Vous êtes ici

 

L’économie de la zone euro est affectée par les évolutions des taux de change des principales devises internationales (dollar, yen, yuan). Après Nicolas Sarkozy, la Commission européenne, l'Eurogroupe et l’Allemagne s’inquiètent aujourd’hui de la force de la monnaie européenne par rapport aux devises américaines, chinoises et japonaise. L’absence de vraie politique de taux de change risque de continuer à peser sur la zone euro en 2008.
Questions à Eloi Laurent, économiste senior spécialiste des questions européennes à l’Observatoire français des conjonctures économiques (Centre de recherche en économie de Sciences-Po Paris) et maître de conférence à Sciences-Po Paris.

Qu’est ce que la zone euro peut faire pour lutter contre la hausse du taux de change de l’euro?

Il faut d’abord remettre les choses dans leur contexte. Nous sommes pris en étau. La Chine administre son taux de change comme bon lui semble et fait en sorte que le yuan ne s’apprécie pas, le Japon utilise de façon agressive son taux de change pour tirer ses exportations vers le haut et compenser la faiblesse de sa demande interne et les Etats-Unis se servent de leur taux de change comme d’une arme pour réduire leur déficit courant en dynamisant leurs exportations.
Au milieu, l’euro est ballotté au gré des politiques de changes des autres puissances. Car les autres ont une politique de change!
La zone euro est victime de ce que nous avons appelé avec Jacques Le Cacheux et Jérôme Creel un « hold-up tranquille » de la BCE sur le taux de change.
La BCE soumet de fait le taux de change à son objectif de lutte contre l’inflation. L’euro fort sert cet objectif puisqu’il amortit la flambée du prix des matières premières. Et le Conseil, qui a en droit compétence partagée avec la BCE sur la politique de changes, se refuse aujourd’hui à assumer sa responsabilité. Résultat: nous regardons l’euro monter, inquiets et impuissants.

Mais concrètement, si la BCE voulait agir sur le taux de change, comment pourrait-elle s’y prendre?

Il y a en théorie trois politiques possibles. D’abord, la politique de la parole, c’est à dire avertir les marchés financiers de l'imminence d'une intervention et en tout cas de l'existence d'une forte préoccupation. Ensuite, intervenir sur le marché des changes, mais cette solution n'est efficace que si d’autres grandes banques centrales agissent de concert. Cela a déjà marché en 2000. Troisième et dernière politique possible, baisser les taux d’intérêts.

Est-ce que le nouveau traité européen, s’il est ratifié, donnerait plus de moyens pour agir sur le taux de change de l’euro, par exemple à l’Eurogroupe?

Si le nouveau traité est ratifié, il changera peu de choses. Dans ce texte, l’Eurogroupe, qui rassemble les pays membres de la zone euro, est certes reconnu pour la première fois, mais c'est une instance de débat, pas un lieu de décision. Le traité de Lisbonne ne le dote en particulier d’aucun pouvoir en matière de taux de change. On détaille son fonctionnement dans un protocole additionnel au traité, preuve qu’il est loin d’être une institution centrale.
Le traité ne reconnaît donc l’Eurogroupe qu’en trompe-l’oeil: il acquiert une existence officielle mais pas de pouvoir légal dans un ensemble qui est avant tout juridique. C’est donc une coquille vide qui ne fera absolument pas contrepoids à la BCE, qui est aujourd'hui avec la CJCE l'institution la plus puissante de l'UE. En outre, dans le traité, il n’y a aucune disposition nouvelle qui montre l’Europe a l''intention de sortir de l'ambiguité institutionnelle et de se doter d’une véritable politique de taux de change.

La montée de l'euro inquiète de nombreux pays européens et notamment la France, pour qui l’euro fort est synonyme de baisse des exportations et donc de faible croissance. Est-ce que la France, durant sa présidence, pourra faire pression sur la BCE pour agir sur le taux de change?

