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Après Kyoto: L’inconnue américaine

Cette histoire est rapportée par une source américaine présente à Bali début décembre. Dans le poche d’Yvo de Boer, responsable de la Convention Climat de l’Onu, se trouvait une lettre écrite par un groupe de représentants du Congrès. Ils lui demandaient clairement de ne pas écouter les délégués américains présents à cette conférence sur le changement climatique. Cet appel illustre les divisions qui traversent les Etats-Unis et rejoint le message du Prix Nobel de la paix Al Gore lors de son intervention spéciale en Indonésie: «faites tout votre possible pour laisser une place aux Américains jusqu’à la prochaine élection».
Car à Bali, «les Américains ont été littéralement hués» raconte Tim Herzog, conseiller à World Resources Institute (WRI), think tank américain pour l'environnement. «Ce qui était le plus surprenant c'était que l'Union européenne, en particulier les Allemands, étaient très vindicatifs».
Engager les Américains vers une réduction chiffrée des gaz à effet de serre (GES) demeurait un défi considérable. Le président américain George W. Bush a toujours refusé de signer le protocole de Kyoto qui engage les pays industrialisés de réduire leur émissions de CO2 de 8% d’ici 2012.
Mais cette fois-ci, le 15 décembre, avec un jour de retard, les Etats-Unis se sont engagés. Il aura fallu des négociations nocturnes et même des larmes d’Yvo de Boer. Certes, l’accord reste non chiffré. Il est destiné à préparer l’après Kyoto et reconnaît que des réductions importantes des GES seront nécessaires comme indiqué dans le rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). «Il fait référence à des objectifs contraignants», explique Guido Sacconi (PSE), président de la commission temporaire du climat au Parlement européen. «Nous sommes très heureux du changement d'avis de l'administration américaine».

Un climat qui change

Le texte reste ambigu, mais cette fameuse référence devrait favoriser l'apparition d'un système de quotas d’émissions de GES dans les futures négociations. «Espérons que la prochaine administration américaine (active à partir de 20 janvier 2009) se rendra compte que retarder l'action va uniquement augmenter le coût du changement climatique à tous les égards», réagit Rebecca Harms (Groupe des Verts), vice-présidente de la commission temporaire.
Aux Etats-Unis, justement, le refus de quotas n'est pas défendu par tous. Parallèlement à la conférence de Bali, une législation sur le "cap-and-trade" (un système d'échange de quotas d'émission de GES) avançait au Sénat américain. Le projet de loi proposé par l'indépendant Joseph Lieberman et le républicain John Warner est sorti de la commission de l’environnement et des affaires sociales le 5 décembre 2007. C'est le projet législatif le plus «avancé» concernant le changement climatique de l'histoire américaine. Il prévoit une réduction de 70% des émissions de C02 par rapport aux niveaux de 2005, dans tous les secteurs, d'ici 2050. Ces contraintes seront la base d'un système d'échange de CO2 qui ressemble au marché de CO2 européen.

Une politique à deux visages

Le projet de loi a eu des échos à Bali. «Lieberman-Warner est compris par la communauté internationale comme la preuve que le climat politique est en train de changer aux Etats-Unis», explique Tim Herzog. «Il y a une compréhension implicite que la position américaine à la prochaine conférence (à Poznan en décembre 2008) sera probablement très différente."
Un sondage commandé par CBS News et Le New York Times montre que plus de la moitié des Américains estime que le changement climatique est un problème sérieux entraînant des conséquences immédiates. Ce sondage montre aussi que les Démocrates sont plus sensible à cette question que des Républicains: 71% contre 42%.
De là, à dire que c'est une question de partis, tout le monde n'est pas d'accord. Le conseiller de l'ambassade des Etats-Unis auprès de l'Union européenne, Boyden Gray, rappelle que le Protocole de Kyoto a été refusé au Sénat par les Républicains et les Démocrates.

Rachel Marusak
à Strasbourg

Thierry Carol : «Dès 2008, il y aura un marché mondial du CO2»

Le 21 décembre, Powernext Carbone, la bourse européenne du CO2, est absorbée par le premier groupe mondial de places boursières NYSE Euronext. Pour Thierry Carol, directeur de son département environnement, le marché du CO2 est en plein essor.

Powernext fonctionne en période d’essai depuis deux ans. A la veille de l’entrée en vigueur des engagements de Kyoto, quelles leçons en tirez-vous?

