Le Conseil représentatif des associations noires (Cran) présentait son deuxième baromètre des discriminations à l’Assemblée nationale. Plus de neuf sondés noirs sur dix se disent victimes de discrimination. Pour Patrick Lozès, la balle est maintenant dans le camp des pouvoirs publics.
D’après le baromètre établi par l’Ipsos, le racisme au quotidien s’exprime surtout dans l’espace public. ©CC by Montecruz Foto
Seize ans. Il aura fallu seize ans pour que le Conseil représentatif des associations noires (Cran) publie son deuxième baromètre des discriminations en France. Les chiffres sont édifiants : plus de neuf Français noirs sur dix se déclarent victimes de discriminations. Soit près de deux fois plus qu’en 2007, quand ce chiffre s’élevait “seulement“ à 56%.
L’étude, menée pendant plusieurs mois par l’Ipsos, est déclarative. Les sondés, contactés sur internet et par téléphone, identifiaient eux-mêmes leur groupe d’appartenance. Parmi les répondants, 807 s’identifient comme noirs, métisses ou d’ascendance noire. Alors même que les statistiques ethniques sont interdites en France.
Pas de hiérarchie des discriminations
Joint par Webexn le président du Cran, Patrick Lozès, souligne que ce baromètre « donne raison » au Cran sur une position qu’il affiche depuis sa création. « Il n’y a pas de hiérarchie des discriminations. Pour autant, on ne discrimine pas une personne homosexuelle, une femme ou un noir pour les mêmes raisons ou de la même façon. » L’exemple le plus criant est la fréquence des contrôles de police. Les personnes noires seraient deux fois plus contrôlées par la police (49%) que l’ensemble de la population (23%) selon ce baromètre.
Patrick Lozès, président et fondateur du Cran ©CC BY-SA 3.0
« On espère que ce baromètre montrera aux Français comment nous, Noirs, vivons la France. »
-Michel Manguele, membre du conseil d’administration
L’essentiel des discriminations ressenties ont lieu dans l’espace public – à hauteur de 41% – et au travail. « Les lieux de vie quotidienne », détaillait le président du Cran au Parisien. Pour autant, Patrick Lozès ne se résout pas à voir du racisme partout. L’étude montre une autre donnée, plus optimiste : 85% des Français sondés souhaitent que la lutte contre les discriminations devienne une priorité politique.
Le fondateur du Cran rappelle le caractère déclaratif du sondage. Il estime que de nombreuses personnes peuvent ne pas être conscientes de leurs biais racistes. « ça ne veut pas dire qu’il y a énormément de racistes », seulement quantité d’actes vécus comme racistes.
« Est-ce que mon pays, la France, est raciste ? Non. Est-ce qu’il y a du racisme en masse en France ? Oui. »
-Patrick Lozès, président et fondateur
L’organisation appelle de ses vœux un effet boule de neige. « Ce n’est pas au Cran de faire l’étude, c’est aux pouvoirs publics de se saisir de la question. » Un début de prise de conscience ? Emmanuel Mbong, membre de conseil d’administration du Cran, affirme qu’Isabelle Rome, Ministre déléguée chargée de l'égalité, souhaite le rencontrer. « Une ministre qui veut me rencontrer, moi, simple manant ? C’est maintenant que tout commence » veut-il croire.
Amjad Allouchi
Edité par Joffray Vasseur