Interrogé sur le plateau de BFM, le ministre de l'Intérieur s’est montré particulièrement virulent envers la journaliste, faisant réagir à droite comme à gauche.
« Je vous demande pardon ? Comment vous me parlez ? C'est quoi le problème ? » Ce n’est pas une prise de bec en pleine rue, non : c’est la matinale de BFMTV / RMC en début de campagne présidentielle, entre une journaliste et un ministre. Elle, c’est Apolline de Malherbe, présentatrice phare de BFM TV ; lui, c’est Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur.
En direct sur le plateau de BFM, ce dernier n’a pas apprécié les remarques sur les chiffres de la sécurité, peu avantageux pour son ministère. Violences, atteintes aux personnes, homicides, coups et blessures, sans oublier les violences sexuelles : tous ces indicateurs sont en hausse pour l’année 2021. Et pas de bol pour Darmanin, les chiffres viennent de ses services.
« Est-ce que vous ne vous êtes pas réveillés un peu tard sur les questions de sécurité? », a donc demandé la présentatrice, avant de s’entendre répliquer par le ministre : « J’ai regardé votre logo, je pensais qu’on était sur CNews, mais en fait on est bien sur BFMTV. » Peut-être était-il à court d’arguments ? La suite a continué dans l’envolée lyrique et les noms d’oiseaux, à base de « populiste », de « Calmez-vous Madame, ça va bien se passer » ou encore de « Je réponds comme vous m’agressez ».
Une réaction jugée sexiste
Il n’a pas fallu longtemps pour que l’opposition réagisse à cette interview hors norme, ou en tout cas plus virulente que d’habitude. À gauche, le secrétaire national d'EELV Julien Bayou a dénoncé le « sexisme crasse » du ministre, tandis que le compte twitter Women who do stuff dénonce « une réponse paternaliste et misogyne (il est à deux doigts de la traiter d’hystérique) ». Un nouvel épisode dans les accusations de sexisme envers Gérald Darmanin, déjà bête noire des féministes pour ses démêlés avec la justice. Accusé de viol et de harcèlement en 2017, puis d’abus de faiblesse en 2018, il a été blanchi dans chacun de ces cas lors des deux dernières années.
À droite, on s’est empressé plutôt de s’engouffrer dans la brèche politique. Chez Les Républicains, on s’en prend au « Mépris macroniste épisode 852 ». Idem pour Éric Zemmour qui fustige le « naufrage abyssal de la politique sécuritaire d’Emmanuel Macron » et en profite pour se poser en solution : « Dans 60 jours, je ferai de la protection des Français une priorité absolue. »
D’où est parti cet échange de tirs ? Il est possible qu’Apolline de Malherbe ait voulu taper fort cette fois, après la vidéo de la semaine dernière où elle tutoyait Patrick Balkany — lequel doit retourner ce mercredi en prison pour avoir violé son contrôle judiciaire. Mais même si elle avait voulu réagir à cette affaire, avant toute autre considération, elle n’a fait ici que son travail. C’est surtout la violence du ministre qui étonne en réalité, encore davantage sur une chaîne TV peu habituée à ce genre de frasques. Gérald Darmanin aurait-il raison, lorsqu’il déclare se croire sur CNews ? Peut-être, en effet. Mais pour reprendre ses termes favoris, il est au moins aussi responsable de cet « ensauvagement » médiatique que ne l’est BFM.
Géraud Bouvrot