Le système fonctionne. L’Union européenne a fixé un plafond d’émissions à chacun de ses pays membres. Ces «droits d’émission» ont ensuite été répartis entre industriels, comme un capital. De là naît la possibilité d’échanges entre ceux qui ont des droits en surplus et ceux qui dépassent leurs quotas. C’est ce qu’on appelle le «cap-and-trade».
En mai 2006, on a constaté que les émissions réelles étaient bien moindres que les plafonds prévus, que les contraintes étaient donc très faibles. La bourse, en tant qu’outil de marché, a immédiatement réagi : le prix du CO2 a chuté, passant de 25 euros à 8 centimes par tonne.
Pour la deuxième période, qui commence en janvier, l’Union a changé les paramètres en renforçant les contraintes. Du coup, le marché anticipe et les prix futurs remontent autour de 20 à 25 euros. L’objectif est d’apprendre aux entreprises à fonctionner avec ces nouvelles contraintes, et aux chefs d’entreprise à prendre leurs décisions en tenant compte d’un prix du CO2, comme il y a un prix du pétrole.

Cela veut dire que plus on est riche, plus on peut polluer?

Oui, mais on doit payer plus, et cela permet aux autres de se développer. Dans le protocole de Kyoto, seuls les pays développés ont des contraintes chiffrées. Si leurs entreprises investissent dans les pays en voie de développement dans des projets qui font baisser les émissions de gaz à effet de serre, ils reçoivent en prime des crédits d’émissions, appelés CER (certified emission relation). Ceux-ci leur permettent de baisser les coûts de pollution dans les pays développés, ou d’engranger des bénéfices sur le marché du CO2.

L’Union européenne veut désormais inclure les transports aériens dans ce système. Comment?

Cette introduction, prévue pour 2010 ou 2011, est un peu particulière. Au cours des négociations conduites par la Commission, le secteur aérien n’a accepté de se voir imposer des contraintes qu’à condition qu’on lui garantisse un marché protégé. Aujourd’hui, en effet, aucune technologie ne permet de réduire les émissions des avions au même coût que celles du secteur énergétique ou chimique.
Les grands transporteurs auront la possibilité d’acheter sur le marché actuel des droits d’émission, mais les autres industriels n’auront pas accès à leur marché sectoriel. Potentiellement, cette solution pourrait s’appliquer à d’autres secteurs.

Comment voyez-vous l’avenir de cet instrument boursier de lutte contre le réchauffement climatique?

Le marché européen n’est pas isolé. Au-dessus, il y a un marché mondial, celui des CER dans les pays en développement, auquel il faut ajouter une série de «cap-and-trade». Car après l’Europe, le Japon va bientôt démarrer, puis l’Australie et la Nouvelle Zélande. J’espère que les Etats-Unis suivront. Dès 2008, on ne pourra quasiment plus parler de marché européen : il y aura un marché mondial du CO2 avec des contraintes locales.

Que devient Powernext Carbone?

Nos activités sont rachetées par le groupe NYSE Euronext. On change de casquette, on change de dimension. Nous allons d’abord développer une gamme de produits boursiers environnementaux. Deuxièmement, nous voulons élargir notre zone d’activités à l’Asie et aux Etats-Unis avec deux objectifs: aller chercher des clients pour le marché européen, notamment des conglomérats mondiaux, et gérer localement leurs problématiques. Troisième orientation : le secteur financier. Aujourd’hui, seuls quelques banquiers sont actifs sur le marché carbone. Il revient aux banques de se lancer, par exemple, dans la couverture de risques sur les variations du prix du CO2, comme ils le font pour celui du pétrole ou de l’acier. NYSE Euronext nous offre l’occasion de nous connecter à l’ensemble de la communauté financière et de réellement nous globaliser.

Propos recueillis par Qijun Shi
à Paris

L’UE est engagée à fond dans le cadre du protocole de Kyoto. Mais elle veut aller plus loin. Réduire de 20% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020. Et porter ce plafond à 30% si un accord international est trouvé à Copenhague fin 2009. Reste à trouver la formule à 27.

L’énergie représente 80% de toutes les émissions de gaz à effet de serre. Pour asseoir son autorité sur la scène internationale, l’UE a choisi de lier étroitement sa politique énergétique à la lutte contre le réchauffement climatique. Ainsi, le 9 mars 2007, le Conseil européen s’est fixé trois objectifs contraignants d'ici 2020 : réduire «unilatéralement» les émissions de gaz à effet de serre de 20%, porter à 20% la part des énergies renouvelables (EnR) dans le bilan énergétique de l’Union, et faire passer à 10% la part de biocarburants dans la consommation totale d'essence et de gazole destinés au transport.
Reste à s’entendre sur des instruments et une formule de répartition de ces obligations communes entre 27 Etats membres aux profils énergétiques distincts, séparés par de grands écarts de richesse. Or sur les uns comme sur l'autre, les positions de départ sont éloignées.

