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Des bâtiments zéro émission dès 2028


15 mars 2024

L’Union européenne se dote d’une nouvelle réglementation sur la performance énergétique des bâtiments. Une législation qui va bousculer le secteur de la construction.

C’est désormais officiel : dès 2028, les nouveaux bâtiments construits en Europe devront produire autant d’énergie qu’ils en consomment. «  C’est le début d’un long voyage vers la neutralité. » L'eurodéputé irlandais Ciaràn Cuffe (Les Verts, écologistes) salue l’adoption de la directive de performance énergétique des bâtiments, le 12 mars. Cette nouvelle règlementation s’inscrit dans le cache du Pacte vert de l’Union européenne qui vise la neutralité climatique d’ici 2050. Le secteur du bâtiment représente aujourd’hui 36 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) du continent. En cause, les passoires thermiques et la surconsommation d’énergie.

Un «  long voyage  » nécessaire pour Kadri Simson, la commissaire européenne à l’énergie : «  Sans ce texte, il sera impossible de relever le défi climatique. » À terme, l'objectif est la réduction des émissions polluantes mais aussi une baisse générale de la consommation énergétique. 

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Tous les bâtiment devront atteindre un seuil de performance énergétique. © Tristan Vanuxem

Une baisse qui pourrait contribuer à rendre l’Europe plus autonome et moins dépendante des importations d’énergie. «  Que se passera-t-il s’il y a un dictateur fou qui fait monter les prix ? », s'inquiète Claudia Gamon (Renew, libéraux). L’aspect social est aussi une priorité. Les foyers modestes sont en première ligne de la flambée des prix de l’énergie. «  Plus de 10 % de la population européenne, 41 millions de personnes, n’ont pu chauffer leur logement comme elles le souhaitaient  », déplore Ciaràn Cuffe. Pour Tsvetelina Penkova, eurodéputée bulgare (S&D, sociaux-démocrates), ce texte peut « diminuer de 50% les factures d’énergie pour les familles ». Il pourrait également permettre d'économiser jusqu'à 11 milliards d'euros par an sur l’énergie d'ici 2033.

Rénover pour plus d’efficacité

Pour l’UE, parvenir aux objectifs de neutralité passe par la rénovation massive du bâti existant. Concrètement, les constructions les moins efficaces seront rénovées en priorité afin d’entrer dans les normes. Pour y arriver, des seuils de rendements énergétiques vont être mis en place. Tous les logements devront atteindre la classe de performance énergétique E d’ici 2030 et D d’ici 2033. Pour les bâtiments non résidentiels, les mêmes performances sont attendues d’ici 2027 et 2030 respectivement. Certains pourraient cependant être exemptés, comme des monuments classés au patrimoine historique.

La Commission européenne estime qu'un investissement annuel de 275 milliards d'euros dans la rénovation sera nécessaire d'ici 2030, soit une augmentation de 152 milliards d'euros par an par rapport à la situation actuelle. Les États membres pourront puiser dans différentes sources de financement pour soutenir les chantiers, notamment les Fonds de cohésion et le Fonds social pour le climat.

La réglementation a été adoptée avec le soutien de la quasi-totalité des eurodéputés de gauche (The Left, Les Verts et S&D) et une partie des libéraux et des conservateurs (Renew et PPE). Elle ouvre la porte à la création de milliers d'emplois locaux dans les industries de la construction, de la rénovation et des énergies renouvelables, soutenant ainsi les PME et l'économie dans son ensemble. La commissaire Kadri Simson se réjouit : «  La directive provoquera un effet domino sur notre compétitivité : davantage d’emploi, de croissance, d’investissements... c’est toute l’économie qui va en profiter  ».

« Désastre économique »

Au Parlement, les eurodéputés de droite se sont montrés plus réservés sur la réglementation. Ils craignent que ce soient les citoyens qui assument les coûts élevés des travaux de rénovation et dénoncent une surcharge bureaucratique. «  C'est un désastre économique et social qui se profile. Et c'est aussi un contresens politique majeur. Sur le papier, c’est une belle intention. Mais l'enfer est pavé de belles intentions », estime François-Xavier Bellamy (PPE, droite), tête de liste du parti Les Républicains pour les élections européennes de 2024.

Maintenant que la directive de performance énergétique des bâtiments a été adoptée, il reste à la faire appliquer. Les États membres doivent désormais chiffrer les financements, définir les priorités et lancer les projets en fonction des spécificités nationales. Chacun reste ainsi maître des moyens d’atteindre les objectifs climatiques fixés par l'UE.

Tristan Vanuxem et Lison Zimmer

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