Faire payer Google, Facebook et les autres multinationales d'Internet pour qu'elles aient le droit de diffuser des contenus journalistiques : c'est ce que prévoit une directive européenne soumise au vote du Parlement ce mercredi 12 septembre. Retour en quatre questions sur les ressorts de ce projet de loi.
Peut-être êtes vous tombés sur cet article en cliquant sur un lien partagé sur le compte Twitter ou la page Facebook de Cuej.info. Les médias ont besoin des moteurs de recherche et des réseaux sociaux pour partager leurs informations. Mais ces contenus sont gratuitement offerts aux géants du Net, au premier rang desquels le moteur de recherche Google, sa filiale Youtube ou le réseau social Facebook. Ils en profitent pour y ajouter des encarts publicitaires qui leur rapportent gros. Selon La Voix du Nord, 7% de recettes publicitaires de la presse papier sont passées aux GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) entre janvier et mai. Et pourtant, ce sont les entreprises de presse qui ont investi pour vous livrer ces informations.
« Les médias qui produisent les contenus et qui envoient leurs journalistes risquer leur vie pour assurer une information fiable, pluraliste et complète […] ne sont pas ceux qui en tirent les bénéfices », a dénoncé Sammy Ketz, directeur du bureau de l'Agence France-Presse à Bagdad dans une tribune publiée le 27 août. Privés d'une partie de leurs revenus publicitaires, les médias peinent à investir pour produire des reportages, dans un contexte de crise générale de leur modèle économique. Les détracteurs des GAFA pointent aussi le fonctionnement des réseaux sociaux. Auditionné par les eurodéputés le 22 mai 2018, le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg avait admis que les algorithmes de son réseau social obligeait les utilisateurs à avoir accès en priorité aux contenus auxquels ils étaient les plus habitués. Adieu donc la pluralité des points de vue et de l'information. Un risque pour la démocratie, comme l'ont démontré les tentatives de manipulation de l'élection américaine de 2016. Des envois de contenus coordonnés de propos polémiques ou de fake news avaient été postés en masse.
Parmi d'autres propositions visant à modifier certains aspects du droit d'auteur européen, l'article 11 de la directive suggère l'instauration d'un « droit voisin », déjà détenu par les éditeurs de musique et de films. Il donnerait un titre de propriété intellectuelle aux éditeurs de presse, ce qui leur permettrait de posséder un droit sur les reproductions de leurs contenus. En clair, les géants du Net devraient payer pour diffuser les contenus sur leurs plateformes. Mais aucune information n'a pour le moment été donnée sur la forme que prendrait cette rémunération.
Le 5 juillet, la proposition avait été rejetée par le Parlement par 318 votes contre 278. Les amendements ajoutés font espérer à ses défenseurs une adoption prochaine. Parmi eux, la ministre française de la Culture Françoise Nyssen a partagé son soutien sur Twitter.
La France défend la création d'un droit voisin pour les éditeurs de presse, qui leur permettrait de négocier l'utilisation et la rémunération de leurs articles par les géants numériques. #EuropeForCreators
— Francoise Nyssen (@FrancoiseNyssen) 9 septembre 2018
Le vote s'annonce serré, notamment à cause de la campagne de lobbying intense menée par les géants du numérique, alliés aux militants d'Internet. Ils critiquent une directive qui nuirait selon eux à la liberté du Net, en remettant par exemple en cause les licences libres des textes postés par des internautes à destination de tous.
3) la directive sensée harmoniser le droit d'auteur au sein de l'UE laisse chaque pays définir ce qui sera protégé. On peut avoir 28 droits voisins ! Faudra une nouvelle directive pour harmoniser l'article 11
— P.-Y. Beaudouin (@Pyb75) 3 septembre 2018
Le vote aura lieu mercredi après-midi.
Juliette Mariage