Un système d'échange de quotas critiqué

Pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, l’Union européenne compte essentiellement sur son système d’échanges des quotas d’émission («emission trading scheme» ou ETS). Mais beaucoup d’eurodéputés, comme la britannique Linda McAvan (PSE), pointent du doigt son inefficacité pendant la période 2005-2007, due aux sur-allocations des quotas d’émission nationaux. «Pour garantir le bon fonctionnement du système, il nous faut désormais le centraliser. La Commission européenne doit avoir l’autorité d’allouer les quotas aux Etats membres», affirme-t-elle.
Le Centre d’analyses stratégique, ancien Commissariat français au Plan, dans son rapport intitulé «Perspectives énergétiques de la France à l’horizon 2020-2050», préconise, au contraire, que l’Union «laisse aux Etats membres les souplesses nécessaires pour choisir les politiques et les instruments adaptés à leur situations très diverses, en tenant compte des efforts déjà réalisés par chaque Etat membre».
«La répartition décidée pour la période de Kyoto est injuste», dénonce de son côté Holger Krahmer (ADLE), eurodéputé allemand, «l’Allemagne en assume trop pour l’instant». Sigmar Gabriel, le ministre de l’Environnement allemand ne partage pas cet avis. «Il faut que les pays les plus développés supportent une part du fardeau de ceux qui sont en rattrapage économique : c'est tout à fait normal». Un signal d’apaisement destiné surtout à la Pologne et la Hongrie qui ont eu du mal à accepter des objectifs contraignants. L’Allemagne, la première économie d’Europe, qui rejette encore annuellement 10 tonnes de CO2 dans l’air par habitant, contre 6,2 pour la France, vient d’adopter en Conseil des ministres 14 mesures devant permettre de réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020, soit le double de l’objectif de l’UE.

Après Kyoto, rendez-vous à Poznan et à Copenhague

Devant la difficulté de l’exercice, les propositions de la Commission sur la révision du système ETS et sur les énergies renouvelables, attendues pour décembre 2007, ont été reportées au 23 janvier 2008.
La conduite des négociations et la formulation d’un compromis sur ce «paquet législatif» seront principalement à la charge de la présidence française. L’Union veut en effet conclure avant décembre prochain, pour pouvoir en faire état à la conférence de Poznan en Pologne, étape intermédiaire cruciale dans les négociations internationales en vue de faire aboutir, «le protocole de Copenhague». L’Onu prévoit de finaliser ce nouveau cadre d’actions sur le changement climatique pour l’après-Kyoto lors de la conférence de Copenhague, en décembre 2009.
Il faudra pour cela trouver un accord avec le Parlement européen qui a créé une commission temporaire du climat sans pouvoir législatif afin de coordonner le travail de ses trois principales commissions concernées: environnement, énergie et industrie. Cette dernière craint une baisse de compétitivité des entreprises européennes en raison des contraintes trop strictes. Le mandat de la commission temporaire du climat sera probablement prolongé jusqu’à novembre 2008, voire, s’il faut, mai 2009, selon Guido Sacconi (PSE), eurodéputé italien qui la préside.

Qijun Shi à Paris

 

Le Parlement européen réclame un Monsieur “énergie”

A l’horizon 2030, l’UE importera 80% de son gaz naturel (contre plus 50% actuellement). Les 27 ont dû finir par en convenir : il faut une vraie politique commune de l’énergie pour sécuriser les approvisionnements de chacun. Reste à s'en donner les moyens.
Dans un rapport du Parlement européen, voté à une très large majorité en octobre 2007, le député polonais Jacek Saryusz-Wolski (PPE-DE) propose la création d’un haut représentant pour la politique étrangère de l’énergie. «Il serait un bras droit du Haut représentant des Affaires étrangères», explique son assistant parlementaire Rafal Trzaskowski.
Une mission qui risque d’être difficile à tenir tant les consensus entre Etats membres est fragile. Ils restent souverains en matière d’énergie et agissent souvent chacun pour soi. Au grand plaisir de Vladimir Poutine.
Des groupes européens tels que les allemands EON , BASF ou l’italien ENI ont conclu ainsi des accords bilatéraux avec le géant russe Gazprom, qui fournit un quart du gaz de l’UE. D’autres au contraire cherchent des solutions alternatives comme le projet du gazoduc Nabucco : un moyen de se libérer de la dépendance de l’entreprise d’Etat russe en acheminant du gaz en provenance de la Mer Caspienne.
Le député Jacek Saryusz-Wolski compte sur la France pour appuyer cette proposition. Sans se faire d’illusions. «Nicolas Sarkozy affirme que la sécurité des approvisionnements est une des priorités de sa présidence, mais s’il veut obtenir le soutien d’Angela Merkel, par exemple pour la création d’une Union méditerranéenne, l’énergie pourrait rapidement passer au second plan»du fait des entreprises communes dejà engagées entre l’Allemagne et la Russie, estime Rafal Trzaskowski. Monsieur «énergie européenne» pourrait être une des premières victimes d’un troc politique.

