L'Inra de Colmar vient de lancer de nouvelles recherches. Son objectif : créer de nouvelles variétés de vignes résistantes à deux maladies bien connues en Alsace, l'oïdium et le mildiou. Les viticulteurs se félicitent que ces recherches ne concernent pas les OGM, mais restent vigilants.
L'Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Colmar a lancé depuis quelques jours de nouvelles recherches sur la viticulture en créant une nouvelle plateforme de « phénotypage ». Si ce terme scientifique fait penser à une possible culture d'OGM, il n'en est rien. Il s'agit d'étudier toutes les caractéristiques observables des plantes, et non leur composition génétique.
Ces recherches ont été initiées dès 2000, mais cette plateforme, comprenant un laboratoire d'étude des champignons, est unique en Europe. L'enjeu pour l'Inra est de créer de nouvelles variétés de vignes résistantes à deux maladies microscopiques, l'oïdium et le mildiou. Cofinancés par le ministère de la Recherche, l'Inra et les collectivités locales, ces nouveaux cépages devraient voir le jour en 2016. Leur coût : 1,22 millions d'euros.
Ce n'est pas la première fois que l'Inra de Colmar entreprend des études sur la vigne. En août 2010, une parcelle de vignes OGM cultivée en plein air avait été détruite par une soixantaine de faucheurs.
Vidéo : Fauchages tardifs par latelevisionpaysanne
Didier Merdinoglu, de l'Unité mixte de recherche « Santé de la Vigne et Qualité du Vin » à l'Inra de Colmar, explique que « l'objectif est de réduire, voire d'éliminer les fongicides utilisés par les viticulteurs car ces produits posent des problèmes en terme d'environnement, de santé et de coût financier. Il s'agit de rendre la filière plus compétitive ». Selon l'Inra, près de 34 000 tonnes de fongicides seraient utilisées pour la viticulture en France chaque année. Une dépense de plus de 220 millions d’euros pour les viticulteurs.
Des cultures sous serre non OGM
Pour ces recherches, les vignes sont cultivées sous serre. Didier Merdinoglu souligne qu' « avec la culture d'OGM, on prend un gène d'une espèce et on l'introduit dans une autre espèce par une transformation génétique ». Un organisme transgénique contient donc des gènes « étrangers » :
Les viticulteurs restent vigilants
Jean-Pierre Frick a participé au fauchage de la parcelle OGM de l'Inra. Ce viticulteur du Bas-Rhin précise qu'il n'est pas contre l'Institut mais uniquement contre les OGM « qui font mourir la petite paysannerie ». « Je n'ai rien contre ces recherches mais je pense que les questions de fond ne sont pas abordées, comme celles de savoir pourquoi avec l'agriculture biologique, les vignes sont moins atteintes par les maladies. Il faut davantage s'occuper des causes et moins des symptômes », ajoute-t-il.
Viticulteur à Ammerschwihr, dans le Haut-Rhin, Frédéric Geschickt cultive bio mais il se verrait bien planter ces cépages plus résistants : « Cela nous simplifierait la vie car, même en biodynamie, on lutte contre ces maladies ». Il reste cependant intransigeant sur la qualité :
Mais pour lui, « la vraie voie possible est d'avoir une identification aux territoires beaucoup plus marquée. La seule chose que l'on ne pourra pas exporter ailleurs ou produire ailleurs c'est le terroir alsacien ».
Du côté de Dambach, dans le Bas-Rhin, Yvette Beck Hartweg, est plus sceptique. Si cette viticultrice bio se félicite que ces recherches ne soient pas réalisées avec des OGM, elle met en garde :
« On a appris à vivre avec ces deux maladies en utilisant des produits naturels, comme le souffre, le cuivre en faible quantité, et des plantes », ajoute-elle.
Les viticulteurs restent davantage préoccupés par une autre maladie, celle du bois qui détruit leur vigne. « C'est la maladie qui nous touche le plus car elle fait mourir nos pieds de vignes. On aimerait bien que les chercheurs s'y intéressent davantage».
Didier Merdinoglu balaye toutes les critiques : « Les recherches contre la maladie du bois sont actives. Elles sont difficiles car on ne connait pas très bien cette maladie ». Il avoue qu'avec ces recherches, « on ne va pas reproduire à l’identique un cépage, ce qui peut constituer un défaut mais il peut y avoir des changements de cépages, comme pour le Bordeaux. Ces évolutions ne sont pas impossibles si l'on garde la qualité pour les consommateurs ».
Anna Benjamin