L’euro fort coûte très cher à la France. Beaucoup plus cher qu’à l’Allemagne par exemple, qui a beaucoup délocalisé sa production et pratiqué une modération salariale extrême et souffre moins du taux de change en conséquence. Mais dernièrement, quand l’euro a atteint 1,50 dollars, l’Allemagne s’est réveillée et a exprimé ses inquiétudes. C'est donc peut-être le taux de change auquel les intérêts européens convergent. La France ne pourra se faire entendre que lorsque des pays importants, comme l’Allemagne ou l’Italie, se rallieront à sa cause et demanderont à la BCE d’agir, lors d'un sommet européen extraordinaire par exemple. Mais pour que la BCE réagisse, il faudrait presque attendre que l’euro monte à 1,55 ou 1,60 dollars. Il faudrait donc que notre économie agonise sous la pression de l’euro pour que les pays européens aient enfin leur mot à dire! Il faut que l’Europe définisse une vraie politique de change, car, sans cela, elle continuera à perdre au jeu de la mondialisation et finira par se fermer.

Propos recueillis par Fanny Lothaire

Les think-tanks s'y intéressent

BRUEGEL, BRUSSELS EUROPEAN AND GLOBAL ECONOMIC LABORATORY - fondé en 2005, basé à Bruxelles. Dédié à l’économie internationale, se propose de donner un nouveau souffle aux discussion sur les politiques économiques européennes. Il est soutenu financièrement par 16 gouvernements de l’UE et par des grandes entreprises privées. Il fournit des recherches, des analyses, des débats.

THE LISBON COUNCIL - fondé en 2003, siège à Bruxelles. C’est un groupe d’économistes, d’académiciens, d’entrepreneurs qui affirment essayer de trouver des solutions aux grands problèmes économiques et sociaux de nos jours. Ses principaux thèmes de recherche sont: la productivité et l'innovation, le développement et l'emploi, le modèle social européen, le consommateur européen, etc.

Feuille de route 2008

1er JANVIER : l'entrée de Chypre et Malte dans la zone Euro porte à 15 le nombre d'Etats membres ayant adopté la monnaie unique. Les quotas d'importation de textile dans l'UE, en place depuis 2005, sont remplacés par un système commun de surveillance.
JANVIER : Peter Mandelson commissaire au commerce extérieur propose une révision de la politique de défense commerciale.
8 FEVRIER : réunion du G7 (groupe des sept pays les plus industrialisés : Etats-Unis, Japon, Allemagne, Australie, Royaume-Uni, Italie, France) à Tokyo, Japon.
13 et 14 MARS : Conseil européen de printemps à Bruxelles, consacré à la stratégie de Lisbonne, sous présidence slovène. Il traitera notamment de la régulation des marchés financiers.
4 et 5 AVRIL : sommet Ecofin informel à Brdo en Slovénie. Les ministres de l'économie et des finances des 27 devraient adopter des principes généraux assurant la stabilité financière dans l'UE.
12 et 13 AVRIL : réunion des institutions de Bretton Woods, Banque mondiale et Fond monétaire international, à Washington D.C. Au FMI, le Groupe des 24 (pays émergents et en voie de développement), lié au G77 de l'ONU, entend peser face au G8.
JUIN : Günter Verheugen, le commissaire aux entreprises et à l'industrie, propose unepaquet législatif sur les PME (Small Business Act)
19 et 20 JUIN : second conseil européen de la présidence slovène, Bruxelles.
7 au 9 JUILLET : Ile d'Hokkaido, Japon. Réunion du Groupe des 8 (G8), sept pays occidentaux plus industrialisés (G7) et la Russie. Le problème de la régulation des marchés financiers devrait être discuté.
12 et 13 SEPTEMBRE : En France, réunion informelle de l’Eurogroupe et du Conseil Ecofin.
DECEMBRE : Pascal Lamy, directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, espère conclure le cycle de Doha. Lancé en 2001 pour 3 ans, il a pour but d'offrir aux pays en développement un traitement différencié et de libéraliser le marché mondial des services. Plusieurs dossiers, notamment l'agriculture, bloquent toujours entre pays en voie de développement et pays industrialisés, dont l'UE.

