10 octobre 2013
Un projet immobilier cristallise la colère des riverains de la rue du Parc. Leur crainte : que leur environnement soit dénaturé. Ils ont décidé de contester le permis de construire devant le tribunal administratif.
Impossible d'y échapper. Devant la plupart des maisons de la rue du Parc, un même panneau annonce la couleur : « Non à la destruction de l'environnement de la rue du parc et de la rue Adler, non à la suppression d'un jardin pour bétonner le 12 rue du parc ».
Car c'est bien cette maison, faisant aujourd'hui l'objet d'un projet immobilier, qui mobilise les riverains. Il y a deux ans, la propriétaire de la bâtisse, conçue comme les autres maisons de la rue par l'architecte Oberthur, est décédée. Les voisins ont alors eu recours à une tradition : trouver un nouvel occupant l'habitation, pour être sûrs qu'elle soit conservée en l'état. Ils sont tombés sur un os. « On a dit à l'héritière qui voulait s'en débarrasser : "dites-nous combien vous voulez la vendre, on vous trouvera un acheteur", se souvient Stéphane Meyer, résidant juste en face du bâtiment. Elle a refusé, arguant que seul son notaire avait le droit de le faire. »
Ici devant le 12 rue du Parc, Stéphane Meyer est un des plus farouches opposants au projet immobilier. (Crédit : F.D. / CUEJ)
Peur de voir la population doubler
Elle a en effet préféré faire confiance au promoteur strasbourgeois Philippe Godin, et sa société immobilière Greenstone. « Les propriétaires vendeurs de l'ensemble 12 rue du Parc ont d'abord été démarchés directement par certains riverains, dont un "marchand de bien" habitant la rue voulant faire un "coup financier", raconte le professionnel de l'immobilier. La famille les a éconduits pour l'unique raison du prix jugé très faible par rapport à la valeur de l'ensemble. Elle a accepté de me vendre l'ensemble car j'en proposais un prix raisonnable et je sauvegarde la maison et la rénove. »
Le projet « Jardin secret 3 » prévoit ainsi un immeuble de trois étages construit sur le jardin attenant à la maison, avec huit appartements de 69 à 109 m2, ainsi que trois nouveaux logements dans la bâtisse originale. « Ce qui ferait doubler la population de la rue », s'inquiète Stéphane Meyer, en première ligne parmi les voisins frondeurs.
Lui et ses camarades ont dès le printemps 2012 plaidé leur cause à la mairie de Strasbourg pour un classement de la rue. Ils pensaient avoir été entendus mais l'affichage du permis de construire, en juin dernier, a été pour eux une surprise. « Quand un projet comme celui-ci est conforme aux règles d'urbanisme, on l'accepte », tranche un employé de la police du bâtiment, proche du dossier.
« Ne pas faire de parc Disney »
Pas moins d'une dizaine d'habitants ont déposé un recours gracieux auprès de la municipalité pour le voir annuler : tous ont été rejetés fin août. Ils ont maintenant jusque fin octobre pour effectuer des recours contentieux devant le tribunal administratif. Ils comptent bien y faire valoir leurs arguments et avancer leur leitmotiv : défendre la cohérence architecturale de la rue du Parc. « Les travaux ont été autorisés pour un bâtiment à toiture métallique, or ici personne n'a de toit comme ça », avance Stéphane Meyer, lui-même ancien avocat dans l'immobilier.
Si le projet passe l'obstacle des procédures, un immeuble de trois étages s'élevera à côté de la maison. La nouvelle construction ne devrait pas dépasser la hauteur de la vieille habitation, d'après le promoteur Philippe Godin. (Crédit : F.D. / CUEJ)
« Le projet épouse le bâti existant sans le dominer ni l'écraser, répond Philippe Godin, qui a déjà mené à bien deux projets dans le quartier, rue des Jardiniers. Il n'est pas plus haut et laisse une part importante aux jardins. Il n'est en revanche pas question d'imiter l'architecture de la rue, au risque d'en faire un pastiche, un parc Disney... »
Le bras de fer est donc engagé entre les deux camps. Aucun dialogue n'a pour l'instant eu lieu entre le promoteur et les riverains. « Il y aura achat du promoteur seulement si le permis définitif est donné. Mais avec tous les recours et procédures possibles, ça peut durer des années », prévient Stéphane Meyer. « Les travaux démarreront dans un certain temps mais il démarreront car on ne peut pas s'opposer à un projet privé si celui-ci respecte l'intégralité des règles d'urbanisme », clame l'entrepreneur strasbourgeois. D'ici là, le jardin du 12 rue du Parc reste en friche, entourant la maison de mauvaises herbes.
Loïc Bécart