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« Laissez travailler les agriculteurs ! » : la droite européenne veut freiner la transition agricole


11 mai 2023

Un coup politique : c’est ce qu’a tenté le Parti populaire européen pour attirer l’attention sur le sort des agriculteurs. Le groupe de droite au Parlement a lancé un débat pour dénoncer de futures législations écologiques, transformant l’hémicycle de Strasbourg en une tribune.

«  Laissez travailler les agriculteurs !  », tempête Norbert Lins, eurodéputé de la droite européenne.

Furieux et offensifs, lui et ses collègues du Parti populaire européen (PPE) ont réquisitionné l’hémicycle du Parlement européen pour se faire les porte-voix de la cause des agriculteurs. Dans leur viseur : deux législations actuellement en cours de négociation à Strasbourg sur la réduction des pesticides et la promotion de la biodiversité.

La droite pointe tout particulièrement du doigt l’objectif affiché par la Commission européenne de diminuer drastiquement l’usage de produits phytosanitaires de 50% d’ici à 2030.

Autre point de crispation, la réintroduction de haies, d’arbres et de petits étangs en vue de favoriser la présence des insectes et oiseaux. Une hérésie pour ces parlementaires : « Nous sommes en train d’en demander trop aux agriculteurs ! », fulmine Norbert Lins.

« Que les gens de la Commission sortent de leur bureau »

Dans un style plus sobre, son collègue Herbert Dorfmann, spécialisé dans l’agriculture, cherche à arrondir les angles. « Tout n’est pas parfait dans les pratiques actuelles et nous pouvons encore améliorer les choses, explique-t-il. Mais les agriculteurs sont les mieux placés pour savoir comment utiliser les sols de manière durable. »

Et de viser Bruxelles : « Il faudrait que les gens de la Commission sortent de leur bureau pour aller voir dehors ce qu’il se passe vraiment dans les champs », assène-t-il face à Mairead McGuinness, commissaire européenne chargée des Finances, venue assister au débat. « Où donc est le commissaire de l’agriculture, Janusz Wojciechowski ?, reprend l’eurodéputé Lins, sa voix résonnant dans un hémicycle presque vide. Où se trouve-t-il ? Où se cache-t-il ? C’est une question de respect ! »

Le Parlement européen à la chasse aux pesticides. © Coline Playoust / Milan Derrien

Les diatribes de la droite sont reprises par les eurodéputés d’extrême droite. «  Les agriculteurs ont déjà fait beaucoup d’efforts pour réduire l’usage des pesticides, assure Gilles Lebreton du groupe Identité et Démocratie (extrême droite).  On devrait s’inquiéter plus largement de la perte du sens de la réalité de la Commission. Votre stratégie est inadaptée. Mais votre orgueil et votre certitude de savoir mieux que les peuples vous empêchent de l’admettre.  »

« C’est incroyable cette position du PPE »

«  C’est incroyable cette position du PPE, répond Martin Hausling du groupe écologiste. Pas un seul mot sur le réchauffement climatique. Pas un mot non plus sur la crise de la biodiversité. Ce que vous faites aujourd’hui, ce sont de petites manigances pour prouver la pertinence du modèle agricole actuel  », martèle-t-il dans des grands gestes en direction des bancs de la droite.

Sa collègue des Socialistes et Démocrates, Iratxe Garcia Pérez, n’est pas en reste. Elle dénonce le «  négationnisme climatique de la droite et de l’extrême droite  ». «  Quel avenir pour l’agriculture si ces politiques font des écosystèmes de véritables déserts ?  », lance-t-elle, rappelant les records de chaleur qui malmènent également les rendements agricoles.

Chez The Left (extrême gauche), la co-présidente du groupe Manon Aubry n’a pas de mots assez durs et accuse le PPE de défendre les «  superprofits du secteur agroalimentaire  ».

L’eurodéputé Pascal Canfin de Renew (libéraux) tente, lui, de dépasser les clivages. Il invite le Parti populaire européen à approuver le « paquet de solutions  » de la Commission européenne, « avec les Socialistes et pourquoi pas les Verts ». Il insiste : « Nous avons déjà réussi à trouver des accords sur la mobilité et l’industrie. L’écologie est un sujet qui devrait nous réunir plutôt que de nous diviser ».

Milan Derrien et Coline Playoust

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