19 septembre 2014
Josiane Reibel habite à l'Elsau depuis 1975. Photo CUEJ : Arnaud Salvat
Cet hiver, cela fera 34 ans que Josiane Reibel travaille à l'amélioration des conditions de vie des habitants des HLM de l'Elsau. Cette courageuse bénévole est devenue au fil des ans l'une des figures de proue de ce quartier marqué par les difficultés de logement. Cette année, elle brigue un ultime mandat au conseil d'administration de CUS Habitat.
Son entrée dans le monde associatif s'est faite fortuitement, lorsqu'elle a intégré l'APF ( l'Association populaire familiale, devenue par la suite la CSF, Confédération syndicale des familles ), en 1980. A cette époque, le prix du chauffage à l'Elsau était le plus cher de toute la ville. « J'étais mère au foyer, j'avais donc du temps libre pour militer, se souvient-elle. On a bataillé dur pour bloquer la hausse des charges, et au final on a réussi à obtenir la baisse du prix du chauffage ». Deuxième d'une famille ouvrière du Neuhof de 13 enfants, elle s'est installée à l'Elsau en 1975 pour y fonder sa famille. Avant de se consacrer à l'éducation de ses deux filles, elle avait notamment été ouvrière à l'usine Joustra. L'une de ses filles habite toujours le quartier et milite avec sa mère.
Une lutte de tous les jours
Au fil des ans, son engagement est devenu une occupation à temps plein. Présidente de l'antenne de la CSF, une association qui vient en aide aux familles dans le besoin à l'Elsau, elle est sur tous les fronts. Sa capacité d'écoute et sa ténacité l'ont fait connaître dans tout le quartier. « Elle s'est vraiment formée sur le terrain, par l'action », souligne Alphonse Pierre, président de l'Union départementale des associations familiales du Bas-Rhin ( UDAF 67 ).
En intégrant en 1999 le conseil d'administration de CUS Habitat, qui avec 1 100 locataires est le principal bailleur social de l'Elsau, Josiane Reibel obtient la charge des dossiers d'attribution de logements, et devient la principale intermédiaire entre les locataires et les bailleurs. Peu avare de son temps et de son énergie, Josiane Reibel a aussi participé par le passé aux différents comités et conseils de quartier.
Ses fonctions l'amènent à se déplacer tous les jours pour constater les problèmes et tenter de les résoudre. Son téléphone regorge de photos d'appartements dégradés ou de parties communes insalubres. « Dès qu'ils me voient arriver avec un nouveau dossier de plainte, les employés de CUS Habitat me demandent ce que j'ai bien pu encore découvrir », évoque-t-elle d'un air malicieux.
Progressivement, son action s'est étendue à d'autres quartiers de Strasbourg (Neudorf, le Port-du-Rhin, Hautepierre, la Musau), où elle tient aussi, la plupart du temps seule, des permanences de la CSF.
« On y va car on est très sollicitées. Ce n'est pas pour se promener », insiste son binôme de la CSF, Françoise Benoît, qui accompagne tous les jours Josiane Reibel sur le terrain. « On a même fini par nous surnommer les nounous du quartier », s'amuse-t-elle.
Aujourd'hui âgée de 66 ans et titulaire d'une modeste retraite, Josiane Reibel compte malgré tout se représenter aux élections des HLM, en décembre prochain, pour un ultime mandat de quatre ans, autant par conviction militante que par nécessité, insiste-t-elle : « A l'heure actuelle, personne ne s'est proposé pour prendre le relais. C'est vraiment très dur de trouver des jeunes qui accepteraient de faire le même travail que nous ». Femme des propositions concrêtes, elle aimerait obtenir pour les immeubles dont elle s'occupe l'installation d'une VMC (ventilation mécanique contrôlée ), et la rénovation de l'isolation thermique. « Avec ces simples travaux, on pourrait vraiment améliorer la vie des habitants en réglant les problèmes d'humidité », insiste-t-elle.
Un quartier qui s'appauvrit
Ces trente dernières années, Josiane Reibel a assisté à la lente dégradation de l'Elsau. « Notre quartier est de plus en plus pauvre. A la CUS Habitat, on nous envoie de moins en moins de dossiers de travailleurs. L'écrasante majorité des locataires vivent maintenant du RSA ou sont retraités, se désole-t-elle. Et comme ils n'ont pas de moyens de participer à l'entretien, les immeubles se dégradent de plus en plus rapidement. Je me demande si dans les hautes sphères on a remarqué quoi que ce soit ». « L'idéal ce serait d'avoir un plan de rénovation urbaine, mais ça dépend directement de l’État, et donc du gouvernement », résume-t-elle. La semaine prochaine, elle prendra part à la délégation envoyée par CUS Habitat au grand congrès annuel de l'Union sociale pour l'habitat, à Lyon. « Manuel Valls est censé y faire une apparition. On verra bien si on peut lui faire passer un message », promet-elle avec un petit sourire en coin.
Arnaud Salvat