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Dans une approche plus écologique, le métier des agents des espaces verts évolue afin de protéger la biodiversité. Les jardins et leurs gardiens se réinventent.

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Parc du Heyritz © Camille Toulmé

Strasbourg, un matin d’octobre, un cygne nage paresseusement sur les eaux du bassin du Heyritz. Il rejoint comme ses congénères un des îlots flottants, inaccessibles aux promeneurs. Ces zones, réservées à la nidification, sont classées « naturelles » : protégées du public. « Il y a là de la nourriture pour les plantes et des insectes qui servent à nourrir les oisillons en période de nidification », analyse Marc Keller, animateur scolaire pour la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Le parc des Deux-Rives consacre également une partie de son terrain au développement de la flore. Dans ces zones dites de classes naturelles, les jardiniers interviennent moins souvent.

 

« Ça fait 20 ans qu’on réinvente le métier et qu’on s’adapte », constate Christian Meline, gestionnaire des espaces verts du quartier Neudorf. Arrivé en 1997 à Strasbourg, il a été témoin des différentes mutations de la profession de jardinier. « Moi j’ai 50 ans, les attentes ne sont plus les mêmes par rapport à la manière dont j’ai été formé ! », se souvient-il. Depuis 2008, la protection de la biodiversité est devenue un enjeu capital.

 

Entre 2008 et 2010, les premières techniques alternatives de désherbage sont expérimentées par les équipes de jardiniers. Exit les produits phytosanitaires. Une décennie plus tard, l’effet bénéfique de la suppression de ces herbicides est palpable. « Les insectes ne sont plus empoisonnés », note Marc Keller.

 

Au-delà d’une amélioration de la qualité de vie de la faune, c’est également tout le paysage urbain qui s’est transformé : des brins d’herbes entre les pavés et des fleurs au pied des lampadaires s’épanouissent. « L’espace vert sans herbicide, c’est un espace vert différent » explique Christian Meline. Adieu les parterres entièrement désherbés, bonjour les plates-bandes d’herbes folles. Les jardiniers trouvent alors des compromis : paillage des sols, désherbage manuel, sélection et acceptation des plantes adventives. Les rôles se sont inversés selon Christian Meline qui a maintenant pour devise : « On est au service de la plante, pas le contraire ».

 

Les espaces protégés par les jardiniers sont essentiels pour les oiseaux. D’autant plus que le quartier s’urbanise de plus en plus. « On est dans une logique de densification des constructions », reconnaît Florian Venant, chef de projet transition énergétique et écologique en urbanisme à l’Eurométropole. Cette dynamique a des conséquences néfastes pour la faune. « Dans le quartier il y a eu des grosses pertes de lieux de vie pour les oiseaux parce qu’on a trop bâti », constate Marc Keller. « On a du mal à renforcer la place du végétal », admet Florian Venant, chargé du projet d’Écoquartier du Danube.

 

« D’un côté il y a une perte d’espace pour les animaux, et d’un autre, les pratiques se sont beaucoup améliorées », tempère Marc Keller. Christian Meline précise que les espaces verts se sont multipliés ces dernières années, mais que cette dynamique s’est tarie. Aucun projet de parc à Strasbourg entre le Heyritz et les Deux-Rives n’est prévu à l’heure actuelle.

 

Les parcs existants sont des espaces très fréquentés, aux usages multiples, qui peuvent parfois mettre à rude épreuve les zones non-protégées. « En l’espace d’une dizaine d’années, l’approche des utilisateurs des espaces verts a changé », observe Christian Meline. Bandes d’adolescents, joggeurs et manifestants ont remplacé les passants du dimanche. Ces nouveaux utilisateurs sont dans une logique de « consommation » des espaces verts. Ils y passent plus de temps sans toujours se soucier de les préserver. Or Christian Meline le rappelle : « L’espace vert est là toute l’année et il est là pour durer ».

 

D’où la nécessité de sensibiliser ce public consommateur à la sauvegarde de la biodiversité urbaine. Lors de toute demande d’occupation d’un espace vert, l’organisateur doit prendre connaissance des précautions d’usage. Des associations se chargent également de responsabiliser le jeune public, comme Marc Keller qui intervient pour la LPO en milieu scolaire dans le quartier. Martins-pêcheurs, foulques macroules et sternes pierregarin pourront peut-être compter sur ces citoyens de demain pour préserver leur habitat. 

 

Juliette Mariage et Phœbé Humbertjean

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Parc des Deux-Rives © Juliette Mariage

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Habitats naturels et urbains coexistent au parc du Heyritz © Juliette Mariage 

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Une aire de jeu paillée pour lutter contre la prolifération des mauvaises herbes au Port-du-Rhin © Juliette Mariage

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Christian Meline, gestionnaire des espaces verts du secteur Neudorf, a vu son métier évoluer en 20 ans © Juliette Mariage

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Une foulque macroule trouve refuge sur un îlot flottant au parc du Heyritz © Phœbé Humbertjean

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