18 décembre 2007
Sécuriser les approvisionnements en gaz, protéger les opérateurs historiques comme EDF et Gaz de France : la France compte sur sa présidence pour faire progresser sa vision énergétique en Europe. Le nucléaire y joue un place centrale dans la lutte contre le réchauffement climatique. Et la sécurité y règne. Avec la PDG d’Areva, Anne Lauvergeon, au pinacle.
Le nucléaire, dont Areva est le leader mondial, pourrait bien jouer un rôle clé dans le dossier énergie de la présidence française. La présidente du directoire d’Areva l'a bien compris.
La présidente du directoire d’Areva, Anne Lauvergeon, serait la patronne du CAC 40 la plus européiste, à croire ce fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères chargé de préparer la présidence française. La normalienne, ingénieure des Mines et agrégée de sciences physique a bien, selon lui, l'intention de s’investir : «Elle a proposé de monter des événements pour sensibiliser le grand public aux responsabilités de la France par rapport à l’Union européenne.»
La dirigeante de la grande entreprise publique soutiendrait donc activement la présidence française, sans que sa démarche n’ait rien de politique. En juin dernier, l’ex-Secrétaire général adjointe de l’Elysée et sherpa de Mitterrand refusait une offre de participation au gouvernement Fillon, souhaitée par Nicolas Sarkozy au nom de l’ouverture aux personnalités «de gauche».
La France prête à offrir son savoir-faire
Le nucléaire, dont Areva est le leader mondial, pourrait bien jouer un rôle clé dans le dossier énergie de la présidence française. De nombreux commentateurs estiment en effet qu'elle tentera de faire la promotion de cette énergie, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. Nicolas Sarkozy se fait sans fausse pudeur l’avocat de l’atome en affirmant : «Si la France émet peu de gaz à effets de serre, c’est parce qu’elle est largement équipée en nucléaire». Sa déclaration à la tribune de l’ONU en septembre dernier, «la France est prête à aider les pays qui veulent se doter du nucléaire civil», a marqué les esprits. Pour l’instant, la stratégie de réhabilitation semble porter ses fruits auprès des responsables de la Commission, qui se prononcent publiquement en faveur du nucléaire. Le Commissaire à l’énergie Andris Piebalgs considère ainsi que «le nucléaire peut jouer un rôle fondamental pour réduire les émissions de gaz à effets de serre».
La présidence française devra pourtant régler de nombreux problèmes en matière d’énergie, à commencer par la répartition entre les 27 de la nouvelle baisse des émission de gaz à effets de serre, à laquelle s'est engagé l’Union. Cette préparation de l’après-Kyoto s’avère compliquée, car les engagements s’annoncent déjà difficiles à atteindre.
Sécuriser les importations énergétiques
Si la solution n'est pas trouvée sous présidence slovène, elle devra aussi atteindre un compromis sur l’unbundling, ou dégroupage. Selon ce principe, les entreprises qui produisent de l’électricité devraient acheminer les marchandises grâce à des sociétés spécialisées dans le transport. Cette séparation patrimoniale est censée développer la croissance et la compétitivité, pour que le prix de l’énergie se révèle plus avantageux pour le consommateur. Des pays qui fonctionnent déjà sur ce modèle, comme le Royaume-Uni, sont en faveur de cette mesure, alors que des groupes énergétiques comme GDF y sont opposés et agitent le spectre d'une augmentation des prix.
Il y a aussi la sécurité énergétique. Aujourd’hui, un quart du gaz importé par l’Union européenne provient du géant russe Gazprom. D’où la préférabilité, pour l’Union, de parler d’une seule voix face à cet interlocuteur très politique. Et de convaincre l'Ukraine, principal pays de transit du gaz russe, de faire front avec l'Union.
A Areva, tout est tranquille. On dit n'avoir aucun besoin de cette fenêtre de six mois pour développer des marchés en plein boom. «La vraie question, c’est de savoir si les pays européens qui s’ouvrent au nucléaire ont besoin de la présidence française», conclut Julien Duperray, chargé de la communication.
Victor Nicolas à Paris
Feuille de route 2008
1er JANVIER : Entrée en vigueur de la phase opérationnelle (2008-2012) du protocole de Kyoto.