Maud Czaja
à Strasbourg

Feuille de route 2008

1er JANVIER : Entrée en vigueur de la phase opérationnelle (2008-2012) du protocole de Kyoto.
Fin de l'accord de coopération renforcée entre l'UE et l'Ukraine, principal pays de transit du gaz russe, qui comporte un volet énergie.
21 JANVIER : Réunion interparlementaire à Lubjiana des commissions économies et environnement organisée par la Présidence slovène.
23 JANVIER : Présentation par la Commission d’un «paquet Energie - Climat». Plat de résistance : le partage du fardeau entre Etats membres pour l'après Kyoto.
24 JANVIER : Colloque à l'Assemblée nationale dans le cadre du «Grenelle européen» en présence de Jacques Barrot, commissaire chargé
des transports.
26 ET 27 FEVRIER : Quatrième conférence annuelle de l'UE sur le changement climatique à Bruxelles.
MARS : Approbation du plan SET par le Conseil Européen. Son but : doter l'Europe d'un nouvel agenda de recherche dans le domaine énergétique pour atteindre les objectifs de l'après Kyoto.
15 MARS : Clôture de la consultation sur le livre vert transports urbains, adopté le 25 septembre 2007. Il vise au développement des transports «verts». La Commission prévoit de présenter un plan d'action en automne.
MAI : Expiration du mandat de la Commission temporaire sur le changement climatique du Parlement européen. Son président Guido Sacconi entend le voir prolongé jusqu'à novembre, voire mai 2009.
L'Allemagne adopte un deuxième paquet de mesures énergétiques dans le domaine du transport : réforme de la vignette automobile et nouvelles taxes au péage pour les camions. Son plan, unique au monde selon le ministère de l'environnement allemand, coûtera 3,3 milliards d'euros à l'Etat fédéral.
4 JUIN : Première lecture au Parlement européen de la proposition de directive «Marché du gaz et de l'électricité: Agence de coopération des régulateurs de l'énergie» (COD/2007/0197). Parmi les dispositions de ce texte : «l'ownership unbundling» ou séparation patrimoniale des opérateurs énergétiques.
4 NOVEMBRE : Proposition par la Commission de deux directives sur les réserves de pétrole et l’efficacité énergétique des bâtiments.
11-12 DECEMBRE : Conseil européen.
Conférence sur le climat à Poznan, Pologne (COP-14). Deuxième étape des négociations de l'ONU l’Après Kyoto.

A partir de 2009

DECEMBRE : Conférence sur le climat à Copenhague, Danemark (COP 15).
Adoption du traité sur les engagements de l’après Kyoto.

Sécuriser les approvisionnements en gaz, protéger les opérateurs historiques comme EDF et Gaz de France : la France compte sur sa présidence pour faire progresser sa vision énergétique en Europe. Le nucléaire y joue un place centrale dans la lutte contre le réchauffement climatique. Et la sécurité y règne. Avec la PDG d’Areva, Anne Lauvergeon, au pinacle.

Anne Lauvergeon, la carte climat

Le nucléaire, dont Areva est le leader mondial, pourrait bien jouer un rôle clé dans le dossier énergie de la présidence française. La présidente du directoire d’Areva l'a bien compris.

La présidente du directoire d’Areva, Anne Lauvergeon, serait la patronne du CAC 40 la plus européiste, à croire ce fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères chargé de préparer la présidence française. La normalienne, ingénieure des Mines et agrégée de sciences physique a bien, selon lui, l'intention de s’investir : «Elle a proposé de monter des événements pour sensibiliser le grand public aux responsabilités de la France par rapport à l’Union européenne.»
La dirigeante de la grande entreprise publique soutiendrait donc activement la présidence française, sans que sa démarche n’ait rien de politique. En juin dernier, l’ex-Secrétaire général adjointe de l’Elysée et sherpa de Mitterrand refusait une offre de participation au gouvernement Fillon, souhaitée par Nicolas Sarkozy au nom de l’ouverture aux personnalités «de gauche».

La France prête à offrir son savoir-faire

Le nucléaire, dont Areva est le leader mondial, pourrait bien jouer un rôle clé dans le dossier énergie de la présidence française. De nombreux commentateurs estiment en effet qu'elle tentera de faire la promotion de cette énergie, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. Nicolas Sarkozy se fait sans fausse pudeur l’avocat de l’atome en affirmant : «Si la France émet peu de gaz à effets de serre, c’est parce qu’elle est largement équipée en nucléaire». Sa déclaration à la tribune de l’ONU en septembre dernier, «la France est prête à aider les pays qui veulent se doter du nucléaire civil», a marqué les esprits. Pour l’instant, la stratégie de réhabilitation semble porter ses fruits auprès des responsables de la Commission, qui se prononcent publiquement en faveur du nucléaire. Le Commissaire à l’énergie Andris Piebalgs considère ainsi que «le nucléaire peut jouer un rôle fondamental pour réduire les émissions de gaz à effets de serre».
La présidence française devra pourtant régler de nombreux problèmes en matière d’énergie, à commencer par la répartition entre les 27 de la nouvelle baisse des émission de gaz à effets de serre, à laquelle s'est engagé l’Union. Cette préparation de l’après-Kyoto s’avère compliquée, car les engagements s’annoncent déjà difficiles à atteindre.