Des aménagements minimaux pour la zone euro, qui se voit dotée de règles propres et d'une plus grande visibilité. La politique commerciale doit désormais respecter la cohérence de l'action extérieure de l'Union.

L'Eurogroupe voit son existence et celle de son président reconnues formellement (protocole 3). La Banque centrale européenne devient une institution à part entière. Son directoire est nommé à la majorité qualifée. Elle peut se voir confier une mission de contrôle des établissements de crédits (article 127 TFUE).

Une gouvernance renforcée

Au sein du Conseil Ecofin, les Etats membres de la zone euro peuvent décider seuls de renforcer leur discipline budgétaire ou d'adopter des orientations de politique économique (article 136 TFUE). Les autres cas où ils sont seuls à exercer le droit de vote sont énumérés. La Commission européenne obtient le droit de proposer au Conseil de déclarer un Etat membre en «déficit excessif». Il faudra donc l'unanimité des membres de l'Eurogroupe pour modifier cette proposition.

Une représentation commune sur la scène internationale

Le Conseil pourra, après consultation de la BCE, «adopter des mesures appropriées» pour assurer une représentation commune de la zone euro auprès des institutions financières internationales (article 138 TFUE)

Une compétence commerciale élargie

La politique commerciale devient explicitement une compétence exclusive de l'UE. Elle s'étend aux droits de propriété intellectuelle,aux services et aux investissements directs étrangers (article 207 TFUE). Le texte maintient le vote à la majorité qualifiée au Conseil sur les
accords commerciaux, mais il recourra à l'unanimité pour ceux touchant au secteur culturel et audiovisuel et aux services sociaux et de santé «lorsque ces accords risquent de toucher gravement l'organisation de ces services au niveau national». Le Parlement accède à la codécision sur le cadre d’exercice de cette politique, qui doit respecter les «principes et objectifs de l’action extérieure». Le Haut Représentant pourrait donc avoir son mot à dire sur l’action du Commissaire au Commerce.

Fanny Lothaire

L'Union doit gendarmer les marchés monétaires et financiers mais ausi muscler ses instruments de défense commerciale. Protectionnisme ? Non, réciprocité, assure François Pérol conseiller économique de l'Elysée.

François Pérol: « Monsieur économie »

Pour cet homme de cabinet, rallié à la cause sarkozyste sur le tard, l’économie mondiale est un champ de bataille dans lequel l'Union doit imposer sa voix. Rendre l’Europe forte et compétitive sur les marchés mondiaux est un défi essentiel, et la future présidence sera « une occasion très importante de montrer que l’Europe a besoin de la France ».

François Pérol ne cache pas le dédain que lui inspire la stratégie de Lisbonne -qui vise à faire de l’Union européenne l’économie la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010. Sourire au coin des lèvres, il la considère comme lettre morte. Mais il ne souhaite en tout cas pas laisser la France et l’Europe se faire écraser par la concurrence agressive des autres pays.
Depuis son arrivée dans les couloirs vieillis du cinquième étage du Palais de l’Elysée en mai dernier, cet énarque diplômé d’HEC, promu conseiller économique de Nicolas Sarkozy, gère les gros dossiers économiques de la présidence. A 44 ans, cet inspecteur des finances, chef du bureau des marchés financiers à la direction du Trésor de 1996 à 1999, ancien directeur de cabinet de Francis Mer en 2002, puis de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Economie, a mérité son surnom de « Monsieur économie » du président.
Les gros dossiers, tels que la fusion GDF-EDF, l’affaire Airbus-EADS ou encore l’avenir d’Areva, passent en priorité dans son bureau, reléguant Bercy, selon Sylvie Pierre-Brossolette de l’hebdomadaire Le Point, à une sorte de pâle doublure médiatique. « Dès qu’il y a enjeu de pouvoir, tout passe par le bureau de Pérol », avait avoué un industriel français à l'hebdomadaire.

