Les médias français soutiennent la réforme proposée par la Commission européenne, visant à renforcer le droit d’auteur. Les médias anglophones sont inquiets.
Le Parlement européen votera mercredi 12 septembre un texte visant à réformer le droit d’auteur dans l’Union européenne, soutenu par les médias français. L’article 11 vise à améliorer la rétribution, notamment pour les médias, quand les géants du Web profitent des articles et vidéos publiés par d’autres personnes et organisations. Comme Google et son moteur de recherche, par exemple, qui récoltent des revenus publicitaires grâce à ces contenus sans payer de droits d’auteur. Dans une lettre publiée dans plusieurs journaux européens, Sammy Ketz, directeur du bureau de l’Agence France-Presse à Bagdad, considère que ce vote est « une question de vie ou de mort » pour les médias.
Au Royaume-Uni, en revanche, c’est l’article 13 de la directive qui fait débat. Il rendrait les plateformes comme YouTube légalement responsables pour les contenus postés par leurs utilisateurs, empêchant ces derniers d’utiliser des extraits d’oeuvres qu’ils n’ont pas créées. Cet article est soutenu par les musiciens. Le lobby UK Music a lancé la campagne #LoveMusic pour encourager les eurodéputés à voter en faveur de la réforme. Paul McCartney, chanteur et ancien membre des Beatles, et Dave Rowntree, batteur du groupe Blur, soutiennent aussi l'article 13 selon le Guardian.
La liberté en jeu
En ce qui concerne les médias anglophones, le Daily Mail explique que l’article 13 pourrait représenter « la fin des mèmes, des remixes, et d’autres contenus produits par les internautes et qui apportent de la joie ». Selon le tabloïd, ce serait la conséquence de l’article, qui imposerait aux plateformes du Net de mettre en place des filtres automatiques pour identifier les droits d’auteur et retirer les contenus dans lesquels le filtre a constaté une infraction.
Les journaux irlandais sont également inquiets pour la liberté des internautes. La journaliste Karlin Lillington écrit dans l’Irish Times que le projet de réforme est un « but contre son camp » pour l’Union européenne : « Les outils existants identifient mal les contenus soumis au droit d'auteur, empêchant l'accès à des sites à des internautes innocents. »
L’Europe ne peut pas agir toute seule
Plutôt que de s’intéresser à la question du droit d’auteur, les pays anglophones sont inquiets au sujet d’un autre projet de taxe proposé par la Commission européenne. Celle-ci s’élèverait à 3% du chiffre d’affaires pour les plus grandes entreprises du numérique, pour qu’elles paient enfin leur juste part d’impôt sur les activités réalisées en Europe. Les ministres des finances européens espèrent trouver un accord sur ce sujet avant la fin de l’année.
L’Irlande, où les entreprises bénéficient de faibles taux d’imposition, fait partie des plus grands opposants au projet. Le gouvernement irlandais a peur de faire fuir les multinationales qui sont installées dans le pays, comme Apple et Facebook qui ont leurs sièges européens respectivement à Cork et à Dublin. Il estime que ces questions globales nécessitent des réponses à l’échelle mondiale, pas seulement à l’échelle européenne.
Selon l’Irish Times, la taxe sur les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) sera vue par le gouvernement du Président Trump « comme une ponction fiscale contre les entreprises américaines », ce qui pourrait augmenter la possibilité d’une guerre commerciale entre l’Europe et les Etats-Unis, Trump menant déjà une guerre commerciale avec la Chine sur la question des produits importés.
Le plan de la Commission européenne a été accueilli avec confusion outre-Atlantique. Le média économique Bloomberg insiste sur le fait qu'il devrait permettre de récolter seulement 5 milliards d’euros chaque année. La taxe sur les revenus des grandes entreprises numériques a vocation à être temporaire. Mais comme Bloomberg nous le rappelle, « les mesures temporaires prises par l’Union européenne ont tendance à durer ».
Martin Greenacre