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Robert Badinter est décédé dans la nuit du 8 au 9 février à l’âge de 95 ans, selon sa collaboratrice Aude Napoli, à l’AFP. L’ancien ministre de la Justice sous François Mitterrand avait porté la loi du 9 octobre 1981, abolissant la peine de mort.

Avocat de formation, Robert Badinter était aussi homme politique, écrivain, sénateur et président du Conseil constitutionnel. Le grand homme de gauche a défendu les droits de l'Homme jusqu’au bout dans ses écrits et prises de position. Il porte ses convictions d’abord devant les tribunaux en défendant ses clients, puis au Parlement. En 1981, il appelait les députés à se saisir d’« un débat de conscience qui engage chacun d’entre vous ».

Un duo soudé avec son épouse Elisabeth Badinter

Robert Badinter est né en 1928 à Paris de parents juifs naturalisés français. Pendant l’Occupation, sa famille part s’installer à Lyon. Un autre 9 février, en 1943, il échappe à la Gestapo alors que son père est arrêté à Lyon dans une rafle organisée par Klaus Barbie. Sa vie bascule. Il écrira en 2018 dans son ouvrage Idiss : « Mon enfance a pris fin le 10 mai 1940 ».

Après la guerre, il étudie les lettres et le droit à Paris puis à l'université Colombia. Alors âgé de 21 ans, il s’inscrit au barreau de Paris. Un premier mariage avec la comédienne Anne Verdon puis Robert Badinter tombe sous le charme d’Elisabeth Bleustein-Blanchet, 22 ans. Il en a alors 38. Depuis leur union en 1966 jusqu'au décès de l'avocat, Robert et Elisabeth Badinter formaient un couple uni. Chacun a marqué, à sa manière, la Vème République. Philosophe et figure du féminisme, Elisabeth Badinter se qualifie comme la “fille de Simone de Beauvoir”.

Un combat incarné dans ses discours

Son combat contre la peine de mort débute en 1972 en tant qu’avocat de la défense. C’est l’affaire Patrick Henry qui le fera connaître et le propulsera dans les rangs du gouvernement. Il sauve la tête de ce criminel, jugé pour enlèvement et assassinat d’enfant en 1977. L’homme sera condamné à la réclusion à perpétuité. Cinq autres hommes échappent grâce à lui à l'échafaud.

Quand la gauche, incarnée par François Mitterrand, accède à l’Elysée en mai 1981, Robert Badinter n’est pourtant pas le premier pressenti pour être garde des Sceaux. Maurice Faure, premier locataire de la place Vendôme, démissionne deux mois après la composition du gouvernement. Badinter le remplace et peut mener là le grand combat de sa vie. La partie n’est pas gagnée : 63% des Français sont à l’époque opposés à l’abolition. Pourtant, l’avocat convaint députés et sénateurs. Dans un discours enflammé à la tribune de l'Assemblée nationale le 17 septembre 1981, il déclare : « Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue (…). Demain, vous voterez l’abolition de la peine de mort. »

Le 10 octobre 1981, la loi est promulguée en ces termes : “La peine de mort est abolie”. L'abrogation est ensuite inscrite dans la Constitution en 2007. Robert Badinter a célébré cette victoire toute sa vie.

Auteur de nombreux ouvrages jusqu'à la fin de sa vie

Après son passage au ministère marqué par d’autres réformes issues des 110 propositions de François Mitterand, Robert Badinter est nommé par ce dernier au Conseil constitutionnel. Il y siège pendant neuf ans et pose les jalons de ce qui deviendra la QPC (question prioritaire de constitutionnalité) qui permet à tout justiciable partie à un procès de questionner la constitutionnalité d’une disposition législative. Cette procédure est entrée en vigueur en 2008.

Après sa présidence de l’institution, Robert Badinter est élu sénateur en 1995. Il y siège jusqu’en 2011 et incarne la défense des droits humains au niveau intrenational devant divers institutions. Il continue de travailler et d’écrire jusqu’à la fin de sa vie. En avril 2023, il est co-auteur de Vladimir Poutine. L’accusation, un réquisitoire contre le président russe. Jusqu’au bout, l’intellectuel a incarné la cause progressiste sans jamais flancher.

