Vous êtes ici

Cité relais : l'abri des dégringolés

14 octobre 2011

Au 5, rue Delacroix, à deux pas de l'arrêt de tram Elsau, la Cité Relais. Ce centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) accueille des gens brisés par la vie: des personnes SDF, toxicomanes, sortant d'hôpitaux psychiatriques ou de prison, des réfugiés... Là, ils ont un toit, et de l'aide pour rebondir: se réhabituer à la vie, réapprendre à travailler, trouver un logement et un emploi.

 

Durant la lecture de cet article, vous pouvez écouter le chant mélancolique de Pedro, qui avant d'atterrir à la Cité Relais, vivait de sa musique, en parcourant l'Europe.

La Cité Relais se compose d'un bâtiment blanc, cubique, posé sur un carré de pelouse à l'entrée du quartier de l'Elsau, à Strasbourg. Quarante-deux personnes vivent sur son perron, dans ses chambres, son hall, sa cuisine. Le jour durant, il faut y ajouter les éducateurs, la directrice, l'infirmière. La journée est rythmée par des moments d'activités le matin, et des moments de calme pour ceux qui ne travaillent pas.


Le perron est l'endroit favori des résidents, où tout le monde se rassemble
pour fumer en observant le monde extérieur. (Photo CUEJ - Elsa Sabado)

8h30:  Les ateliers d'adaptation à la vie active commencent. Roland et Kevin, d'anciens toxicomanes, préparent les repas de la journée avec Ludovic, ancien cuistot devenu éducateur. Au son de la radio, ils pétrissent, coupent, mélangent... Eddy, 21 ans, tond la pelouse. «Je n'arrive pas à trouver d'emploi parce que je suis schizophrène», explique-t-il : il attend désespérement d'être classé travailleur handicapé pour recevoir une petite pension. «Les ateliers sont surtout là pour leur apprendre un savoir être: se lever à 8h, se laver...», affirme Ludovic.

Laetitia anime l'atelier espaces verts et maintenance. Valoriser les compétences des résidents, c'est son but. «C'est plutôt chouette de voir leur satisfaction lorsqu'ils amènent les légumes du potager à la cuisine. Pour la maintenance, c'est même un rapport d'égalité, d'apprentissage mutuel que nous entretenons.» Les éducateurs suivent quelques résidents quatre heures d'affilée, «ce que nous ne pourrions pas faire dans d'autres cadres. Cela nous permet de voir qui est réellement employable», continue Laetitia.

Les nouveaux marmitons reprennent conscience de leurs sens. (Photo Elsa Sabado)

10h: C'est la pause. Les résidents affluent vers le perron. Ludovic, l'éducateur, s'isole et vide son sac. Il part en décembre pour Mayotte, après quinze ans de bons et loyaux services. «Je n'en peux plus, il faut que je change d'air. Les adultes, c'est très enrichissant mais c'est usant. Il faut sans cesse deviner les entourloupes et les esquiver. Ici, c'est un concentré d'humain, du meilleur comme du pire. Mon plus grand regret? N'avoir pas écrit sur les rencontres que j'ai faites ici.» En 2000, il avait monté un chantier d'insertion: les résidents devaient retaper des appartements. «La paperasse m'a agacé. La pression sur la production m'a dégouté. Les structures ont de moins en moins de subventions. Pour survivre, elles doivent développer ces entreprises qui n'ont d'insertion que le nom et où les salaires sont bien inférieurs à la moyenne.»

Les chantiers d'insertion se sont développés. «Cela répond à une exigence financière plus qu'à une exigence d'insertion», selon Ludovic. (Photo Elsa Sabado)

12h: D'anciens résidents viennent déjeuner à la Cité Relais, parce qu'on y pratique des prix « honorables ». L'ambiance est calme, les discussions rares. Les langues se délient au moment du café, sur le perron. Rédouane a quitté son pays en 2008. Ancien cadre, il raconte. «Ici, j'ai rencontré des braqueurs, à qui j'aurais donné le bon dieu sans confession». Il parle aussi les tensions autour de l'argent, du mélange «explosif» des cultures et des religions. «J'ai été vivement interpellé par des résidents parce que je ne faisais pas le ramadan», se souvient-il.


Juan (à droite sur la photo) est arrivé à la Cité Relais après une opération des hanches qui l'empêche d'exercer son activité de soudeur. Loulette, lui, a fait le tour de France avant d'arriver en Alsace. (Photo Elsa Sabado)

14h : L'après midi est consacré aux entretiens entre éducateurs et résidents. Maurice est le conseiller à l'emploi. Sa méthode, la franchise, même quand c'est rude. La difficulté étant de rendre les gens acteurs de leur recherche d'emploi. Son atout: un carnet d'adresses bien rempli, qu'il actualise sans cesse. Pour trouver des postes aux accidentés de la vie, il frappe aux portes des plus grands hôtels. Il connait les parcours et compétences de ses protégés sur le bout des doigts. Dix sont placés en CDD de plus de six mois ou en formation, 11 sont en intérim. «Ce qui l'inquiète, c'est le nombre grandissant de gens sur-diplômés qui atterrissent à la Cité Relais.»

Pendant ce temps dans le bureau d'à côté, Florence cherche un logement pour préparer la sortie de résidents, démarche les bailleurs sociaux. «La nouvelle politique vis à vis des précaires se nomme «Logement d'abord». Le principe: donner des logements aux SDF pour qu'il n'y en ait plus. C'est oublier les autres problématiques: la question de la drogue, de l'autonomie... Depuis 2009, les subventions de l'Etat à la Cité Relais ont chuté de 100 000 euros, soit deux temps pleins et demi en moins, dont une psychologue», explique Agnès Geoffroy, la directrice.


Maurice fait partager ses contacts, mais les aide aussi à rédiger leurs lettres de motivation et leurs CV. (Photo Elsa Sabado)

18h: Les résidents qui travaillent reviennent. Puis, c'est l'heure du repas: le menu est le même que celui de midi. Loulette, Rédouane et Pedro, un exilé chilien, musicien se retrouvent pour chanter autour d'une guitare. Bob Dylan, version kabyle clôturera la soirée.

Le soir, ceux qui bénéficient d'appartements annexes viennent partager des moments avec leurs anciens compagnons de chambrée. (Photo Elsa Sabado)

 

Grâce à cette frise chronologique, suivez une journée, heure par heure, de la Cité Relais. Cliquez sur les photos pour obtenir des informations supplémentaires.

 

Imprimer la page