L’effet du chauffage au bois sur la concentration de particules fines dans l’air n’est pas forcément connu. Dans le Grand-Est, les particuliers sont incités à adopter des écogestes, voire un nouvel appareil.
En 2016, le logement représentait la moitié des émissions de particules fines en France, contre 21 % pour l’industrie et 18 % pour le transport routier. © Tim Bish
À Strasbourg, le visage normalement souriant du pictogramme utilisé pour l’indice de qualité de l’air faisait la grimace mardi 14 février. Fluctuant entre un air « très mauvais », « mauvais » et « dégradé » sur l’échelle mesurée par les associations de surveillance de la qualité de l’air, il est revenu à une qualité acceptable (« moyenne ») le lendemain midi.
En cause : la concentration dans l’air de particules fines, mélanges de différents composés chimiques principalement émis lors de phénomènes de combustion ou par réaction chimique de gaz présents dans l’atmosphère. L’exposition chronique à ces particules d’une taille inférieure à 2,5 microns (μm) – le diamètre d’un cheveu humain, lui, est de 50 à 70 μm – a des effets délétères. Santé publique France estimait dans sa dernière étude sur la période 2016-2019 que 40 000 décès par an lui seraient attribuables et que cette exposition représenterait en moyenne une perte de 8 mois d’espérance de vie pour les personnes de 30 ans et plus.
Le paradoxe d’un secteur qui pèse lourd
On impute souvent la pollution aux particules fines au trafic routier, or la majorité des particules fines proviennent du secteur résidentiel, comme le souligne le ministère de la Transition écologique et solidaire. En 2016, le logement représentait la moitié des émissions de particules fines en France, contre 21 % pour l’industrie et 18 % pour le transport routier. Et dans ce secteur résidentiel, le chauffage au bois apparaît comme un paradoxe : celle d'une énergie à l’image plutôt écologique, présentée comme « renouvelable » par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), mais qui produit pourtant la majorité des particules fines du secteur (41 % en France en 2022).
En France, près de 7 millions de foyers ont choisi de se chauffer au bois, selon l’ADEME. Et dans la région Grand-Est, 22 % des ménages utilisent ce combustible – majoritairement des bûches – comme source de chauffage principal ou d’appoint en 2018, selon le Fibois Grand-Est. Les appareils utilisés dans la région ne sont par ailleurs pas tous récents : hors cheminées à foyer ouvert, plus de 40 % datent d’avant 2004.
Nécessaire pédagogie
L’Eurométropole de Strasbourg a ainsi initié une aide financière de 600 à 1 600 € pour le passage à un appareil de chauffage au bois récent. Pour y être éligibles, les particuliers doivent s’adresser à un artisan « reconnu garant environnement » (RGE). Olivier Labrousse, artisan à Vendenheim en banlieue de Strasbourg, en fait partie. « Il n’y a pas encore d’interdiction d’installation de foyers ouverts (cheminées ouvertes, ndlr) mais les artisans labellisés RGE ne sont plus autorisés à en installer. »
La sensibilisation fait partie de son quotidien. « Les vieilles installations participent à la pollution aux particules fines. Un foyer ouvert, c’est un rendement (capacité à chauffer, ndlr) quasi nul de l’ordre de 10 %, alors qu’un appareil récent, ce sera 80 % », avance-t-il. Un ordre de grandeur confirmé par l’ADEME, qui souligne l’importance d’une combustion efficace pour réduire les résidus polluants potentiels.
« Il faut surtout sensibiliser les gens à la bonne façon de faire du feu, puisque beaucoup utilisent encore du bois humide, du carton ou des journaux. Tout le monde sait faire du feu, mais le maîtriser et réaliser une bonne combustion, c’est une autre affaire », pointe Olivier Labrousse. Un constat partagé par l’ADEME et les métropoles, pour qui le renouvellement vers des appareils plus performants est indissociable de ces « bonnes pratiques ».
Nils Hollenstein
Édité par Tara Abeelack