Clara Grouzis

Edité par Eva Pontecaille

Ex-ministre de la Justice sous François Mitterrand de 1981 à 1986, Robert Badinter a permis l'abolition de la peine capitale en France. © FIDH

Robert Badinter, homme de gauche et fervent opposant à la peine capitale est mort

09 février 2024

Robert Badinter, homme de gauche et fervent opposant à la peine capitale est mort

L'ancien garde des Sceaux de François Mitterrand est mort à 95 ans dans la nuit du 8 au 9 février. L'abolition de la peine de mort en 1981 a constitué le combat de sa vie.

Expert en maladies eurologiques, Mathieu Anheim cherche à optimiser les diagnostics de maladies rares. © Julie Lescarmontier

L’option Bayrou envisagé un temps, c’est finalement Nicole Belloubet qui a été choisie le 8 février pour remplacer Amélie Oudéa-Castéra. Lors de la cérémonie de passation de pouvoir le 9 février, la ministre des Sports affirme quitter l’Éducation “la tête haute”. Si elle garde son portefeuille lié au sport, la désormais ancienne ministre de l’Éducation nationale aura entaché son passage rue de Grenelle de polémiques. Petit retour sur un mois mouvementé pour celle qui, jusqu’à maintenant, était restée plutôt discrète. 

Super ministère, super inquiétudes ? 

Alors que Gabriel Attal se rend à pied du ministère de l’Éducation nationale à Matignon le 9 janvier, le personnel éducatif se retrouve sans chef. Deux jours d’attente pour enfin connaître, le 11 janvier, la nouvelle ministre de l’Éducation nationale… de la Jeunesse…des Sports… et des jeux olympiques et paralympiques : Amélie Oudéa-Castéra. 

Si le couple Jeunesse et Sport est un grand classique politique sous la Ve République, la cohabitation avec l’Éducation nationale laisse plus dubitatif, qui plus est l’année des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Un portefeuille de responsabilités impressionnant qui crée la surprise auprès du corps enseignant mais aussi du monde politique. Une inquiétude pour beaucoup mais un honneur pour Amélie Oudéa-Castéra. “À l’ensemble de la communauté éducative, je veux dire ce matin ma fierté de pouvoir travailler avec elle”, affirme la ministre lors de la passation de pouvoir avec Gabriel Attal. Ses mots ne suffisent pas à rassurer au-delà de l’enceinte du ministère, rue de Grenelle. Un mauvais départ à quelques heures de sa première polémique.

“Un paquet d’heures non remplacées”

Ministre de l’Éducation nationale avec des enfants scolarisés dans un groupe scolaire privé catholique ? La situation, révélée par Mediapart, scandalise une bonne partie de la classe politique et du corps enseignant. Amélie Oudéa-Castéra, elle, ne voit pas où est le problème. Le lendemain de sa nomination, lors d’une visite dans un collège public d’Andrésy dans les Yvelines, elle se défend. D’un point de vue symbolique, le choix de l’école pour ses enfants est un premier hic, sur lequel la presse ne manque pas de l’interroger.

Dans la foule de micros qui entoure Amélie Oudéa-Castéra, un journaliste caractérise Stanislas comme un lycée “qui condamne l’avortement et prône la non-mixité”. Ses petits non de la tête s’accompagnent d’un petit sourire pour “raconter brièvement cette histoire”, celle de son fils Vincent. L’histoire d'un enfant scolarisé à l’école Littré et de la “frustration de ses parents” qui ont vu “un paquet d’heures qui n’étaient pas sérieusement remplacées.” Avec Stanislas, elle dit avoir trouvé “une exigence dans la maîtrise des savoirs fondamentaux” et des “enfants épanouis”. Attaquable sur la multiplication de ses fonctions, elle l’est désormais sur ses positions personnelles.

Pas de mensonges, seulement la vérité qui donne tort ? 

Faute à moitié avouée à moitié pardonnée ? Dès le lendemain de ses déclarations, Amélie Oudéa-Castéra déclare à l’AFP qu’elle “regrette” d’avoir “pu blesser certains enseignants de l’enseignement public” et assure qu’elle sera “toujours à leurs côtés”. Une bonne volonté que les enquêtes de la presse viennent balayer. Aurait-elle menti sur les raisons de la scolarisation à Stanislas de son premier enfant ? C’est en tout cas ce qu’affirme le quotidien Libération le 14 janvier et ce qu’elle finira pas avouer de manière détournée en déclarant “je n’ai pas menti, c’est la réalité qui m’a donné tort”.

