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Le quartier Rivetoile-Malraux se verrait bien comme un centre névralgique de Strasbourg. Animé le jour, il est pour l’instant loin d’attirer les noctambules locaux.  

Il est 19h50 et le Barco Latino n'affiche pas complet. En ce jeudi soir, pourtant propice aux soirées étudiantes, seules trois des tables de l’imposante terrasse colorée de la péniche cubaine sont occupées. La petite bande à Julie, qui vit à Strasbourg depuis deux mois, ne voit pas que des côtés négatifs à cette faible affluence. « Au moins, ici, on fait pas la queue, constate la jeune fille. Et puis les mojitos sont pas chers ! », ajoute en rigolant son amie Solange, un verre à la main. A la table d’à côté, Alice et ses amis sont plus critiques. « C’est un peu mort le soir ici », confie l’étudiante de 22 ans. Le groupe se rejoint là pour la première fois, plutôt par commodité que par volonté. « C’est ce qui nous arrangeait le plus, c’était à mi-chemin entre nos appartements respectifs », reconnaissent-ils. 

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La terrasse du Barco Latino un jeudi d’octobre, en début de soirée. © Blandine D'alena

Un quartier désert en fin de soirée

Bon nombre de personnes partagent leur avis. Difficile de nier que le calme règne à Rivetoile-Malraux une fois la nuit tombée. Interrogée sur la diversité de l’offre nocturne à disposition, Aurélie, petite brune d’une vingtaine d’année, affiche un air peu convaincu. Elle avoue n’y venir que pour le cinéma UGC, qui surplombe le quartier. A la sortie de la dernière projection de Knock, avec Omar Sy, les clients sont unanimes : ils ne s’éterniseront pas à Rivetoile.

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Certains restaurants tentent d’attirer la clientèle de l'UGC en proposant des tarifs réduits aux détenteurs de tickets de cinéma. © Blandine D'alena

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Le 27 octobre, le froid a raison des clients sur la terrasse du Bureau, mais l’intérieur ne désemplit pas. © Blandine D'alena

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Passé 23h, l’allée où se concentrent les restaurants se vide. © Blandine D'alena

Bien conscients du pouvoir d’attraction que le cinéma génère, les restaurants ont fleuri des deux côtés du canal ces dernières années. Du Memphis Coffee à La Boucherie, en passant par le McDonald’s, l’offre ne manque pas. Ornella, manager de la brasserie Au Bureau, note que sa clientèle allie souvent toile et burger. L’établissement exploite l’opportunité en proposant des tarifs réduits aux usagers du cinéma. Et ça marche. Les lieux grouillent de clients en début de soirée, en particulier le week-end.

Mais, passé 22h, il semble bien compliqué de continuer sa soirée à Rivetoile-Malraux. Seul le Barco Latino reste ouvert jusqu’à 4h du matin. « Ce ne sera jamais comme la Krutenau ou Homme-de-Fer », tranche Ornella. Aujourd’hui, la zone ne semble pas en mesure de concurrencer les hauts lieux de la vie nocturne strasbourgeoise, et ce malgré l’inauguration récente d’une nouvelle péniche. Nommée Cabaret Onirique, elle propose pièces de théâtre, concerts et cirque.

 

« La vie nocturne après 22h n’est pas une priorité »

Au cours des dernières années, les élus ont affiché une réelle volonté de dynamiser Rivetoile-Malraux, qui était encore à l’état de friche industrielle il y a quinze ans. Lassad Essadi, chef de projets à l’Eurométropole n’en démord pas : « Historiquement, c’est une zone à laquelle nous avons tourné le dos. Nous voulons dorénavant créer ici un deuxième cœur de ville », mêlant activités culturelles et commerçantes. Il admet cependant que « la vie nocturne après 22h n’est pas une priorité » dans le quartier, et ce malgré l’organisation d’événements ponctuels, notamment musicaux, à l’image des Docks d’été. Un positionnement qui s’explique par la mixité sociale qui caractérise le quartier. S’y mélangent logements étudiants, habitats sociaux et, sous peu, résidences pour seniors, avec la construction d’une nouvelle tour. Des publics qui ne partagent pas le même désir de vie nocturne. Parmi les projets à l’étude figure aussi l’ouverture d’un restaurant gastronomique près de la Cité de la musique et de la danse. Pas de quoi garder les Strasbourgeois debout jusqu’à 5h du matin.

Florian Bouhot et Blandine D'alena

La vie nocturne du quartier se concentre autour de l'UGC. © Blandine D'alena

« CETTE PENICHE, ON L’A VUE ARRIVER SANS AUCUNE CONCERTATION »

Alain Kossak, président de l’association des résidents Etoile-Malraux, déplore l’attitude de la ville quant à l’installation de la péniche du Barco Latino au pied de la médiathèque André-Malraux. A l’origine installé quai des Bateliers, le navire a amarré à Rivetoile sans que les riverains n’aient été mis au courant préalablement.

Le riverain s’indigne : « Le quartier n’avait pas vocation à devenir un quartier de boîtes de nuit, on a été surpris de voir débarquer le Barco en avril ». Avant son arrivée, la vie nocturne tardive était inexistante. Si l’association n’est pas fermement opposée à l’ouverture de ce type d’établissement, elle entend « préserver la tranquillité du quartier ». Alain Kossak explique que le problème ne vient pas du Barco Latino en lui-même mais des gens qui fument sur la terrasse et font beaucoup de bruit.

« On entend des gueulards à 4h du matin. Ca ne nous dérange pas que ce soit ouvert tard si les gens sont raisonnables », explique-t-il. Afin de régler ce problème, Franck Meunier, le directeur du Barco Latino, a engagé des vigiles pour canaliser les plus bruyants. Si les relations qu’entretient l’association avec ce dernier sont cordiales, les riverains restent méfiants à l’égard de la ville. L’absence de concertation leur a fortement déplu. « Aujourd’hui, les élus rament pour regagner la confiance des habitants », conclut Alain Kossak.

Florian Bouhot et Blandine D'alena

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