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Le vaccin comme bien commun de l'humanité : le Parlement Européen divisé


20 mai 2021

A Bruxelles, le débat sur l’accès des pays les plus pauvres au vaccin contre le Covid-19 a été dominé par la question de la levée des brevets, qui a profondément divisé les eurodéputés.

La campagne de vaccination monte en puissance dans le monde, pour atteindre le milliard et demi de doses administrées. Mais obtenir des vaccins reste « un privilège réservé aux pays qui peuvent les produire ou aux plus riches » pour reprendre les mots de l’eurodéputée belge Kathleen Van Brempt (S&D, sociaux-démocrates). Ce 19 mai, le Parlement européen s’est entendu sur un besoin de solidarité avec les pays les plus défavorisés pour faciliter leur accès aux vaccins. Mais la manière d’y parvenir a divisé les eurodéputés. Le principal point d'achoppement a été la proposition de lever les brevets des vaccins, détenus par les laboratoires pharmaceutiques. Défendue publiquement par le Président américain Joe Biden au début du mois de mai, cette idée controversée s’est logiquement imposée dans le débat européen. 

La propriété intellectuelle des laboratoires, source du désaccord

Les eurodéputés favorables à la levée des brevets sont convaincus que les capacités de production sont opérationnelles dans plusieurs pays dotés d’usines pharmaceutiques, comme l’Inde ou le Bangladesh. « Mais le problème est qu'ils se voient refuser des licences pour produire davantage », déplore Philippe Lamberts (Verts/ALE, écologistes). Pour Manon Aubry (GUE/NGL, extrême-gauche), il faut « reprendre le contrôle sur les conditions imposées par les laboratoires ». L’ONG Oxfam regrette, par ailleurs, que le vaccin ait permis à neuf dirigeants de laboratoires de devenir milliardaires. L’organisation s’en remet à la société civile pour que la Commission européenne se saisisse du sujet : « 150 000 signatures pour notre pétition. A un million, les Commissaires devront présenter un acte législatif sur la levée des brevets », explique Sandra Lhote-Fernandes, responsable plaidoyer santé de l’ONG.  

Pour d’autres eurodéputés, pour la majorité de groupes de droite, la levée des brevets n’est pas la solution pour intensifier la diffusion du vaccin dans le monde. Elle risquerait en effet, selon eux, de mettre en péril les Biopharma allemandes, au cœur de la conception des vaccins Arn-messager. « Si les règles du jeu changent en cours de route, les laboratoires ne prendront plus de risques pour fabriquer des médicaments », alerte l'eurodéputé français Geoffroy Didier (PPE, centre-droit). Ces arguments convergent avec la position des laboratoires. « Ce serait une menace pour l’innovation dans le futur », estime ainsi Leem, le syndicat européen du secteur. Autre inquiétude : la maîtrise de technologies de haut-niveau pour produire les vaccins, sans l’aide des laboratoires qui les ont conçus.

Pour être solidaires avec les pays moins riches, les détracteurs de la levée des brevets estiment que l’urgence reste d’intensifier la production, et l’exportation de vaccins. Chrysoula Zacharopoulou (Renew, libéraux) souligne ainsi que l’Union européenne n’a pas « à recevoir de leçons de solidarité » de Joe Biden, en rappelant que les 27 ont déjà exporté la moitié des doses produites sur leur sol, soit près de 200 millions d’unités. De son côté, la Commission européenne, par son vice-président Valdis Dombrovskis « invite les pays développés à mettre en commun leur production », le regard tourné vers les Etats-Unis qui ont jusqu'à présent drastiquement limité leurs exportations.

Maryline Ottmann

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