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L’UE s’active pour renflouer les stocks de munitions


11 mai 2023

Les munitions manquent dans l’Union européenne. Missiles, obus... les États membres ont écoulé leur stock pour venir en aide à Kiev depuis le début de l’invasion russe. Pour y répondre, un fonds de 500 millions d’euros doit être débloqué en urgence. Son nom : le plan ASAP.

« Le succès de ce plan dépend de sa vitesse d’exécution », a martelé le commissaire européen à l’Industrie de la défense, Thierry Breton, dans l’hémicycle. Les eurodéputés l’ont bien compris et ont acté le mardi 9 mai la nécessité de voter au plus vite, d’ici début juin, le plan ASAP, pour Acte de soutien à la production de munitions. En jeu : débloquer 500 millions d’euros pour renflouer les stocks de munitions des pays membres, aujourd’hui vides à cause de la guerre en Ukraine.

« Nous devons soutenir, dans l’urgence, l’Ukraine qui lutte contre l’invasion russe, qui lutte pour l’Europe elle-même », a abondé Christian Ehler (PPE, droite). Le nom ce plan, « ASAP », acronyme anglophone pour « As soon as possible », soit « Le plus rapidement possible », incarne parfaitement l’urgence soulignée inlassablement par les parlementaires. Le vote permet ainsi de soumettre cette législation au Parlement dès la prochaine session, les 31 mai et 1er juin.

Répondre aux besoin ukrainiens

Car il y a urgence. Depuis février 2022, les États membres ont chacun mis la main à la poche pour livrer, au total, un million d’obus aux forces ukrainiennes depuis le début du conflit. Mais aujourd’hui l’Ukraine en demande davantage. Volodymyr Zelensky, son président, en requiert huit millions. Problème, la production européenne actuelle d’obus est de 300 000, et les stocks des pays membres sont épuisés. Pourtant, « l’Europe a les capacités de production », a affirmé Thierry Breton. Seules les commandes manquent.

Ce plan vise à répondre à ces besoins. Il se divise en trois piliers : l’envoi de munitions, missiles et obus à l’Ukraine en prélevant dans les stocks des États membres, le renflouage de ces stocks ainsi que la création, sur le long terme, d’une autonomie européenne en matière de défense. Si les États membres souhaitent que le projet de loi soit effectif rapidement, c’est aussi pour augmenter et accélérer leur capacité de production de munitions. « Aujourd’hui, l’Europe n’a plus le droit de poursuivre dans sa naïveté désarmante », a insisté Nathalie Loiseau, eurodéputée du groupe des libéraux Renew.

Les gauches à contre-courant

Tous les eurodéputés ne sont pas sur la même ligne. En particulier sur le financement du plan ASAP, car les 500 millions d’euros débloqués proviennent de fonds européens déjà existants. Une origine financière que dénoncent Les Verts (écologistes), qui soutiennent au contraire la création d’un fonds spécialement dédié au plan.

Un million d’obus ont été livrés aux forces ukrainiennes depuis le début de la guerre par les États membres de l'Union européenne. © Fanny Gelb

Le parti écologiste, par la voix de l’eurodéputée Hannah Neumman, soulève un autre problème : « ces entreprises [d’armement] qui engrangent des milliards d’euros par an n’ont pas besoin de l’argent du contribuable. Nous ne devrions pas leur donner. » Sur la même ligne, le groupe d’extrême gauche La Gauche, en sa co-présidente Manon Aubry, favorable au plan ASAP, a mis en garde contre un « risque de superprofits [des entreprises du secteur] important et inquiétant ». Une solution est ainsi proposée par les Verts : « coupler l’investissement avec une taxe sur les superprofits ».

Autre débat clivant chez les parlementaires : la philosophie même de l’Union si elle adoptait ASAP. Selon des eurodéputés de gauche, le plan tend à créer sur le long terme une capacité de défense européenne indépendante, notamment en matière d'armement. Un tournant pour l’institution, idéologiquement pacifiste. Pierre Haroche, spécialiste en relations et sécurité internationales à l’université Queen Mary de Londres, estime que « le cœur de l’Europe est désormais tourné vers sa capacité à résister à ceux qui font la guerre en dehors de ses frontières », comme la Russie ou la Chine.

Fanny Gelb et Mina Peltier

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