Historiquement dévolue à des activités industrielles, la zone portuaire se retrouve au cœur d'un projet de réaménagement urbain. Elle devrait accueillir 4500 logements d’ici quinze ans.
« Ça fait une dizaine d’années qu’on voit arriver les changements et maintenant, ils sont à notre porte. » Christophe Burger va quitter au printemps 2018 le môle de la Citadelle sur lequel il travaille depuis 28 ans en tant qu’éclusier. L’activité des Voies navigables de France (VNF), son employeur, sera relocalisée dans le quartier de la Meinau, « au milieu d’une zone industrielle loin de l’eau ». Le quai où il opérait jusqu’alors fera partie du nouveau projet de ville-port voulu par les élus de l’agglomération strasbourgeoise.
Avec ce concept, la municipalité veut faire cohabiter des acteurs économiques et des citoyens autour des canaux. Occupée depuis un siècle par des activités industrielles, la zone qui s’étend du Rhin au môle de la Citadelle était en perte de vitesse. Le nouveau projet va redéfinir le territoire au cours des quinze prochaines années. Au programme : 4500 logements, des hôtels et des bureaux.
« L’eau doit être utilisable pour le travail, pour le loisir et pour le logement, détaille Charlotte Vaxelaire, urbaniste en charge de ce réaménagement. L’idée, c’est qu’on puisse habiter dans le port sans pour autant impacter son fonctionnement. »
Chaque année, ce sont environ 18 millions de tonnes de marchandises qui sont acheminées en camion vers le Port. Un flux ininterrompu entrainant son lot de nuisances, du bruit à la pollution. Autant d’éléments à priori incompatibles avec l'avenir résidentiel promis au deuxième port fluvial de France. Pour que les entreprises historiques cohabitent avec ces nouveaux venus, elles doivent évoluer.
C’est le cas par exemple des cafés Sati, présents depuis 1965 le long du pont Vauban. « Au début des discussions en 2009, les cafés Sati étaient seuls sur cet espace et aucune contrainte particulière ne pesait sur leur fonctionnement. Avec les constructions le long de la route du Rhin, la pression est devenue plus forte », explique Stéphanie Treger, membre du Groupement des usagers du port (GUP). Longtemps isolée, l’entreprise sera bientôt cernée par des habitations. Elle devra revoir l’acheminement de ses matières premières et l’expédition de ses produits transformés.
Pour limiter ces nuisances, le GUP propose de mettre en place sur le port « un projet d'économie circulaire ». Depuis 2013, une vingtaine d’entreprises a déjà entamé des démarches dans ce sens : elles achètent des produits en commun, recyclent ensemble, échangent des matières premières… « Ce qu’une entreprise va considérer comme un rebut de sa production va être vu par une autre comme une matière première dont elle pourra tirer bénéfice et qu’elle pourra exploiter » espère Stéphanie Treger. Résultat attendu : les trajets routiers diminuent, les coûts aussi.
En devenant plus attractif, le quartier devrait également devenir plus propice à l’activité touristique, qui va se regrouper sur le môle de la Citadelle. Batorama, qui fait voyager 800 000 touristes par an à bord de ses bateaux-mouche, a d’ores et déjà ses locaux sur place. Il devrait y être rejoint par CroisiEurope, un poids-lourd de la croisière fluviale, installé depuis 2002 à un kilomètre en amont du bassin. Le tour-opérateur cherche ainsi à se recentrer et à améliorer l’expérience de ses voyageurs qui pourront plus facilement accéder aux nouveaux hôtels qui viendront garnir les berges. Quant au sud du môle, il accueillera un port de plaisance flambant neuf, que pourront découvrir les 150 000 croisiéristes qui débarquent chaque année à Strasbourg.
L'espace entre le môle de la Citadelle et le port aux containers sera urbanisé dans les quinze prochaines années. © Agence TER - SPL Deux-Rives
Corentin Parbaud et Nicolas Grellier