Sécuriser les importations énergétiques

Si la solution n'est pas trouvée sous présidence slovène, elle devra aussi atteindre un compromis sur l’unbundling, ou dégroupage. Selon ce principe, les entreprises qui produisent de l’électricité devraient acheminer les marchandises grâce à des sociétés spécialisées dans le transport. Cette séparation patrimoniale est censée développer la croissance et la compétitivité, pour que le prix de l’énergie se révèle plus avantageux pour le consommateur. Des pays qui fonctionnent déjà sur ce modèle, comme le Royaume-Uni, sont en faveur de cette mesure, alors que des groupes énergétiques comme GDF y sont opposés et agitent le spectre d'une augmentation des prix.
Il y a aussi la sécurité énergétique. Aujourd’hui, un quart du gaz importé par l’Union européenne provient du géant russe Gazprom. D’où la préférabilité, pour l’Union, de parler d’une seule voix face à cet interlocuteur très politique. Et de convaincre l'Ukraine, principal pays de transit du gaz russe, de faire front avec l'Union.
A Areva, tout est tranquille. On dit n'avoir aucun besoin de cette fenêtre de six mois pour développer des marchés en plein boom. «La vraie question, c’est de savoir si les pays européens qui s’ouvrent au nucléaire ont besoin de la présidence française», conclut Julien Duperray, chargé de la communication.

Victor Nicolas à Paris

En pleine organisation, le ministère de Brice Hortefeux verra véritablement le jour le 1er janvier 2008.

Avec son nouveau ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale, et du Codéveloppement, Nicolas Sarkozy s’est taillé un outil à la mesure de sa politique d’immigration. Afin de constituer, au 1er janvier 2008, une administration centrale rassemblant 600 personnes, Brice Hortefeux a pioché parmi divers ministères : Intérieur, Emploi, Affaires étrangères. Une réorganisation accélérée qui provoque la grogne des fonctionnaires.
«L’idée est que toutes les personnes qui s’occupent de l’immigration du début à la fin tombent sous le même mandat, explique un haut fonctionnaire. Cela va dans le sens contraire de ce qui se fait dans les autres Etats membres qui attachent l’immigration soit au ministère de la Justice, soit à celui de l’Intérieur.» Au sein des 27, seuls deux pays ont un ministère entièrement dédié à l’immigration : la Suède -ministère des Migrations- et le Danemark -ministère pour les Réfugiés, les Immigrés et l’Intégration. La Finlande et le Luxembourg font, eux, figurer l’immigration dans l’intitulé d’un autre ministère -Affaires étrangères ou européennes.

Rébellion des inspecteurs du travail

Cette réforme administrative a provoqué quelques remous, notamment à la direction générale du travail mise à la disposition du ministère de l’Immigration. Considérant que l’indépendance des 1 400 inspecteurs du travail était menacée, quatre syndicats ont déposé un recours. Le 14 novembre 2007, le Conseil d’Etat leur a donné tort.
Selon Luc Beal-Rainaldy, secrétaire national de la Snutef-FSU, l’un des syndicats requérants, le travail des immigrés sans-papiers ne représente que 15% des situations de travail clandestin constatées. «Nous craignons que le ministère de l’Immigration donne des ordres d’inspection ciblées sur la lutte contre le travail des immigrés illégaux, explique-t-il. Contrairement aux inspecteurs du travail, la police a besoin de l’autorisation d’un juge pour entrer dans une entreprise. Nous servirions d’ouvre-boites à des fins répressives.» Le 11 décembre 2007, les quatre syndicats ont déposés un préavis illimité de grève : «A compter du 17 décembre, ce préavis protège les inspecteurs qui refuseront les contrôles exigés par le ministère de l’Immigration.»

Confusion entre asile et immigration

Autre changement majeur, l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides -Ofpra- passe de la tutelle du ministère des Affaires étrangères à celle du ministère de l’Immigration. Un vieux rêve de Nicolas Sarkozy qui avait déjà tenté en 2003, alors ministre de l’Intérieur, de prendre le contrôle de l’Ofpra. La future administration centrale comporte une entité distincte, exclusivement dédiée à l’asile et aux réfugiés. Mais Brice Hortefeux a beau jurer que «l’asile n’est pas et ne sera pas une variable d’ajustement de la politique d’immigration», les associations d’aide aux demandeurs d’asile et aux réfugiés restent inquiètes. «Ce rapprochement risque d’accentuer la confusion entre la gestion des flux migratoires et la protection des personnes menacées de persécution», souligne l’association lyonnaise Forum Réfugiés.

Louise Fessard et Julie Algré à Paris

Gilles de Kerchove : « Il faut améliorer l’échange d’informations entre police et justice au niveau européen »

Gilles de Kerchove est le monsieur « antiterrorisme » de l’Europe. Haut représentant pour la coordination de la lutte contre le terrorisme et représentant personnel du secrétaire général du Conseil de l'UE, Javier Solana, il fait le point sur la lutte contre le terrorisme en Europe.