L'artisan de « l'Europe qui protège »

Son empreinte est lisible dans tous les discours économiques du président. Le 10 septembre dernier, dans une lettre commune avec la chancelière allemande Angela Merkel, Nicolas Sarkozy souhaitait rendre plus transparents les marchés financiers et contrôler les institutions financières européennes pour tirer toutes les conséquences de la crise subprimes déclenchée par les Etats-Unis . Première étape proposée : mettre en place un code de bonne conduite des institutions financières qui régissent les marchés. Un voeu auquel s'est rallié le Premier ministre britannique Gordon Brown. Le président français souhaite également placer l’Europe au coeur des négociations commerciales internationales, notamment àl’OMC.
Le ton de la future présidence française est donné : face à la volatilité des marchés financiers et à la concurrence globale, « une Europe qui protège ».
« Je ne vois pas de contradiction entre une Europe qui protège et une Europe compétitive », précise François Pérol. « Nous sommes pour la concurrence mais à partir du moment où tout le monde joue selon les mêmes règles. Il ne faut pas être naïf, il faut fixer des règles pour que la concurrence soit la même partout. Nous n’avons aucune raison de laisser les pays non européens profiter du marché sans nous et à notre détriment ».
Comment y parvenir? Par exemple par la création d’une taxe carbone prélevée sur l’importation de produits issus de pays tiers qui ne respecteraient pas les normes de fabrication environnementale de l’UE. Une mesure qui « rétablirait de l’ordre à nos frontières et que l’on défendra pendant notre présidence ». Une façon écologique, aussi, de se protéger de la concurrence mondiale.

«Montrer que l’Europe a besoin de la France»

La meilleure défense reste l’attaque, un adage que le conseiller économique compte mettre en application lors de la présidence française de l’UE. Même souci de protection sur le plan monétaire. Sur ce dernier point, le conseiller économique est catégorique : « Il n’est pas normal que l’euro soit la seule monnaie qui s’apprécie. Nous essayons d’ailleurs de convaincre nos voisins européens que ce n’est pas bon du tout pour notre économie. La politique de change, dans les traités, relève des gouvernements et non de la BCE. Nous voulons donc renforcer les pouvoirs de l’Eurogroupe et renforcer le dialogue avec la BCE », promet-t-il.

Fanny Lothaire
Antoine Krempf

La grande table ronde de l'écologie à la française a tourné à la séance de rattrapage de la législation européenne.

«Le Grenelle de l’environnement? Ah, c'est une belle machine médiatique», ironise un eurodéputé français. De Paris à Bruxelles, l'événement fait grincer quelques dents : la révolution écologique à la française n'est bien souvent qu'une simple reprise de la législation européenne.
Difficile pourtant pour les eurodéputés de croire que leurs collègues français ignorent tout des normes européennes. «Jean-Louis Borloo (ministre de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durable) connaît très bien la législation de l’UE», tranche Ambroise Guellec, député français PPE/DE. « C'est un grand classique politique en France. On oublie le niveau européen.»
Car pour certains, le Grenelle est avant tout « une stratégie de communication avec une petite taxe par-ci ou par-là. Mais c'est surtout la mise en application de la législation européenne, comme pour les OGM», selon Marie-Hélène Aubert, vice-présidente du groupe des Verts au Parlement européen. «Il semble que ce soit une séance de rattrapage. Comme bien souvent, c'est l'Europe qui est moteur», ajoute Philippe Tourtelier, député PS membre de la délégation pour l’Union Européenne de l'Assemblée nationale et du groupe de suivi du Grenelle.

