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L’association des Compostiers du Landsberg s’apprête à ouvrir son jardin partagé rue du Ballon. Un pari dans un secteur où les jardins collectifs ont du mal à trouver leurs adeptes.

Trois bacs de culture vierges occupent l’ancien emplacement du centre socio-culturel de Neudorf. Au total, 450m² sont aménagés pour permettre aux adhérents des Compostiers du Landsberg de jardiner sur l’ensemble du potager. « Il y a deux mois, c’était encore un terrain vague. Il n’y avait que les composteurs utilisés par près de 50 foyers », indique Maxime Pomiès, membre de l’association.

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L'association des Compostiers du Landsberg ouvrira son jardin partagé Lands'herb au Printemps prochain rue du Ballon. Le week-end, Maxime Pomiès, membre de l'association, s'occupe du compost. © Louise Claereboudt

Depuis 2015, les habitants du 17 rue du Landsberg et leurs voisins gèrent ce projet de compostage partagé.  Si l’installation de composteurs relève d’une demande de la mairie, la création du jardin partagé Lands’herb est une initiative citoyenne. La ville de Strasbourg finance les aménagements et les travaux, « Nous on s’occupe de tout l’entretien. L’objectif n’est pas productif mais plutôt de créer un lieu de rencontre », poursuit Maxime Pomiès.

 

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Salah Trech, mineur à la retraite, loue un jardin familial au parc du Heyritz. L'occasion pour lui de s'évader de son appartement strasbourgeois. © Thibaut Chéreau

Le vandalisme, frein à l’engouement  

Ce manque d’engouement est exacerbé par les dégradations, monnaie courante dans les carrés potagers. « Il y a eu des voleurs vendredi dernier [le 19 octobre NDLR], regrette Aydin Huseyn, locataire aux jardins du Heyritz 2.  Ils ont volé des tomates, c’est déjà arrivé trois ou quatre fois. » Le retraité pointe le manque de protection des cultures : seule une barrière d’environ un mètre sépare les jardins du parc. Même constat au jardin partagé des Deux-Rives, victime en octobre d’un incendie volontaire. Les enfants du centre socio-culturel géré par l’association Au Delà des Ponts avaient construit un espace convivial composé de bancs et de palettes qui permettait de se réunir. Aujourd’hui, les chaises en plastique calcinées s’entassent dans un coin.

A l’échelle de la ville, le constat est le même : « Nous avons des personnes qui rentrent dans la clôture, des squats, des vols, des jardiniers jaloux du voisin ou encore des incendies », énumère Philippe Bambis.  Pour prévenir ces actes de vandalisme, la Ville a mis en place des pavillons en béton effet bois. Depuis, les actes de pyromanie sont passés de 80 à un ou deux par an. Difficile cependant de protéger les 4850 jardins. La mairie emploie une société de surveillance, mais « nous ne pouvons pas mettre des caméras partout », explique Philippe Bambis.  Ces actes n’encouragent pas les habitants à s’investir dans l’entretien de leur parcelle. « Si une personne veut escalader la clôture, elle le fera », observe Brahim Bouzid.

« Le concept n’a pas encore trouvé ses adhérents »

A la différence des jardins familiaux, les associations ne paient pas de loyer mais sont liées à la mairie par une convention. Il n’y a pas de critères de sélection. « Il faut qu’il y ait un pilote et un collectif qui ait envie d’entretenir »,  explique Philippe Bambis, directeur du département jardins familiaux. Si les Strasbourgeois sont très attachés au jardinage, « partager un jardin ne fait pas l’unanimité. Le concept n’a pas encore trouvé ses adhérents », déplore Philippe Bambis. Les habitants restent attachés à leurs parcelles individuelles.

Une vingtaine de jardins partagés ont fleuri à Strasbourg depuis 2007. Ils prônent le « do it yourself » mais l’engagement citoyen n’est pas toujours au rendez-vous. Aux Deux-Rives, les mauvaises herbes ont envahi l’espace. Personne ne s’est occupé de l’entretien depuis le mois d’août. « Il y a un intérêt pour le jardinage mais les adhérents n’ont pas le temps. Le problème, c’est qu’une parcelle, il faut la suivre », déplore Brahim Bouzid, membre de l’association Au Delà des Ponts et gérant du jardin.  L’arrivée du froid n’arrange rien. « Nous, on vient là tous les jours. Si on voit une personne par semaine, c’est un miracle », expliquent Kévin et Ludovic, employés des Espaces verts.  

 

 

 

 

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Un mois s'est écoulé depuis l'incendie du jardin partagé des Deux Rives. Brahim Bouzid, membre de l'association Au delà des Ponts, tente de réaménager l'espace. © Louise Claereboudt

Une trentaine de personnes de l’association et du quartier se sont déjà manifestées pour participer au projet Lands’herb. « Ce ne sera pas fermé à clé pour que tout le monde puisse venir quand il veut », précise Maxime Pomiès qui se veut optimiste : le vandalisme n’entachera pas l’esprit des jardins.

Séverine Agi, Louise Claereboudt, Tifenn Clinkemaillié

 

La plantation des arbustes du projet Lands’herb a débuté le mercredi 8 novembre. L’inauguration officielle aura lieu au Printemps. © Eurométropole; Direction Mobilité, Espaces Publiques et Naturels

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Le projet Lands'herb sort de terre rue du Ballon à Strasbourg. © Louise Claereboudt et Tifenn Clinkemaillié

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Le jardin partagé aux Deux-Rives est géré par l'association Au Delà des Ponts. © Louise Claereboudt et Tifenn Clinkemaillié

Jardiner pour mieux communiquer

Au-delà de la démarche participative et du respect de l’environnement, le principe du jardin partagé est de « créer du lien social ». Aux Deux-Rives, le jardin est divisé en deux espaces. Le premier est dédié aux adultes, le second aux 24 enfants du centre socio-culturel Au Delà des Ponts. Différents ateliers sont proposés aux plus petits. Qu’il s’agisse de les sensibiliser à l’importance d’une bonne alimentation avec l’atelier Bien dans mon assiette, ou de leur transmettre des connaissances sur le jardinage, l’important est qu’ils apprennent en s’amusant. « Les enfants créent leur propre parcelle, et ils adorent», explique Brahim Bouzid. Chaque année, des temps forts sont organisés à travers des activités et des goûters. Mais dans ce quartier isolé de l’est de la ville, la mission de Brahim Bouzid est avant tout éducative : apprendre aux enfants à communiquer autrement.

Séverine Agi, Louise Claereboudt, Tifenn Clinkemaillié

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