Quelle est la priorité en matière terroriste dans les temps à venir ?

J’espère que la présidence française fera progresser la coopération entre Europol et Eurojust (1) en matière d’analyse criminelle et de lutte contre le terrorisme.
Par ailleurs, il faut également que les polices et les parquets des pays membres alimentent suffisamment en informations ces deux instances, comme le prévoit la décision du Conseil de 2005. Il faut aller vers une transmission systématique des informations, mais certains pays sont réticents. En juin 2008, il faudra faire le point là-dessus.

Quel type d’échange de données fonctionne actuellement ?

Par exemple Check the web, qui permet de surveiller les activités terroristes sur internet. Mais quatre services en Europe surveillent le web chacun de leur côté. Il serait plus efficace de mutualiser ces forces sous la coupe d’Europol. Il faut accélérer la phase suivante qui consistera notamment à transmettre les informations récoltées à des pays non membres de l’UE.

Et en matière de prévention du terrorisme ?

Nous y travaillons de plus en plus, tant au sein de l’Union européenne que dans les pays tiers. Il y a des groupes terroristes à l’intérieur de l’Union : 2000 personnes sur lesquelles pèsent des soupçons mais pour lesquelles nous n’avons pas de preuves pour procéder à des arrestations.
Pour le terrorisme islamiste, je propose de créer un espace de dialogue avec des réseaux de musulmans modérés. Ce serait intéressant que la présidence française s’occupe de ce dialogue, forte de son expérience. Je souhaite aussi nommer un porte-parole en langue arabe et ainsi mieux expliquer ce que nous faisons auprès des communautés musulmanes.

(1) EUROJUST est un organe européen de coopération judiciaire entre les états membres qui coordonne les enquêtes et les poursuites au-delà du territoire national. Il est basé à La Haye.
EUROPOL est un organe de police intergouvernemental qui permet l'échange de renseignements notamment sur le terrorisme mais aussi sur les stupéfiants, la criminalité internationale et la pédophilie.

Propos recueillis par Florent Potier

Installé à Kehl depuis 2002, le CCPD contribue à la résolution des affaires transfrontalières. Mais pour une parfaite collaboration, il faudrait que les deux pays harmonisent leurs législations.

Un malfaiteur passe la frontière. A ses trousses, la police allemande. Impossible pour elle d’interpeller l’individu sur le sol français… bien qu’elle ait le droit de le poursuivre. Pour l’arrestation, elle doit contacter les services français. Un imbroglio qu’Alain Mirabel, directeur interrégional de la police judiciaire à Strasbourg, voudrait voir gommer : « Il faudrait modifier la Constitution française pour permettre à n’importe quel policier européen d’interpeller en France ». L’Allemagne quant à elle, accepte l’interpellation par des policiers français sur son territoire.
Deuxième casse-tête transfrontalier, la prostitution. « Nous avons démantelé un réseau bulgare : les femmes étaient domiciliées en Allemagne mais racolaient dans les rues strasbourgeoises », raconte Alain Mirabel. Ce qui implique trois législations différentes et autant de difficultés. La question de l’harmonisation du droit pénal est donc sur le tapis.
Autre souci, plus pratique celui-ci, les radios de communication françaises et allemandes ne fonctionnent pas sur les mêmes fréquences.
Tous ces problèmes concrets, constatés quotidiennement par les agents de terrain, ne semblent pas faire l’objet d’un changement à venir. La prochaine présidence française qui entend se pencher sur l’harmonisation du droit pénal, se concentre essentiellement sur la question du terrorisme.

Salle opérationnelle « H24 »

La coopération entre policiers français et allemands n’en est pourtant pas à ses balbutiements. A 500 mètres de la frontière, à Kehl, le bâtiment de briques orange du centre de coopération policière et douanière (CCPD) abrite la salle opérationnelle H24. Une soixantaine de policiers, gendarmes et douaniers, français et allemands y travaillent ensemble. Leur mission : faciliter 24 heures sur 24 le travail d’enquête entre la France et l’Allemagne, que ce soit pour organiser les recherches ou servir de traducteur. Les deux pays partagent leurs fichiers sur le terrorisme, les crimes, les cadavres, les infractions au code de la route, les catastrophes naturelles et les transports de déchets nucléaires.
« 10 à 15 % des affaires constatées ont une connotation transfrontalière. Avec la suppression des douanes, il a fallu trouver des alternatives pour garder le contrôle des criminels d’un pays à un autre », explique Alain Mirabel. « Nous avons inventé de nouveaux instruments pratiques, qui étaient prévus de façon théorique par Schengen », continue le commandant de police, Pierre-Paul Kraehn. Le CCPD est un de ceux là.