"Sarkozy va se rouler par terre pour la sauvegarde des petits oiseaux"

Jérôme Bignon, député UMP et lui aussi membre du groupe de suivi du Grenelle, dément cet immobilisme écologique : «Mes collègues parlementaires ont peut-être raison quand ils parlent de mise à jour, mais ce n'est que temporaire : il s’agit d’aller au-delà des directives européennes. On est quand même le seul pays en Europe à évoquer le développement durable. Le Grenelle avait aussi pour objectif de changer les habitudes de consommation : cela sera également l'un des futurs enjeux de la présidence française.»
Une présidence de l'Union où l'on devrait donc entendre parler du Grenelle. Mais, selon certains, en France ou en Europe, les priorités de la présidence française sur l'environnement seront du même acabit : «Dans six mois, le Grenelle va être en haut de l’agenda en terme de communication : Sarkozy et ses ministres vont se rouler par terre en appelant à la sauvegarde des petits oiseaux, dit Marie-Hélène Aubert . Le président annoncera la création d’une taxe carbone et si ça ne marche pas, ce sera la faute de ses collègues européens... »

Sarah Bernuchon à Paris

Opposée à la proposition de directive sur le dégroupage patrimonial des monopoles énergétiques, la France tente de prendre les devants pour que ce dossier, sur lequel les Etats membres sont très partagés, aboutisse avant fin 2008.

Face au projet de la Commission européenne de démanteler les monopoles sur le gaz et l’électricité, la France freine des deux pieds. Afin de préserver Gaz de France et EDF, Nicolas Sarkozy tient à boucler le dossier «ownership unbundling» au cours de la présidence française du Conseil. Car après, il sera plus difficile de défendre la position française : dès 2009, les décisions en matière d’énergie seront soumises au vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil, et non plus au régime de l’unanimité.
En jeu : le démantèlement des systèmes verticaux à la française, où un même groupe détient toute la chaîne énergétique, de la production à la commercialisation, en passant par le transport. Objectif : ouvrir le marché européen à la concurrence. La proposition de la Commission, prévue dans le troisième paquet législatif présenté en septembre 2007, vise à instaurer une séparation de propriété entre, d’un côté les réseaux de transport, de l’autre les activités de production, extraction, distribution et commercialisation des opérateurs énergétiques.
La France, soutenue par une Allemagne soucieuse du sort du groupe E.ON, mène la fronde des pays opposés à la directive «unbundling» (Autriche, Grèce, Luxembourg, Slovaquie). Nicolas Sarkozy et Angela Merkel veulent prendre les devants : ils ont récemment annoncé qu’ils présenteront fin janvier 2008 une proposition conjointe sur la question de la séparation effective.
Les orientations contenues dans le troisième paquet ne devraient pas y trouver une très grande place, comme le laisse présager la déclaration de Jean-Pierre Jouyet à la presse, en septembre dernier : «Nous sommes très clairement en opposition avec les propositions faites par la Commission. C’est un paquet qui affaiblit les opérateurs européens et qui ne permet pas de garantir une baisse des prix au profit des consommateurs.»

La bataille des chiffres s’engage

Car l’effet du dégroupage sur les prix est contesté, et la bataille des chiffres ne fait que commencer. Il existe des pays où l’unbundling existe déjà : le Danemark, les Pays-Bas, le Portugal, la Roumanie, l’Espagne, la Suède et le Royaume-Uni, rappelle Oskar Almén, co-auteur du neuvième Observatoire européen des marchés de l’énergie, publié le mois dernier par le cabinet de conseil Capgemini. «Ces pays sont en faveur de la séparation patrimoniale, tout comme la Belgique. Selon une étude d’impact de la Commission, depuis 1998 les prix du gaz et de l’électricité ont augmenté de 6% dans ces pays, contre 29% dans les autres. Mais je pense qu’il est prématuré de mettre la différence sur le compte du seul unbundling. Il y a d’autres variables qui entrent en jeu, comme la dépendance de chaque pays aux différentes énergies.»
De fait, le rapport de Capgemini pointe qu’«à quelques exceptions près, on observe des prix de détail de l’électricité supérieurs à la moyenne européenne dans les Etats membres dont les marchés sont ouverts à la concurrence depuis plus de trois ans». C’est au Danemark que l’électricité à usage domestique coûte le plus cher (258 €/MWh au 1er janvier 2007), tandis que la Grèce (72 €/Mwh) et la France (121 €/MWh) présentent les tarifs les moins élevés, bien en dessous de la moyenne de l’UE (158,1 €/MWh).