Et, en effet, Libération a prouvé que la réalité lui donne tort en allant à la rencontre de la maîtresse à l’école Littré du désormais “épanoui” Vincent.  La véritable raison de la scolarisation de Vincent dans le privé selon le journal ? L’institutrice du premier fils du couple Oudéa-Castéra aurait refusé que l’enfant saute une classe. Un refus qui les aurait poussés à quitter le système public. En parallèle de la colère des enseignants gronde celle de la classe politique. Les réactions sont expéditives. Sur X, Sandrine Rousseau écrit “Il faut partir Madame”. 

La plainte d’un syndicat

Même si Amélie Oudéa-Castéra affirme s’être excusée auprès des enseignants de l’école maternelle Littré, la colère ne diminue pas pour autant. Le calme de la ministre lors de ses différentes interventions n’auront pas participé à réduire les tensions avec une partie des enseignants, notamment les syndicats. Le 16 janvier, le Syndicat national des agents publics de l’Éducation nationale déclare porter plainte contre la ministre en diffamation pour ses propos tenus à l’encontre des agents de l’école publique. L’espoir d’un diplôme ministre de l’Éducation nationale avec les félicitations du jury s’éloigne de plus en plus.  

Un conflit d’intérêt ? 

Depuis son arrivée au ministère de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra est un terrain d’enquête pour les médias, qui ne s’en lassent pas. Depuis le 11 janvier elle rythme les semaines médiatiques. Après les déclarations polémiques, c’est un conflit d’intérêt qui est révélé par l’AFP. En juin 2022, Mediapart publiait une enquête sur le milieu sexiste, homophobe et autoritaire que constitue le groupe scolaire Stanislas. C’était sans compter sur la volonté du ministère de l’Éducation nationale de l’époque, Pap Ndiaye, de commander un dossier sur l’institution parisienne. Délai de traitement oblige, six mois après le départ de l’historien du gouvernement, le dossier est sur le bureau d’Amélie Oudéa-Castéra… ou plutôt était. Comme le confirme l’AFP, la ministre a demandé, le 18 janvier, à être déchargée du dossier auprès de son chef Gabriel Attal. C’est chose faite, il suffisait de demander. Pour Amélie Oudéa-Castéra, le conflit d’intérêt n’est pas présent puisque le dossier a été commandé avant son arrivée. 

Parcoursup c’est pour les autres

Les jours défilent et les révélations des médias s’enchaînent. L’AFP et Mediapart révèlent le 21 janvier un contournement des règles de Parcoursup par Stanislas. Amélie Oudéa-Castéra s’enfonce un peu plus dans les polémiques puisque l'un de ses fils est concerné. Comme à chacune de ses réponses, lorsqu’elle est appelée à réagir sur les controverses qui la concernent, la ministre de l’Éducation se dédouane. Après tout, elle n’a fait que “suivre la procédure prévue par Stanislas et chacune des étapes prévues par Parcoursup”. 

Tout travail mérite salaire

Après l’AFP, Mediapart, c’est au tour du Monde de mettre Amélie Oudéa-Castéra sur la sellette avec un rapport de commission d’enquête parlementaire sur les fédérations sportives. En tant que directrice générale de la Fédération française de tennis, entre mars 2021 et mai 2022, elle aurait touché 500 000€ brut sur treize mois, une rémunération anormalement haute. Pour la ministre, il s’agit d’une simple “instrumentalisation politique” et ne se remet pas, encore une fois, en question.

Marine Fersing

Édité par Max Donzé

Une classe de première, des têtes grises, des intellos. Ce jeudi 8 février, 14h, Place Kléber, la Grande salle de l’Aubette est comble. Et pour cause, le sujet de la 14e édition du Forum Européen de Bioéthique de Strasbourg rassemble autour de l’intelligence artificielle. Pour la première conférence de l’après-midi, on parle « Cerveaux connectés ». Parmi les invités, Mathieu Anheim, professeur de neurologie au CHU de Strasbourg et responsable du Centre de Référence des maladies neurogénétiques. En 2018, ce gros cerveau crée un algorithme capable de diagnostiquer des maladies génétiques rares. S’il manipule l’IA et les implants cérébraux dans son quotidien de neurologue, Mathieu Anheim ne reste pas moins critique des ambitions science-fictives d’Elon Musk. Entretien. 

Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est-elle déjà utilisée dans le milieu médical ?

