du-Rhin et a toujours vécu dans le quartier. Dans sa jeunesse « ici, c’était un beau village », avec de nombreux magasins dont deux boucheries, des boulangeries et une dizaine de restaurants. « Tout le monde avait du boulot avec la Coop, le Port autonome, ou avec l’usine de farine. Quand les maisons ont disparu, les gens sont partis en Allemagne ou dans le centre de Strasbourg ». Ex-peintre en lettre à la Coop, il vit depuis 2002 dans l’ancien bâtiment réservé aux personnes d’astreinte de l’entreprise. Passionné par son travail, il lui a consacré un musée dans son propre jardin : « Il représente tout pour moi, tout mon travail, toute ma vie … », confie-t-il.
Aujourd’hui, ne subsistent que quelques magasins d’alimentation, des banques, une pharmacie et une pâtisserie. Selon lui, les projets de rénovation pour faciliter la circulation « ne sont pas réellement importants pour les riverains, car ils utilisent plus le vélo que la voiture. »
Robert Peter, retraité du Port autonome de Strasbourg depuis 1997, © Quentin Monaton
Robert Peter, ancien chauffeur livreur à la retraite pour diverses entreprises en relation avec le Port autonome, vit au 2 rue du Port-du-Rhin depuis le 15 avril 1975. De sa fenêtre, il a vu le quartier se transformer. Lorsqu’il a emménagé, de nombreux espaces verts permettaient aux enfants de jouer. Désormais, « ils ne sont plus entretenus ». En 1996, l’ouverture du port aux containers ne l’a pas affecté, malgré le bruit, « car cela permet à des gens de travailler ». Robert Peter souligne que les plus gros changements ont eu lieu dans les trois dernières années, alors que le quartier n’avait pas évolué pendant trois décennies. C’est l’arrivée du tram et la construction de nouveaux bâtiments qui ont transformé le paysage.
Depuis une dizaine d’années, la Ville de Strasbourg rachète de nombreux bâtiments pour réaménager le quartier. Quelques-uns résistent encore, notamment ceux appartenant aux entreprises du site. L’immeuble où résident Robert Peter et quatre autres locataires n’a pas été acquis par les autorités locales. Il va tout de même être détruit au premier trimestre 2018 pour laisser place à des bureaux du Port autonome en 2019.
Le retraité va être relogé au 5 rue du Péage. Les frais de déménagement et les travaux seront payés par son ancien employeur. Il en est ravi car il ne voulait surtout pas quitter le quartier : « Mes racines sont ici, tous mes enfants sont nés ici ». Mais il reste nostalgique : « Il y avait des usines, des gens qui se côtoyaient, maintenant tout ça s’est terminé ».
Rhein Fischer, immeuble où sera relogé Robert Peter, actuelle résidence de la famille Wild, © Quentin Monaton
Valérie Wild et sa famille habitent depuis deux ans le seul bâtiment qui ne sera pas détruit lors de la réhabilitation. Il s’agit de la maison en briques rouges Rhein Fischer située 5 rue du Péage. Cet ancien hôtel-restaurant du début du XXe siècle est désormais la propriété du Port autonome de Strasbourg. Il peut compter jusqu’à quatre locataires, mais actuellement n’en héberge que deux. Disposant d’un pigeonnier dans l’arrière-cour, la bâtisse est classée monument historique et ne peut pas être démolie par la Ville.
Située loin des commerces et des grandes voies de circulation, la belle bâtisse voit passer le tram depuis 2016. « Nous n’avions pas de relation avec le reste du quartier auparavant » rapporte Valérie Wild. Un arrêt est programmé à deux pas pour 2019. Mais cela ne change rien au quotidien des Wild : « Nous nous déplaçons principalement en voiture et à vélo pour nous rendre au travail ou dans les commerces ». La mère de famille concède tout de même qu’avec l’arrivée du tram, « on voit un peu plus de monde ».
Martin Schock et Quentin Monaton