Doutes sur la clause Gazprom

En outre, les anti-dégroupage mettent en doute l’efficacité d’une stratégie d’éclatement des opérateurs énergétiques face à la politique russe de «super-bundling». «Gazprom cherche à maîtriser tous les maillons de la chaîne gazière, relève Oskar Almén. Et je ne suis pas sûr qu’une clause de réciprocité soit une solution très réaliste. » Cette suggestion de la Commission, dite « clause Gazprom » imposerait au groupe russe de séparer lui aussi ses activités de production et de transmission avant d’être autorisé à détenir une part de contrôle dans les entreprises énergétiques européennes. Mais «même si Gazprom perdait formellement la propriété des réseaux, l’Etat russe garderait la haute main à la fois sur les réseaux et sur Gazprom», soulignait déjà Philippe Herzog, président du think tank Confrontations Europe, en novembre 2006.
Quoi qu’il en soit, la Commission a déjà fait une seconde proposition susceptible de se substituer à celle de l’unbundling : c’est l’option «Opérateur indépendant du système» (ISO), qui permettrait aux entreprises de rester propriétaires de leurs actifs ; mais la gestion, y compris l’investissement et les décisions commerciales, devraient être transférées à cet opérateur. En retour, ce dernier verserait une rémunération aux groupes énergétiques.
Quant au commissaire à l’Energie Andris Piebalgs, il espère que la négociation entre les Etats membres, qui promet d’être longue et ardue, pourra se conclure sous la présidence française du Conseil. Au moins un point sur lequel la Commission et la France tombent d’accord.

Fabien Mollon à Paris

Une Charte pour l’énergie toujours en négociation

La question de la sécurité de l’approvisionnement énergétique de la Communauté européenne a été posée dès l’éclatement de l’URSS. En 1991, 51 Etats ont signé la Charte européenne de l’énergie. Parmi eux, les pays européens, le Japon, la Norvège ou encore la Russie. Seuls 46 l’ont ratifiée. La Russie, premier producteur mondial de gaz et le deuxième producteur de pétrole, s’y refuse.
La Charte de l’énergie fait toujours l’objet de négociations lors des sommets UE-Russie. Elle soutient une coopération internationale dans le domaine de l’énergie. Le traité sur la Charte de l'énergie a été signé en 1994 et est entré en vigueur le 16 avril 1998 à titre provisoire. Les principales dispositions du traité concernent la protection des investissements, le commerce des ressources énergétiques régit par les règles de l’OMC et le transit des matières énergétiques.

Maud Czaja

L’Ukraine abrite le deuxième plus grand réseau de gazoducs au monde. Il est le garant de la fourniture en gaz de l’Union européenne. Les récentes tensions avec le producteur russe Gazprom ont convaincu les Européens de la nécessité de faire rapidement de Kiev un allié sûr dans le domaine énergétique.