Au-delà de la recherche, ça fait des années que l’IA s’est intégrée dans les pratiques médicales. Face à un patient, le raisonnement qui permet d’aboutir à un diagnostic peut facilement être assisté par « machine learning » - on envoie des millions et millions de données à une machine qui, au fur et à mesure, apprend à reconnaître telle ou telle maladie. C’est très utilisé en radiographie par exemple. Si on observe une tache aux poumons, l’ordinateur va pouvoir identifier si c’est une tumeur ou non grâce aux données qu’il a analysées. Même chose en dermatologie, on montre un bouton, ou un grain de beauté et on sait ce que c’est.

Vous avez vous-même conçu un algorithme capable d’aider les médecins à diagnostiquer certaines maladies, peut-on parler d’IA ?

L’outil que j’ai développé permet effectivement de faciliter le diagnostic de maladies génétiques rares. L’idée, c’était de créer les cartes d’identité de 65 pathologies connues et de les comparer à des symptômes. Il suffit alors d’entrer l’historique et l’examen du patient pour que l’algorithme affiche un score de compatibilité pour chacune des maladies enregistrées. Plus le score est élevé, plus il y a de chances que la maladie soit en cause. Certains diraient que c’est de l’intelligence artificielle « soft », mais je ne l’ai pas vendu comme ça. Je considère qu’il y a IA quand il y a une capacité à apprendre. Ici, c'est moi qui ai alimenté l’ordinateur grâce à mes propres recherches.

Peut-on imaginer que les machines remplacent les médecins ?

Pour mon algorithme, il n’y a pas vraiment de risque. Il a été créé par un un être humain et il ne peut être utilisé qu’avec des informations récupérées par un être humain. Les résultats sont ensuite interprétés par un être humain et communiqués à un autre être humain. Même si l’IA est très efficace, c’est quand on utilise les deux, l’homme et la machine, que l’on arrive à un très bon niveau de diagnostic. Et la relation médecin-malade reste à mon sens vraiment nécessaire.

Fin janvier, Neuralink, la startup de neurotechnologies créée par Elon Musk, annonçait le succès de sa première implantation cérébrale réalisée sur un patient. Voyez-vous d’un bon œil le développement d’implants intelligents ?

Il faut comprendre que l’implant cérébral n’est pas nouveau. Moi c’est mon quotidien. Lorsqu’un patient consentant entre dans les critères éthiques nécessaires, on peut lui mettre une prothèse dans le cerveau. C’est ce qui se fait pour les malades de Parkinson ou du Syndrome de Gilles de la Tourette. On envoie des stimulateurs cérébraux qui bloquent certains symptômes. Donc moi, en tant que médecin, je suis là pour aider les malades.

« Il y a déjà des IA capables de savoir de quoi l'on rêve (...) cela risque de faire disparaître ce qu'il nous reste de libre arbitre »

Avec Neuralink, Elon Musk veut améliorer la mémoire de l’homme, il veut faire de la télépathie, ça dépasse largement le cadre médical. En tant que médecin, je ne suis pas là pour augmenter l’homme. Et je pense que c’est très difficile d’améliorer les capacités du cerveau. On est sans doute plus proche de déplacer toute une population sur Mars que de se parler par télépathie.

Ces projets d'implantation cérébrale vous inquiètent-ils ?

Lorsque l’on dépasse le cadre de la neuro-réparation, c’est toujours un peu inquiétant. Ma crainte principale est la transparence absolue. Il y a déjà des IA capables de savoir à quoi l’on rêve, la frontière avec ce que l’on pense n’est pas si éloignée. Pouvoir lire à livre ouvert dans l’esprit de chacun risque de faire disparaître ce qu’il nous reste encore de libre arbitre. Aussi, d’un point de vue médical, pour l’heure, nos techniques sont réversibles : on peut enlever un implant à tout moment. Certaines perspectives font craindre que ce ne soit plus possible.

Propos recueillis par Julie Lescarmontier

Édition Baptiste Huguet

 

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Avec un peu moins d’un mois passé au ministère de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra détient le record de brièveté à ce poste. © WebSummit/Carlos Rodrigues

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Mathieu Anheim, neurologue au CHU de Strasbourg, a conçu un algorithme capable d'aider les médecins à diagnostiquer certaines maladies. Dans le cadre du Forum Européen de Bioéthique de Strasbourg, il a répondu aux questions de CUEJ.info sur l'intelligence artificielle. 

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