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Obsolescence programmée, greenwashing, le Parlement européen redonne le pouvoir aux consommateurs


11 mai 2023

L’Union européenne avance sur la question de la transition écologique. Un nouveau texte sur le greenwashing et la réparabilité des produits a été voté à la quasi-unanimité au Parlement européen cette semaine.

“Biodégradable”, “vert”, “respectueux de l’environnement” : autant d’expressions vagues et trompeuses que l’Union européenne entend interdire sur les étiquettes de nos produits. C’est l’un des objectifs de la législation européenne votée à la quasi unanimité le jeudi 11 mai au Parlement européen de Strasbourg. « Nous mettrons fin à cette jungle d’affirmations sans fondements, soutient Biljana Borzan, eurodéputée en charge du texte. Nous voulons qu’il y ait plus dans les portefeuilles des citoyens, et moins dans les poubelles. » La lutte contre l’écoblanchiment, à savoir le fait de transmettre des faits déformés au public, pour paraître environnementalement responsable, est un des points majeurs de cette proposition. « Une entreprise n’aura plus le droit de se dire écoresponsable sans en donner la preuve, explique David Cormand, co-président de la délégation française du groupe écologiste, impliqué dans les négociations. Si l’une d’elles se dit “zéro émission de CO2”, elle ne pourra pas se contenter de l’afficher sur ses produits, il faudra qu’elle le prouve. »

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Le parlement a voté l'obligation pour les entreprises de prouver les affimations de leurs étiquettes. 

Quel impact pour les citoyens européens ?

Le groupe des Verts se dit satisfait de l’équilibre global de ce texte, et a même réussi à mettre en avant un point important pour eux : l'obsolescence prématurée. En la distinguant de l’obsolescence programmée, le texte donne la possibilité au consommateur de se retourner légalement contre une entreprise, s’il estime, par exemple, que sa machine à laver a une durée de vie anormalement courte. Jusqu’ici, pour être dédommagé, il devait prouver que l’entreprise a volontairement conçu son produit pour qu’il tombe en panne après un temps défini. La législation réglemente aussi la notion de mise à jour logicielle des appareils numériques, comme les smartphones et ordinateurs, qui peut être à l’origine de leur obsolescence prématurée.

Autre levier d’action pour lutter contre la surconsommation : l’indice de réparabilité. Le but est d’informer sur la durabilité des objets réparables comme les smartphones, ordinateurs ou lave-linges avant de les acheter. Une bonne chose pour Rémi Demersseman, président du collectif We are Greenwatching, qui lutte contre l’écoblanchiment. « En affichant la réparabilité, petit à petit, le grand public se familiarise avec le concept et se dit qu’il a le choix. Sur le long terme, ça change tout. » Si cette mesure est déjà déployée en France depuis 2021 avec la loi anti-gaspillage, l’objectif est de l’imposer dans tous les pays membres de l’UE.

La Commission en rajoute une couche sur le greenwashing

Pour compléter ce premier texte qui réglemente, entre autres, le greenwashing dans le commerce, un second a été proposé par la Commission européenne en mars 2023. Celle-ci propose de nouvelles mesures comme l’obligation pour les entreprises de prouver le bien-fondé de leurs slogans commerciaux comme “éco responsable” ou “neutre en émission carbone”, via un QR code ou un lien vers un site internet. Ainsi le consommateur pourrait lui-même vérifier la véracité de ces allégations. La Commission propose également de mieux réglementer les labels environnementaux. Ces étiquettes, supposées renseigner le public sur le respect de l’environnement de leurs produits, sont souvent créées par les entreprises elles-mêmes, et n’ont donc aucune valeur informationnelle réelle. Une vérification indépendante et officielle de ces labels serait instaurée, en amont de leur publication sur des étiquettes.

« Ça ne va jamais assez loin, assez vite »

Malgré les avancées que représente la proposition, les associations écologistes soulignent certaines lacunes. Rémi Demersseman déplore par exemple le fait que les entreprises puissent continuer à étiqueter leurs produits comme “zéro carbone”, alors qu’elles se contentent de planter des arbres pour compenser leurs émissions de CO2. Pour lui, « planter des arbres pour les couper au bout de cinq ans et faire du bois, c’est une connerie sans nom. L’impact écologique est nul », s’exclame-t-il.

« Comme toute démarche de ce type-là, c’est très bien, mais ça ne va jamais assez loin, assez vite », ajoute le président du collectif de lutte contre l’écoblanchiment. Le texte prenant la forme d’une directive européenne, chaque pays membre sera libre de remplir ces objectifs comme il le souhaite. Si la France dispose d’un système de sanctions plutôt strict (emprisonnement, amendes, ordres de retrait des produits du marché), ce ne sera pas forcément le cas de tous les États. Par ailleurs, le texte faisant consensus au sein des institutions européennes, le reste des négociations ne devrait pas poser de problème, permettant une application rapide.

Lisa Delagneau et Mathilde Lopinski

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