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Le 13 septembre 2014, la place de l’Hippodrome du Port-du-Rhin était inaugurée, offrant un nouveau visage à ce quartier isolé de l’est de la ville. Trois ans plus tard, les travaux de réaménagement continuent, mais l’offre de loisirs proposée aux résidents reste insuffisante ou inadéquate.

C’est un rituel quotidien. A la sortie de l’école du Rhin, au pied du pont qui relie le quartier à Kehl, Halima et les autres animateurs du centre socio-culturel (CSC) Au Delà des Ponts récupèrent les enfants.  Jusqu’à 18h, le CSC encadre ces jeunes âgés de six à onze ans dans leurs locaux de la Route-du-Rhin, à travers l’aide aux devoirs et des jeux. Un moment apprécié par les 34 enfants inscrits au centre, malgré le manque de moyens. « Ma fille a plus de choses que ce qu’on a ici, j’ai vraiment l’impression que le Port-du-Rhin est un quartier délaissé», rapporte Halima. Sur les étagères de l’atelier peinture, « on n'a que du rouge, du jaune ou du blanc », déplore l’animatrice de 33 ans, arrivée en mars 2017 avec la volonté de « se rendre utile, ici plus qu’ailleurs ».

Depuis trois ans pourtant, le Port-du-Rhin est en pleine mutation. A proximité de la cité Loucheur érigée en 1931, sur la place de l’Hippodrome, s’est élevé un ensemble de 380 logements privés et sociaux qui ont attiré de nouveaux résidents, dans un quartier souffrant d’une mauvaise réputation. L'inauguration en avril de l'extension de la ligne D du tram jusqu'à Kehl a aussi désenclavé la zone. « C’est comme une lumière, avant c’était le noir », raconte Hifi, bénéficiaire d’un logement social. Devant la nouvelle aire de jeux installée au bas des immeubles, très peu fréquentée, le jeune papa surveille ses enfants et se réjouit de la transformation du quartier où il a grandi.

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Séance de nettoyage de jouets offerts au centre socioculturel Au Delà des Ponts. © Ignacio Bornacin

Une offre inadaptée

Malgré cette modernisation menée par la Ville, le quartier manque d’une offre de loisirs, et ceux existants ne répondent pas aux attentes des riverains. Les trois aires de jeux, le terrain multisports et la proximité du jardin des Deux-Rives ne séduisent pas les familles qui préféreraient « un club de foot », une piscine « comme à Kehl », ou « un skate-park ». L’école de cirque et le centre équestre, seules associations sportives et culturelles implantées dans la zone, n’ont pour adhérents que des personnes extérieures. Des partenariats avec le CSC et l’école du Rhin existent pour faire découvrir ces activités, mais le coût onéreux de ces dernières dissuade les parents d’y inscrire leurs enfants.

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Le Hattrick (à gauche) de la cité Loucheur et l’aire de jeux du jardin des Deux-Rives sont délaissées des familles en dehors du week-end et du mercredi après-midi. © Ignacio Bornacin

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De haut en bas : la cité Loucheur, le city stade, la Place de l'Hippodrome, l'école Graine de Cirque et le centre équestre du Port-du-Rhin. © Ignacio Bornacin

Face à cette situation, les adolescents qui n’ont pas pu être inscrits au centre social s'occupent tant bien que mal. Le city stade au bord du Rhin dans la cité du Loucheur est leur point de rencontre durant leur temps libre. « Il n’y a rien à faire ici. Quand on ne vient pas là, on traîne dans la “cour“ », raconte l'un d'eux. Cet espace de la cité entouré par les barres d’immeubles, où les jeunes sont témoins du trafic de drogue, inquiète les parents. « Je n’aime pas les laisser seuls dehors. Ils ne sortent jamais sans moi, témoigne une mère de famille. Ils peuvent vite être influencés par de mauvaises personnes. » La 2x2 voies, frontière avec la partie rénovée du Port-du-Rhin, est par ailleurs un passage dangereux pour des enfants qui traversent seuls.

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Les adhérents du centre équestre des Deux-Rives représentent une part de la population aisée, extérieure au Port-du-Rhin. © Ignacio Bornacin

Encadrer la jeunesse

Au Delà des Ponts cherche à multiplier les animations dans le secteur, mais le manque d’infrastructures contraint le centre social à s’éloigner du Port-du-Rhin. Si le jardin familial et le terrain multisports du jardin des Deux-Rives permettent quelques sorties, les animateurs n’ont pas d’autre choix que de se rendre en centre-ville, ou en dehors de Strasbourg, pour diversifier les activités. Le CSC se verrait bien accueillir plus de jeunes du quartier, mais une nouvelle fois le manque de locaux les en empêche. L’Eurométropole de Strasbourg confirme qu’un nouveau centre socio-culturel devrait être livré au Port-du-Rhin à l’horizon septembre 2019. Cet espace de 790m2 au coût de 3 millions d’euros ambitionne de répondre à la demande d’encadrement de la jeunesse.

Ignacio bornacin et Maxence Gil

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