Vivre à moins de 500 mètres des exploitations viticoles augmente l'exposition aux pesticides. (Photo d'illustration ©René Rauschenberger / Pixabay)
Une étude publiée lundi confirme que l’usage des produits phytosanitaires touche davantage les personnes vivant à proximité des sites viticoles. Pourtant « difficile de se passer » de ces produits commente le vice-président de l’Association des viticulteurs d’Alsace.
Très attendus, les résultats de l’étude nationale PestiRiv sur l’exposition aux pesticides des riverains de zones viticoles, publiés ce lundi 15 septembre, ne constituent guère une surprise : vivre à moins de 500 mètres des exploitations viticoles vous expose davantage aux pesticides que les autres. Et l’Alsace, avec ses 15 000 hectares de vignes, n’est pas épargnée.
Une enquête d’ampleur inédite
L’enquête, menée conjointement par Santé publique France et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), constitue une première en France. Le projet PestiRiv a porté sur 265 sites, dont quatre en Alsace : Ribeauvillé, Niedermorschwihr, Obermorschwihr et Rothau.
Entre octobre 2021 et septembre 2022, pas moins de 56 substances utilisées pour le traitement de la vigne ont été recherchées auprès de 2 700 participants (de 3 à 79 ans), répartis entre des habitants vivant à proximité immédiate de vignobles et d’autres résidant à plus d’un kilomètre de toute zone viticole.
Une concentration 15 à 45 % plus élevée dans les urines des riverains
Les analyses révèlent par exemple que la concentration de pesticides dans les urines des riverains est de 15 à 45 % plus élevée que chez les habitants éloignés. Dans leur domicile, la contamination des poussières atteint parfois jusqu’à 1 000 % de plus que chez les non-riverains.
Le deuxième objectif de l’étude consistait à comparer les niveaux d’exposition pendant la période de traitement des vignes (de mars à août) et en dehors de celle-ci. Les résultats sont nets : durant la saison des épandages, la contamination augmente fortement — jusqu’à 60 % de plus dans les urines, 700 % de plus dans les poussières et jusqu’à 45 fois plus dans l’air ambiant.
Plus inquiétant encore : les enfants de 3 à 6 ans sont les plus touchés, ayant davantage de contacts avec le sol et un organisme éliminant plus lentement les toxines. « Ça nous oblige évidemment à remettre en question nos pratiques », reconnaît Christian Kohser, vice-président de l’Association des viticulteurs d’Alsace et lui-même viticulteur. « Nous sommes également directement concernés, et personne n’a envie de polluer son propre environnement de vie et de travail. »
Des solutions ambivalentes
« Si on pouvait s’en passer, on le ferait », insiste-t-il. Pour les viticulteurs, les produits phytosanitaires restent des « outils » permettant de protéger les plantes et d’assurer la rentabilité de leurs exploitations. « Si aujourd’hui, en France, l’alimentation est abondante et peu chère, c’est grâce à la révolution agricole que représente la chimie », explique le viticulteur. D’où la nécessité pour lui d’investir dans la recherche pour proposer aux agriculteurs « une solution viable, efficace et respectueuse de l’environnement ».
Pour autant, si les conclusions de Santé publique France et de l’Anses invitent les pouvoirs publics à « s’approprier les résultats de l’étude pour enclencher une réflexion sur les mesures de prévention à court, moyen et long terme » et à réduire l’usage des pesticides – sans pour autant proposer d’alternative concrète. Dans un communiqué de presse publié dans la foulée des résultats, l’association Générations futures appelle notamment à « instaurer des zones de traitement de 100 mètres minimum », à « davantage accompagner la transition agroécologique », et à « systématiser les systèmes d’alerte 48 heures avant un épandage ».
Zoé Fraslin
Edité par Pauline Moyer