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Les parlementaires européens face au scandale du fond de pension volontaire


11 mai 2023

Plusieurs centaines d’eurodéputés toucheront une retraite pouvant aller jusqu’à 13 700 euros par mois. Un généreux système permis par le fonds de pension volontaire mis en place en 1991 pour compléter des retraites à l’époque disparates.

«Il n’y a pas pire publicité pour l’Union européenne», nous glisse un membre du groupe parlementaire des Verts. Cinq mois après le scandale du Qatargate, Investigate Europe et Mediapart ont révélé une nouvelle affaire qui éclabousse l’institution européenne. Selon leurs données publiées le 3 mai dernier, 660 eurodéputés, actuels ou anciens, bénéficient d’un fonds de pension volontaire (FPV)... en plus de leur retraite de base ! En fonction de leurs années d’ancienneté, certains eurodéputés ont touché ou toucheront le jackpot. C’est le cas de Jean-Marie Le Pen, qui, avec 35 ans de mandat, touche une retraite cumulée de 13 674 euros par mois.

«Chacun vit avec sa conscience»

Ce fonds de pension volontaire a vu le jour en 1991. À l’époque, le but était de compléter les retraites de certains députés européens qui bénéficiaient d’une faible pension nationale. En 2009, un système commun de retraite a été créé, fermant le FPV aux nouveaux élus. Plusieurs centaines de bénéficiaires se sont retirés du fond, par principe, mais certains sont restés. Sur les 81 eurodéputés français qui ont souscrit à ce fonds de pension, 22 sont membres du groupe des socio-démocrates. «Je trouve ça totalement incongru, indique Eric Andrieu, eurodéputé du groupe.   Après, chacun vit avec sa conscience, cela reste une question d’éthique, » veut-il relativiser, lui qui admet n’avoir pas été concerné directement par ce fonds, étant élu depuis 2012. Les autres eurodéputés du groupe interrogés rejettent chacun le principe de ce fonds de pension. Ce qui n’est pas le cas du groupe PPE. Une source proche des eurodéputés français du groupe majoritaire indique qu’aucune position ne ressort pour le moment. Brice Hortefeux, membre du PPE, est le seul eurodéputé français encore élu à toucher le FPV. Interrogé, l’ancien ministre de l’Intérieur de Nicolas Sarkozy assume totalement : «Bien sûr que je toucherai ce fonds ! Même si pour l’heure, ce n’est pas le cas puisque je suis encore eurodéputé.» À propos des révélations sur le FPV, il considère que «ce n’est pas un sujet qui nous intéresse vraiment.» 

Certains eurodéputés touchent une retraite généreuse. © France-Marie Nott-Mas

Pour ce qui est du groupe Identité et Démocratie (ID), on fait la sourde oreille. En plus de Jean-Marie Le Pen, sa fille Marine touchera, grâce au FPV 1783 € (en plus de ses 4463 € de retraite d’eurodéputée). Un paradoxe quand on sait que ces eurodéputés n’hésitent pas à fustiger les éventuels gaspillages des ressources allouées par les États pour le budget européen. Interrogé sur ces questions, Jordan Bardella, eurodéputé ID, a botté en touche : «Nous n’en avons pas encore parlé au sein de notre groupe parlementaire, mais peut-être qu’on pourrait voter contre le renflouement de ce fonds.»

Le FPV, un boulet pour le Parlement

L’avenir de ce fonds de pension est incertain. «Le régime de pension complémentaire [...]est en voie de suppression», résume de façon très laconique le site du Parlement. Une autre manière de dire qu’il sera enterré le même jour que son dernier bénéficiaire. Mais cette position attentiste ne suffit plus, vu l’ampleur du déficit : il s’élèverait à 313 millions d’euros, menaçant de faire faillite d’ici fin 2024. Investigate Europe a révélé qu’en avril dernier, le secrétaire général du Parlement s’était saisi du problème, mettant sur la table plusieurs hypothèses afin de le renflouer. La première, c’est que le Parlement règle la totalité de l’addition, donc sur les deniers publics. La deuxième option consisterait à vendre tous les actifs du fonds pour effectuer un paiement unique aux bénéficiaires, afin d’en finir avec un problème gênant. Dernière option : diminuer le montant des retraites, pour éviter de trop piocher dans les caisses de l’hémicycle.

Jean Lebreton et France-Marie Nott-Mas

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