Vieux de presque 1400 ans, le conflit entre chiites et sunnites continue de perturber le monde musulman. Retour sur ses origines et la situation dans les principaux pays touchés par des conflits armés.
L'Islam chiite est la religion officielle de l'Iran, où les chittes représentant 90% de la population. (Photo: yeowatzup / flickr)
Chiisme et sunnisme sont deux courants de la religion musulmane. Leur division remonte à la mort du prophète Mohammed, en 632. A l'issue d'une crise de succession qui dure vingt-quatre ans, les musulmans se distinguent en deux groupes selon les héritiers qu'ils reconnaissent : les sunnites acceptent la gouvernance d’un calife élu, Abou Bakr, compagnon de Mohammed. Les chiites, eux, ne reconnaissent que les imams descendants de la lignée du prophète, représenté à cette époque par l'imam Ali, cousin et gendre du Prophète.
Aujourd'hui, 90% de la population musulmane est sunnite, selon une enquête publiée en 2009 par le Pew Research Center. Comme l'explique Yann Richard, professeur d'études iraniennes à la Sorbonne nouvelle dans un article publié par Le Monde des religions, "la présentation par les chiites d'un monde manichéen où les imams et leurs partisans sont systématiquement persécutés ne correspond pas à la réalité historique mais au sentiment d'avoir été injustement traités".
Ambition iranienne
La révolution iranienne de 1979 conduite par l’ayatollah Khomeini, qui met fin à la monarchie, retentit comme le premier signe d'une possible émancipation. Le second a été la montée en puissance du parti chiite du Hezbollah au Liban, entré au gouvernement en 2005.
Ce mouvement n'a pas manqué d'inquiéter les Etats-Unis et les sunnites, notamment en Irak et à Bahreïn, pays que ces derniers dirigent mais où la population est à majorité chiite.
Depuis quelques années, les tensions entre les deux communautés s'exacerbent. Au-delà des questions dogmatiques, les enjeux sont surtout géopolitiques. L'Iran de Mahmoud Ahmadinejad affiche clairement son ambition de devenir le leader du monde musulman. Le pays soutient de nombreux mouvements chiites à travers le Proche-Orient et a financé le Hezbollah, qualifié d'organisation terroriste par quatre pays (dont les Etats-Unis) et dont le conseil de sécurité de l'ONU demande le désarmement.
En réaction, l'Arabie Saoudite apparaît comme le principal soutien des sunnites, notamment en Irak, pays qui joue, de par sa position géographique, le tampon entre le royaume saoudien et l'Iran.
Affrontements à Bahreïn
Dans plusieurs pays, les tensions entre sunnites et chiites se traduisent par des conflits armés, notamment en Irak où l'intervention américaine a ravivé les frictions. Jusqu'à la chute de Saddam Hussein en 2003, les sunnites détenaient le pouvoir politique, réprimant la majorité chiite (65%).
Sur fond de dissension religieuse, les deux communautés se disputent désormais le pouvoir. D'autant plus que la Constitution et les institutions mises en place restent muettes sur le sujet, contrairement au Liban où les confessions religieuses sont prises en compte dans l'organisation de l'échiquier politique. Depuis le départ à la mi-décembre des dernières forces américaines, plus de 200 personnes ont été tuées, notamment dans des attentats contre les chiites.
A Bahreïn, les chiites, qui représentent au moins 65% de la population, ont lancé l'an dernier un mouvement de contestation pour demander l'instauration d'une monarchie constitutionnelle dans ce royaume dirigé par une famille sunnite. Des affrontements ont eu lieu lundi 13 février alors que des manifestants s'étaient réunis à la veille de l'anniversaire.
Ce derniers jours ont également été marqués par les violences en Syrie, où le conflit entre pro et anti Bachar al-Assad se joue sur fond de dissensions religieuses entre sunnites et alaouites. Le bombardement de la ville de Homs par le régime en place aurait fait plus de 300 morts depuis le début de l'attaque le 3 février.
Marion Garreau