Après les témoignages qui secouent le monde du patinage, la ministre des Sports a demandé un retrait de délégation de la fédération pour forcer le président Gailhaguet à démissioner
Avec onze enquêtes administratives à son encontre, la FFSG est la fédération la plus contrôlée de l'histoire du sport français. / Photo Benjamin Martinez
Quel avenir pour la Fédération française des sports de glace (FFSG) ? Face au scandale de violences sexuelles qui fait suite aux témoignages de Sarah Abitbol et de trois autres patineuses, la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a demandé la démission du président de la FFSG, Didier Gailhaguet. Pour l’heure, l’indéboulonnable dirigeant, en poste depuis 21 ans, lui, n’envisage pas de quitter ses fonctions. Fait extrêmement rare, la ministre a donc lancé le processus de retrait de la délégation à la Fédération.
Supprimer le monopole d’un sport
Techniquement, malgré son statut de plus haute instance de représentation du sport français, le ministère des Sports n’a aucun pouvoir de révoquer un président de fédération, même s’il considère que ses actes sont contraires à la légalité. « Une fédération est une association selon la loi de 1901, explique maître Laurent Fellous, avocat en droit du sport. Il n’y a pas de liens hiérarchiques directs avec le ministère qui ne peut donc pas révoquer les dirigeants élus. »
S’il n’est pas en capacité de débarquer un président de fédération, le ministère peut toutefois exercer d’autres moyens de pression sur le plan juridique, comme le retrait de la délégation, procédure que vient d’engager Roxana Maracineanu. Un statut qui « permet à une fédération d’avoir le monopole dans l’organisation d’un sport », explique Jean-Christophe Lapouble, spécialiste dans le droit du sport.
En cas de retrait, les sportifs licenciés ne peuvent plus participer aux compétitions nationales et internationales. Dans le cas de la Fédération des sports de glace, « l’idée est d’assécher [ses] finances pour coincer Didier Gailhaguet », poursuit Jean-Christophe Lapouble.
Seulement deux cas historiques en France
Il existe une autre menace de sanctions, encore plus radicale : le retrait de l’agrément, qui supprime les subventions de l’Etat dont bénéficient les clubs affiliés à la fédération. « Cela permet à la fédération d’exécuter une mission de service public et donc de toucher des subventions », précise maître Laurent Fellous.
Cet outil, qui n’est mis en oeuvre que dans les cas les plus graves, n’a été utilisé que deux fois en France : en 1998 pour la Fédération française d’haltérophilie et en 2005 pour la Fédération française des sports équestres, toutes les deux éclaboussées par des affaires de dopage.
Quelles conséquences pour les licenciés ?
« Lors de la suspension, c’est le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) qui est temporairement en charge du sport, le temps de trouver une solution, selon Jean-Christophe Lapouble. Une tutelle symbolique, car le CNOSF n’a pas le savoir-faire pour reprendre l’organisation de tout un sport. »
Malgré tout, cette mesure plonge les clubs et les quelques 33 000 licenciés de la FFSG dans le flou. « La Fédération ne communique pas, on ne sait pas ce qu’il va se passer », s’interroge Patricia Odet-Rodriguez, entraîneure depuis 24 ans au Club de patinage artistique de Strasbourg (CSGSA). La décision intervient à un mois des Championnats du monde de patinage artistique, qui se dérouleront du 18 au 21 mars à Montréal, une étape importante à deux ans des Jeux olympiques d’hiver de Pékin.
Benjamin Martinez