Pirates de cartes bancaires

Dans 95 % des cas, les affaires transfrontalières concernent la petite et la moyenne criminalité de proximité (stupéfiants, vols, prostitutions). Le centre gère aussi des problèmes liés à l’immigration, comme la circulation de faux papiers et l’identification de flux migratoires. Une autre affaire importante qui a mobilisé les policiers : le piratage des cartes bancaires par l’installation de faux lecteurs sur les distributeurs de billet. Une affaire de ce type a été résolue à Colmar en 2005 : des malfrats roumains ont été arrêtés en flagrant délit grâce à la collaboration franco-allemande. Actuellement, d’autres affaires de ce type sont suivies.
En décembre 2008, une décision cadre (18/12/06) obligera la France à fournir dans un délai de 8 heures les éléments nécessaires à une enquête d’un pays membres. Contre plusieurs jours actuellement.

Florent Potier

 

Faire franchir la frontière à l'« Alerte Enlèvement »

L’Europe s’intéresse de près au système Alerte Enlèvement diffusé à la télévision et à la radio française lorsqu’un enfant disparaît. Inspiré par la méthode, les 27 envisagent d’étendre la diffusion des messages vers les pays frontaliers concernés par l’enlèvement.
Les chaînes de télévisions et de radio frontalières, relayées par des annonces en gare et des panneaux d’affichage routiers, diffuseraient donc l’avertissement : «Un enfant a été enlevé...», donnant le signalement de l’enfant et du ravisseur, ainsi qu’un numéro de téléphone des services d’enquête.
Le 15 août 2007, Enis, un petit garçon enlevé en France, a été retrouvé à quelques kilomètres seulement de la Belgique. «C’est donc de part et d’autre des frontières qu’il faudrait pouvoir diffuser l’alerte», appuie Elisabeth Pelsez, conseillère au ministère de la justice.

Un modèle français

Ce système transfrontalier semble satisfaire les ministres de la Justice européens, dont certains ne jugent pas utile d’activer l’alerte sur l’ensemble des pays européens à chaque disparition d’enfant. Trop lourd et trop compliqué : traduire les alertes en 23 langues prendrait du temps, alors que le principal intérêt du système réside dans son déclenchement rapide.
Depuis sa mise en place en février 2006, le message «alerte enlèvement» est déjà apparu cinq fois sur les télévisions et radios françaises, inspirée par la méthode américaine Ambert Alert.
En août 2007, à l’issue d’une rencontre au ministère de la justice, Franco Frattini, commissaire européen, chargé de la justice et des affaires intérieures, a demandé à la Garde des sceaux Rachida Dati de «présenter le modèle français aux autres pays».

Réunis à Lisbonne le 2 octobre 2007, les ministres de la Justice des 27 ont déclaré vouloir «créer un mécanisme alerte enlèvement à l'échelle européenne, au fonctionnement souple, qui serait un complément à la coopération entre les autorités compétentes des Etats membres».
Quant à l’application effective du système, le cabinet de Rachida Dati est plus nuancé : «Un groupe de travail de la Commission ausculte la situation dans chaque pays. Des éléments concrets se mettront en place sous la présidence française», précise Elisabeth Pelsez.

Florent Potier

 

 

 

 

Pour lutter contre le terrorisme, les Européens s'inspirent des Etats-Unis. La transmission des données des passagers aériens aux polices des 27 pourrait devenir obligatoire.

Rendre les fichiers des passagers aériens accessibles aux policiers et aux juges : la France l’a souhaité. Le Commissaire à la justice Franco Frattini l’a officiellement proposé devant la Commission le 7 novembre dernier. Cet usage, basé sur l’exemple américain, est censé fournir un complément d’information dans la lutte globale contre le terrorisme.
Les fichiers PNR (Passenger Name Record) sont, à l’origine, des informations commerciales déclarées par le voyageur au moment de la réservation. Ils peuvent contenir des données comme le numéro de carte bleue, le prix du billet, les références de passeport ou l’adresse à destination(1). Depuis le 11 septembre 2001, les Etats-Unis ont exigé d’accéder à ces fichiers pour les comparer avec leurs propres listes de suspects, puis pour établir des évaluations de risques dites "profilages". L'Union a du s'y plier.
Le projet de PNR européen pourrait aboutir sous présidence française. Mais le texte soulève encore de nombreuses questions notamment sur la finalité de l’utilisation des données, ou sur les conditions de transfert et de stockage des fichiers. Dans la proposition actuelle, 27 guichets PIU (Passenger Information Unit) seraient créés, un pour chaque pays-membre. Un cauchemar technique.

(1) La circulation commerciale de ces données est encadrée par une directive du 24 octobre 1995 sur la protection des données individuelles. Celle-ci ne couvre pas les usages policiers et judiciaires (voir ci dessous).

Manon Aubel à Strasbourg

L'observatoire de Statewatch: tout sur le PNR américain  

 

Combien ça coûte? A quoi ça sert?