Fin de l'accord de coopération renforcée entre l'UE et l'Ukraine, principal pays de transit du gaz russe, qui comporte un volet énergie.
21 JANVIER : Réunion interparlementaire à Lubjiana des commissions économies et environnement organisée par la Présidence slovène.
23 JANVIER : Présentation par la Commission d’un «paquet Energie - Climat». Plat de résistance : le partage du fardeau entre Etats membres pour l'après Kyoto.
24 JANVIER : Colloque à l'Assemblée nationale dans le cadre du «Grenelle européen» en présence de Jacques Barrot, commissaire chargé
des transports.
26 ET 27 FEVRIER : Quatrième conférence annuelle de l'UE sur le changement climatique à Bruxelles.
MARS : Approbation du plan SET par le Conseil Européen. Son but : doter l'Europe d'un nouvel agenda de recherche dans le domaine énergétique pour atteindre les objectifs de l'après Kyoto.
15 MARS : Clôture de la consultation sur le livre vert transports urbains, adopté le 25 septembre 2007. Il vise au développement des transports «verts». La Commission prévoit de présenter un plan d'action en automne.
MAI : Expiration du mandat de la Commission temporaire sur le changement climatique du Parlement européen. Son président Guido Sacconi entend le voir prolongé jusqu'à novembre, voire mai 2009.
L'Allemagne adopte un deuxième paquet de mesures énergétiques dans le domaine du transport : réforme de la vignette automobile et nouvelles taxes au péage pour les camions. Son plan, unique au monde selon le ministère de l'environnement allemand, coûtera 3,3 milliards d'euros à l'Etat fédéral.
4 JUIN : Première lecture au Parlement européen de la proposition de directive «Marché du gaz et de l'électricité: Agence de coopération des régulateurs de l'énergie» (COD/2007/0197). Parmi les dispositions de ce texte : «l'ownership unbundling» ou séparation patrimoniale des opérateurs énergétiques.
4 NOVEMBRE : Proposition par la Commission de deux directives sur les réserves de pétrole et l’efficacité énergétique des bâtiments.
11-12 DECEMBRE : Conseil européen.
Conférence sur le climat à Poznan, Pologne (COP-14). Deuxième étape des négociations de l'ONU l’Après Kyoto.
A partir de 2009
DECEMBRE : Conférence sur le climat à Copenhague, Danemark (COP 15).
Adoption du traité sur les engagements de l’après Kyoto.
A l’horizon 2030, l’UE importera 80% de son gaz naturel (contre plus 50% actuellement). Les 27 ont dû finir par en convenir : il faut une vraie politique commune de l’énergie pour sécuriser les approvisionnements de chacun. Reste à s'en donner les moyens.
Dans un rapport du Parlement européen, voté à une très large majorité en octobre 2007, le député polonais Jacek Saryusz-Wolski (PPE-DE) propose la création d’un haut représentant pour la politique étrangère de l’énergie. «Il serait un bras droit du Haut représentant des Affaires étrangères», explique son assistant parlementaire Rafal Trzaskowski.
Une mission qui risque d’être difficile à tenir tant les consensus entre Etats membres est fragile. Ils restent souverains en matière d’énergie et agissent souvent chacun pour soi. Au grand plaisir de Vladimir Poutine.
Des groupes européens tels que les allemands EON , BASF ou l’italien ENI ont conclu ainsi des accords bilatéraux avec le géant russe Gazprom, qui fournit un quart du gaz de l’UE. D’autres au contraire cherchent des solutions alternatives comme le projet du gazoduc Nabucco : un moyen de se libérer de la dépendance de l’entreprise d’Etat russe en acheminant du gaz en provenance de la Mer Caspienne.
Le député Jacek Saryusz-Wolski compte sur la France pour appuyer cette proposition. Sans se faire d’illusions. «Nicolas Sarkozy affirme que la sécurité des approvisionnements est une des priorités de sa présidence, mais s’il veut obtenir le soutien d’Angela Merkel, par exemple pour la création d’une Union méditerranéenne, l’énergie pourrait rapidement passer au second plan»du fait des entreprises communes dejà engagées entre l’Allemagne et la Russie, estime Rafal Trzaskowski. Monsieur «énergie européenne» pourrait être une des premières victimes d’un troc politique.
Maud Czaja
à Strasbourg