Les récents témoignages de viols et d’agressions sexuelles d’anciennes sportives de haut niveau suscitent l’émoi dans le monde du patinage alsacien.
Il y a trois grands clubs de patinage en Alsace : Strasbourg, Mulhouse et Colmar. Photo Benjamin Martinez / Cuej
Comme tous les mardis soirs à la patinoire l’Iceberg de Strasbourg, Patricia Odet-Rodriguez entraîne les enfants de la section « loisir ». Sous le regard des parents, situés derrière une grande vitrine, tout le monde quitte la glace à 20h. Une fin de journée qui paraît normale. Mais depuis une semaine, l’entraîneure ne peut cacher son émotion face au récent scandale de violences sexuelles qui éclabousse son sport.
« Il y a toujours eu des rumeurs dans notre milieu, des "radio-patinage", comme on les appelle, mais quand ça sort comme ça, c’est choquant », confie la responsable technique du Club de patinage artistique de Strasbourg (CSGSA). Au club depuis vingt-quatre ans, l’ancienne patineuse ne semble pourtant pas étonnée par la nouvelle. « Il n’y a aucun contrôle sur les entraîneurs, alarme-t-elle. Certains parents sont attentifs, mais d’autres ont une confiance aveugle parce qu’ils veulent à tout prix que leur enfant soit champion du monde. »
« Désormais il ne faut plus se taire »
Pris dans la tourmente, le monde du patinage voit flou et assiste, comme tout le monde, au bras de fer entre la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, et le président de la Fédération des sports de glace (FFSG), Didier Gailhaguet. Comme Valérie Reininger, présidente du club de patinage artistique de Strasbourg, beaucoup sont dans l’attente de réponses. « Je ne souhaite pas communiquer tant que je ne sais pas quelles seront les conséquences pour nous », explique-t-elle.
Seule certitude, le ministère des Sports a ordonné aux préfectures d’auditer les clubs de leur région afin de détecter tout autres éventuels cas de violences sexuelles. « On va apprendre des choses », assure Patricia Odet-Rodriguez, qui n’a pas plus attendu pour prévenir ses danseuses. « Vendredi dernier [31 janvier], je leur ai dit d’être attentives, de ne pas laisser faire n’importe quoi et surtout de ne pas garder sous silence certains comportements, raconte-t-elle. Les gens ont toujours eu peur, désormais il ne faut plus se taire. »
Une enquête en cours à Mulhouse
En juillet 2019, une ancienne patineuse de haut niveau, avocate au barreau de Strasbourg, a déposé plainte auprès de la procureure de la République de Mulhouse contre l’Association sportive de patinage artistique (Aspa) de Mulhouse. Membre de la Ligue Grand Est des sports de glace et juge de patinage artistique, elle dénonce les interventions d’un ancien patineur professionnel, compagnon d’une entraîneure, auprès des jeunes du club mulhousien alors même qu’il est inscrit sur la liste des délinquants sexuels aux États-Unis.
L’homme a été condamné et banni de la ligue de patinage américaine en 2011, pour avoir filmé une patineuse âgée de 12 ans prenant sa douche dans sa maison. Il aurait également fait l’objet de plusieurs plaintes de la part de mineurs pour agressions sexuelles.
Entendue par le commissariat de police de Strasbourg en septembre 2019, la plaignante est depuis sans nouvelle de la justice. Dans un article des DNA paru le 5 février 2020, l’ancienne présidente de l’Aspa, Evelyne Stoessel, a affirmé que l’homme mis en cause « n’a jamais été employé, ni même bénévole ». L’enquête est toujours en cours.
Benjamin Martinez