L’accord PNR américain a coûté cher à l’industrie aéronautique. «Plusieurs millions par an», estime Arnaud Camus directeur du groupe de réflexion sur ce dossier depuis 2002. Pour Amadeus, qui conçoit les systèmes de réservation en ligne, l’investissement s’est élevé à cinq millions d'euros l’année dernière. A la direction des affaires internationales d'Air France, Arnaud Camus consacre presque la moitié de son temps de travail au problème du transfert de données. C’est au nom de l’AEA (Association of European Airlines), un groupement de 31 compagnies européennes, qu’il instruit le dossier du PNR: «Les coûts de transmission vont doubler cette année. Conformément à l’accord de l’été dernier, nous passons du push system au pull system, c’est-à-dire que les Américains ne chercheront plus eux-mêmes les données des passagers depuis nos bases, nous les leur enverrons nous-mêmes en quatre exemplaires.»
A la Commission, la chef de secteur à la protection des données a fait son estimation: «Si un PNR européen entrait en vigueur sur le modèle de l’accord américain, le billet de chaque passager augmenterait d’environ 20 euros», affirme Cecilia Verkleij.
Mais les compagnies le chiffrent beaucoup plus haut. A la direction de l’AEA, Athar Husain Khan a lui-même envoyé une lettre à la Commission. Selon lui, les coûts pour l’industrie aérienne auraient été sous-estimés. Car le dispositif choisi pourrait bien aboutir à 27 protocoles différents. «Ce n’est pas à nous de payer. La protection des citoyens contre le terrorisme relève de la compétence de l’Etat, et non de celle des compagnies aériennes», insiste-t-il.

«Nous demandons des preuves»

Avant de pouvoir manier les données personnelles de millions de personnes, la députée néerlandaise Sophia In’d Veld rapporteur sur les questions PNR au sein de la Commission LIBE du Parlement européen, souhaiterait que la Commission fournisse un minimum de preuves sur l’efficacité du système. «Nous n’avons même pas fait de bilan du PNR américain, et on projette déjà la création d’un PNR européen», regrette-t-elle. La Commission, affirme que les preuves existent, mais que ces informations sont classifiées. «Un argument nettement insuffisant au regard des atteintes à la vie privée de ce nouveau projet de PNR , rétorque Pascale Raulin-Serrier en charge des Affaires européennes à la Commission nationale des libertés et de l’informatique (CNIL). Si les autorités de protection des données étaient mieux associées au processus décisionnel, elles pourraient évaluer la justification et les conditions d’application du projet PNR.»
Il appartient aux présidences slovène et française de décider du rythme d’adoption du texte. Avec les pouvoirs que lui donnerait le nouveau traité, le Parlement pourrait contraindre le Conseil à reconsidérer la nécessité d’un PNR européen.
M.A

Bras de fer autour de la protection des données

«Rien n'est encore joué», promet Sophia In’d Veld, députée au Parlement (ALDE, Pays-Bas): «les opinions publiques sont sensibles à la protection des données, il faut s’assurer qu’elles soient informées de ce qui est en train de se décider», explique-t-elle.
Discutée depuis le 4 octobre 2005, la décision cadre sur la protection des données personnelles s’appliquera aux échanges d'information entre services policiers et judiciaires à l’intérieur et hors de l’Union européenne et au futur PNR européen. Si cet accord est voté avant le 31 décembre 2008, date prévue pour l'entrée en vigueur du nouveau traité, il le sera à l’unanimité avec une simple consultation du Parlement. En revanche, après cette date, le texte réclamera une procédure de codécision: le Parlement aura le même poids que le Conseil. C’est ce dont a convenu le 17 décembre Jonathan Faull, directeur général à la Commission, devant les eurodéputés. Il a cependant estimé le texte actuel «satisfaisant».
Ce n’est pas l’avis du Parlement qui compte faire le nécessaire pour ralentir la procédure d’adoption. Les critiques se sont en effet multipliées contre un texte qui n’a cessé d’affaiblir les garanties de protection individuelle. «La protection de nos données est en train de tomber en miettes», déplore Sophia In’d Veld. Pour la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), ce projet a été vidé de ses ambitions de départ: «il est maintenant question d'un accord a minima reposant sur un arsenal législatif limité. Par exemple, la référence à la directive 95/46/CE relative à la protection des données ou encore à la Convention 108 du Conseil de l'Europe: la vocation de cette loi était au contraire d’élargir les dispositifs de protection des données actuels», observe Pascale Raulin-Serrier, chargée des Affaires européennes. Autre inquiétude, l’absence de référence aux autorités de protection des données, pourtant au cœur du processus de contrôle et de surveillance.
A la Commission, Cecilia Verkleij se montre plutôt confiante. La chef de secteur à la protection des données assure qu’il existe déjà un certain consensus politique: «L’adoption de cette décision devrait se faire rapidement, probablement autour du mois de mars.» Mais pour la députée néerlandaise Sophia In'd Veld, «le Parlement a ses méthodes» pour s'assurer que le Conseil et la Commission ne tentent pas de passer en force.
M.A.

 

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