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Redéploiement diplomatique


18 décembre 2007

Les 27 se le sont promis, le Traité leur permettra de parler d'une seule voix sur la scène internationale. Mais c'est déjà la cacophonie sur les rapports avec Moscou, le dialogue avec l'Afrique rend sourd et l'élargissement à la Turquie divise. L'Union de la Méditerranée, elle, ne fait vibrer que l'Elysée. Bien du plaisir au futur Haut représentant pour les Affaires étrangères et à son service en gestation. Au Quai d'Orsay, Pierre Ménat marche à pas feutrés.

Pierre Ménat pratique le langage diplomatique

A l'instigation de Jean-Pierre Jouyet, il a retrouvé le Quai d'Orsay il y a cinq mois.

Définir les positions diplomatiques françaises à Bruxelles ou s'occuper des relations de la France avec les Etats membres et les pays candidats, c'est à nouveau le travail de Pierre Ménat depuis le 20 juillet dernier.
Au ministère des Affaires étrangères, il dirige une équipe de 75 personnes. En ce moment, deux dossiers majeurs de la présidence française de l’Union sont examinés par son service: le futur Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la nouvelle diplomatie européenne. Car si le traité entre en vigueur, le Haut représentant devra immédiatement disposer de son propre «ministère» des Affaires étrangères de l’Union.
Pierre Ménat préfère rester prudent sur ces deux dossiers. «On ne peut pas expliquer comment va s’organiser le nouveau service européen des relations extérieures tant que le traité n’est pas ratifié», dit cet ancien ambassadeur qui a été en poste en Roumanie puis en Pologne. «Imaginez la réaction des Britanniques, s’ils apprenaient que la France prépare la répartition des fonctionnaires dans ce service. Il faut être prudent et faire les choses en douceur. D’abord la ratification, ensuite les actions concrètes», sussure l’énarque en faisant les cent pas. D'ailleurs ce service ne fait que réunir quelques départements existant. Une broutille.

Pas de danger avant 50 ans

C'est comme pour le Haut Représentant: «Chaque Etat membre garde sa propre politique étrangère. Le Haut représentant n’interviendra que sur les quelques positions qui feront consensus parmi les 27. Ce sera davantage une représentation symbolique que réelle.»
Une chose est sûre: les Etats membres conserveront leur ambassade dans les pays de l’Union. «Il faudra probablement une cinquantaine d’années avant que ce service européen pour l'action extérieure ne prenne toute son ampleur.»
Le Quai d'Orsay n'a pas la haute main pas sur tous les dossiers : le projet d’Union méditerranéenne est traité à l’Elysée par Henri Guaino, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy.
Pour l'instant, le diplomate va à peine deux ou trois fois par mois à Bruxelles. Il s’y rendra sans doute davantage pendant la présidence française.

Catherine Roussin
à Paris

Feuille de route 2008

21 JANVIER : élection du président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
23 au 27 JANVIER : réunion annuelle du forum économique mondial à Davos, en Suisse.
28 et 29 MARS : réunion informelle des ministres des Affaires étrangères sous la présidence slovène.
12 et 13 AVRIL : réunion du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale à Washington, aux Etats-Unis.
JUIN : premier sommet de l'Union de la Méditérranéenne.
3 et 4 JUILLET : conférence ministérielle Euromed sur le commerce à Marseille.
7, 8 et 9 JUILLET : G8 au Lac Toya à Hokkaido, au Japon.
5 et 6 SEPTEMBRE : Gymnich en Avignon.
3 et 4 NOVEMBRE : conférence des ministres des Affaires étrangères du partenariat euroméditerranée.
20, 21 et 22 NOVEMBRE : Journées européennes du Développement à Strasbourg.
DECEMBRE : nomination du Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité.

A partir de 2009

1er JANVIER : entrée en vigueur prévue du Traité de Lisbonne et prise de fonction du Haut représentant de l’Union et de son service européen pour l’action extérieure.

«Donner plus de place aux pays émergents»

Nicolas Sarkozy a déclaré le 24 août 2007 lors de la conférence des ambassadeurs que «les réformes engagées en 2005 dans le système des Nations Unies vont dans le bon sens. Ce qui a manqué jusqu’à présent, c’est la volonté politique de les mener à terme.» Et il laisse entendre que les pays émergents auront plus de pouvoir au sein des organisations internationales s'ils acceptent de se conduire comme des pays démocratiques. Un double discours selon Philippe Moreau-Defarges, chercheur spécialisé dans les questions européennes à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

Nicolas Sarkozy a expliqué qu’il souhaitait l’élargissement du Conseil de Sécurité de l’ONU pour les membres permanents et pour les membres non-permanents. Les nouveaux membres permanents devraient être l’Allemagne, le Japon, l’Inde et le Brésil. Qu’en pensez-vous ?

Son discours, c’est du vent. Il y a trop de pays occidentaux au Conseil de Sécurité : les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France face à la Russie et à la Chine. Pour équilibrer les rapports entre les pays du monde, la France pourrait proposer d’abandonner son siège de membre permanent. Ce qui n’est pas le cas. Donner plus de place aux pays émergents, cela implique que la France accepte de perdre un peu de pouvoir au sein des institutions internationales. Il est clair que Nicolas Sarkozy ne le veut pas.

Quels changements sont envisageables à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ?

Les 27 pays de l’Union disposent d’une voix chacun tandis que la communauté économique européenne a un rôle d’observateur. Comme l’Union a des règles communes pour le commerce international, les 27 Etats membres devraient être rassemblés sous la seule voix de l’Union. Là non plus, la France n’est pas du tout prête à abandonner son siège.

Et en ce qui concerne le Fonds monétaire international (FMI) ?

Le FMI comprend 185 pays membres, chacun a un vote proportionnel à sa participation financière au sein de l’organisation. Il y a deux problèmes majeurs. Premièrement, la Chine est très défavorisée par rapport aux pays occidentaux. Deuxièmement, la zone euro n’est pas membre du FMI, ce qui pose un vrai problème pour négocier. Là aussi, la France ne veut pas céder sa quote-part au profit de la zone euro.

Propos recueillis par Catherine Roussin

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