Le procès de Luis Rubiales s’est ouvert à San Fernando (Espagne) lundi 3 février. L’ex-dirigeant de la fédération espagnole de football est jugé pour agression sexuelle et coercicion sur la joueuse Jenni Hermoso. Webex revient sur les temps forts de cette affaire.
L’équipe féminine de football espagnol s’était mobilisée pour montrer son soutien à Jenni Hermoso. Photo Pixabay / Michal Jarmoluk
L’image avait fait le tour du monde à la fin de l’été 2023. Après la finale du Mondial de football féminin, alors que l’équipe espagnole célèbre sa victoire, le patron de la fédération Luis Rubiales agrippe la tête de l’attaquante Jenni Hermoso pour l’embrasser de force. Le procès de l’ex-dirigeant s’est ouvert ce lundi 3 février au tribunal de San Fernando, à l’est de Madrid. Si l’affaire du "baiser forcé" est devenue un symbole de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) dans le sport, elle est aussi révélatrice des mécanismes employés par les hiérarchies dominantes pour étouffer la parole des victimes.
Quand l’agresseur minimise les faits
En soutien à leur collègue, les joueuses de la Roja se mobilisent avec le hashtag "Se Acabo" ("C’est terminé"), et annoncent le 25 août 2023 leur refus de jouer pour la Fédération royale espagnole de football (RFEF) tant que Luis Rubiales sera maintenu à sa tête. Des figures du football féminin comme la joueuse américaine Megan Rapinoe relaient le mouvement sur les réseaux sociaux. Le 28 août, des milliers d’Espagnoles défilent dans les rues de Madrid en brandissant des cartons rouges et des pancartes pour exiger la démission du dirigeant. Lequel ne prend pas au sérieux la gravité des faits qui lui sont reprochés.
À l’occasion d’un discours devant l’assemblée générale de la fédération le 25 août, Luis Rubiales fustige un "faux féminisme" qui serait d’abord une "tentative d’assassinat social" : "Est-ce assez grave pour que je parte ? Je ne vais pas démissionner", martèle-t-il, avant d’être applaudi par l’assemblée. Il faudra attendre le 10 septembre pour que le dirigeant sportif quitte enfin ses fonctions, après sa suspension par la FIFA et une plainte déposée par Jenni Hermoso.
"Personne ne s’est soucié de me demander comment j’allais"
En plus des faits d’agression sexuelle dont il est accusé, Luis Rubiales est également jugé pour coercition à l’encontre de Jenni Hermoso. Dans les jours qui suivent l’agression, la RFEF diffuse un communiqué attribué à la victime pour "freiner [le] bruit médiatique", selon les dires de la responsable presse Patricia Pérez. Problème : Jenni Hermoso n’en a pas rédigé un mot.
La joueuse explique avoir reçu des pressions de la part de Luis Rubiales et certains responsables de la fédération pour minimiser l’affaire : "Il m’a dit qu’on parlait beaucoup [du baiser] sur les réseaux sociaux, que les choses devenaient incontrôlables et qu’on pouvait d’une manière ou d’une autre arrêter cela [...]. Je lui ai dit que j’étais désolée, mais que je n’allais rien faire."
En plus de ces pressions hiérarchiques, Jenni Hermoso subit un harcèlement violent sur les réseaux sociaux, recevant "des menaces de mort et des messages de toutes sortes". Face à la pression des journalistes qui campent devant sa maison, l’athlète prend la décision de quitter Madrid. Elle explique s’être sentie "totalement abandonnée" par la fédération : "Personne ne s’est soucié de me demander comment j’allais ou comment je me sentais dans ma tête."
Dans ce procès qui se tient jusqu’au 20 février, Luis Rubiales est appelé à comparaître devant le tribunal à partir du 12 février, avec l’ex-sélectionneur Jorge Vilda et deux anciens responsables de la fédération. Le parquet espagnol a déjà prononcé ses réquisitions – comme c’est l’usage en Espagne –, et l’ancien dirigeant encourt deux ans et demi de prison. Malgré l’ampleur de l’affaire, la RFEF n’a pris à ce jour aucune mesure supplémentaire pour lutter contre les VSS au sein de la fédération.
Anna Chabaud
Édité par Mélissa Le Roy