Depuis l’arrivée de ses premiers habitants en 2015, la vie commence à s’organiser dans l'éco-quartier Danube, malgré le chantier et des difficultés de cohabitation.
Assise sur sa terrasse, Edithe Bresch contemple son luxuriant jardin. Pots de fleurs, cabane à oiseaux et jardinières se déploient autour d'elle. Mais dès la clôture de son jardinet franchie, on passe du vert au gris. Grues, terrains vagues en friche, câbles électriques enchevêtrés... Son petit coin de paradis est cerné par les travaux. Cette quinquagénaire alsacienne habite depuis octobre 2016 dans un immeuble de l'éco-quartier Danube. Comme elle, environ 600 personnes vivent dans ce chantier permanent, appelé à devenir une vitrine de la ville de demain.
D'ici 2020, 1800 à 2000 habitants, répartis en 600 logements devraient peupler cette zone de sept hectares, à deux pas du centre commercial Rivetoile. « Le but est que les gens y vivent autrement que dans des cages fermées, décrit le maire de Strasbourg Roland Ries, venu inaugurer la résidence Belved’air le 20 octobre 2017. On fait des bâtiments pour permettre aux habitants de vivre entre eux, pas seulement pour s'abriter. Du lien social peut se créer, c'est ce qui manque aux grands ensembles. »
L'éco-quartier est situé entre le pont Winston Churchill et le pont du Danube © Juliette Vilrobe
Edithe Bresch vit dans un immeuble réalisé en auto-promotion : elle et ses nouveaux voisins ont dessiné leur futur lieu de vie. © Emilie Sizarols
Hervé et Winnie Rémy vivent dans le logement social Belved’air. D’ici 2020, 50% des habitants de l’éco-quartier résideront dans ce type de logement. © Emilie Sizarols
A l'ombre des grues et des squelettes d'immeubles, ce « vivre autrement » est pour le moment loin de ressembler à celui vanté par la Mairie et les promoteurs. « Pour l'instant, la vie ici, c'est le chantier, constate Grégoire Klotz, qui habite au bord du canal depuis l'été 2015. On ne dit pas encore bonjour à tout le monde. »
Grégoire Klotz et quelques uns de ses nouveaux voisins ont décidé de s'unir en collectif d'habitants. Ils sont en tout une dizaine de membres actifs, qui donnent leur temps pour faire de leur quartier un endroit plus agréable à vivre. « On essaye d'aider les gens à s'installer et de créer un état d'esprit commun, précise Hervé Rémy, habitant de l'immeuble Belved'air depuis février 2017. On veut apprendre à se connaître, pour éviter d'avoir toujours le fusil près de la porte.Tout ce qui peut amener les gens à vivre ensemble sans se regarder en chiens de faïence, c'est positif ! »
Ces intentions sont loin d'être partagées par tous les habitants de l'éco-quartier. Une partie de la population est imperméable à ce discours. « Je m’en fous d'habiter dans un éco-quartier, lâche Antoine P., qui vit dans la résidence étudiante Kellermann depuis la rentrée. Je suis là parce que c'est proche du centre et de la fac, c'est tout. »
En revanche, tous les habitants profitent de l'atout numéro un du quartier : sa localisation. Proche de Rivetoile et du canal du Rhône-au-Rhin, à 20 minutes à pied de la cathédrale et deux minutes du tramway, le Danube offre à ses habitants toutes les commodités possibles. « Si l'éco-quartier avait été ailleurs, je n'y serais sans doute pas allée, affirme Edithe Bresch. Je voulais absolument être proche du centre-ville. Pas à Illkirch ou pire, à la campagne. »
Difficile aujourd’hui de voir pourquoi le quartier mérite le qualificatif d’écologique. Les voitures sont partout, comme les engins de chantier qui s'activent. La route du Rhin, ses quatre voies de circulation et ses poids lourds rappellent qu'on est au cœur d'une métropole d’un demi-million d’habitants. Cependant l’objectif final est d’atteindre le zéro voiture en stationnement en surface. A l’exception des personnes à mobilité réduite, les habitants ne pourront pas circuler en voiture dans l’éco-quartier et devront se garer sur l’une des 520 places de parking en sous-sol. A titre de comparaison, le parking du cinéma UGC compte environ 600 places.
A terme, la place des voitures dans l’éco-quartier sera restreinte. En attendant, les garages à vélo des résidences sont déjà bien remplis. © Emilie Sizarols
Quant au jardin d'Edithe Bresch, on y trouve des tournesols et des géraniums, mais aucune plante destinée à la consommation, car une partie de l’éco-quartier est construite sur une ancienne usine à gaz. « L’éco-quartier est totalement pollué, déplore Edithe Bresch. On ne peut même pas manger une salade plantée en pleine terre... ». Pour s’affranchir de cette contrainte, la plupart des habitants utilisent les toits en terrasse des bâtiments pour y cultiver des potagers, qui servent aussi d’espaces de rencontre en surface.
Au quotidien, le défi écologique du quartier sera surtout l'affaire des habitants. Ceux qui sont déjà engagés dans cette démarche en profitent pour sensibiliser les résidents pour lesquels la vocation est moins présente. « Les gens ici ne sont pas tous écolos, constate Grégoire Klotz. Beaucoup sont venus seulement parce que les prix étaient abordables compte-tenu de la situation géographique attractive. Ce serait bien s'ils pouvaient adopter les bonnes attitudes. Maintenant, je ne sais pas si ce message porte vraiment. »
De l'efficacité de cette communication pourrait dépendre le succès du projet d'éco-quartier. Car une fois les derniers bâtiments achevés, tout sera entre les mains des habitants. « Les plus à même de créer l'éco-quartier, c'est nous, lance Lucio Moret, qui emménagera dans sa résidence en 2019. Le quartier n'est pas livré clés en mains. Nous devons nous-mêmes répondre à nos attentes. Tout est à faire ici. »
Emilie Sizarols, Tom Vergez, Meerajh Vinayagamoorthy
L’éco-quartier en chiffres :
- 50% : l’éco-quartier Danube fait la part belle aux logements sociaux.
- 10000m², c’est la surface prévue pour les futurs espaces verts.
- 8 bâtiments déjà livrés, parmi lesquels l’EHPAD, la résidence étudiante Kellermann, ainsi que des logements participatifs et privés.
- Entre 3500 et 4500 euros : c’est le prix moyen au mètre carré dans l’éco-quartier Danube
- Positif : les immeubles sont aux normes BBC, bâtiments basse consommation. La future tour Elithis - dont les premiers habitants emménageront en février 2018 – sera à énergie positive.