Environ 80% du gaz russe destiné à l’Union européenne transite par l’Ukraine. Soit trois partenaires mutuellement dépendants. Or, l’équilibre russo-ukrainien est fragile, comme l’a prouvé la crise du gaz de 2006. Gazprom avait brutalement décidé de suspendre ses exportations de gaz pendant plusieurs jours en direction de l’Ukraine en raison d’un contentieux financier entre les deux pays. Autre exemple, en août 2007, le secrétaire adjoint du Conseil de sécurité nationale et de défense de l’Ukraine, Iouri Prodan, a évoqué la possibilité de réviser les tarifs du transit du gaz russe livré à l’Europe. Ce qui entraînerait une augmentation du prix pour les Occidentaux. D’où l’importance pour l’UE de sécuriser cette source d’approvisionnement.
Depuis l’élargissement de 2004, l’UE est devenue le principal partenaire commercial de l’Ukraine. Ils ont signé en décembre 2005 un protocole d’accord sur l’énergie, qui porte sur l’intégration des marchés du gaz et de l’efficacité énergétique. Celui-ci fait actuellement l'objet d'une renégociation dans le cadre d'un futur accord de "coopération renforcée". Mais l'instabilité du gouvernement ukrainien ne facilite pas les choses. Ioulia Timochenko, égérie de la révolution orange, a certes été nommée Premier ministre le 18 décembre, trois mois après les élections législatives, mais le parti pro-russe reste très représenté au parlement ukrainien.
«Pour s’assurer du soutien de l’Ukraine, c’est du donnant-donnant. Nous pouvons par exemple leur proposer une aide financière dans un domaine précis en échange de garanties d’approvisionnement. Il faut aussi examiner de plus près cet accord de coopération. L’Ukraine s’est également engagée avec la Russie. Il est préférable qu’il n’y ait pas d’arrangements croisés», commente Rafal Trzaskowski, assistant parlementaire du polonais Jacek Saryusz-Wolski (PPE_DE) auteur du rapport sur "une politique étrangère commune dans le domaine de l'énergie"approuvé cet automne par Strasbourg.

Projets de contournement

Entretemps, plusieurs Etats membres de l’UE soutiennent des projets de contournements tels que la construction du gazoduc Nabucco qui acheminerait du gaz de la Mer Caspienne. Mais d’après Dominique Fache, membre du directoire de Siberian Coal Energy Company (SUEK), on n'échappera pas à la nécessité de sécuriser les approvisionnements énergétiques via l’Ukraine. Une solution pourrait être d' initier un consortium, comprenant Gazprom, pour la gestion de ses gazoducs. Co-dirigé par Gaz de France, par exemple.

Maud Czaja à Strasbourg

Le développement nucléaire contesté

Pour abolir les tensions entre des pays qui maîtrisent le nucléaire et ceux qui souhaitent le développer, tout en garantissant la non-prolifération, Javier Solana, le secrétaire du Conseil de l’Union européenne, s’est récemment prononcé pour la création d’un centre international d’enrichissement sous surveillance multilatérale. «Tous les Etats auraient accès à ce combustible enrichi aux mêmes conditions et à des prix compétitifs», explique-t-il. «C’est l’Union européenne qui est le mieux placée au sein de la communauté internationale pour engager une réflexion sur le système de non-prolifération. Faisons-le donc!»
Selon le vice-président du Parlement européen, Gérard Onesta, ce centre militarisé poserait problème: «Les transports de matière nucléaire sont très dangereux. En cas d’accident, ce serait un drame absolu! D’autre part, ces transports gaspilleraient beaucoup d’énergie.»
En outre, selon lui, le nucléaire représenté en Europe par la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) ne serait «pas démocratique». Il ne figure pas dans le traité simplifié signé par les chefs d’Etats à Lisbonne car pour beaucoup de pays le nucléaire n’est pas une priorité. Et pourtant l’Union européenne va dédier 120 milliards d’euros au nucléaire en 2008. «Beaucoup trop!» dénonce le vice-président du PE. «Il faut accorder plus de budget au développement des énergies renouvelables, par exemple.»
Les écologistes partagent ce dernier point de vue. «L’émission de gaz à effet de serre serait divisée par quatre si on arrêtait de produire du nucléaire», déclare Damien Demailly, spécialiste de l’énergie chez WWF. Selon lui, chaque pays devrait produire des énergies renouvelables en fonction de ses propres ressources, en utilisant les éoliennes, des panneaux solaires mais aussi l’eau et le gaz. Il voit le développement du nucléaire comme un danger: «Cela représente avant tout un risque de prolifération, d’accident et enfin un mauvais traitement des déchets radioactifs.»
Pour garantir la non prolifération et éviter que certains pays ne passent du développement du nucléaire civil à la production d’armes de destruction massive, la proposition de Javier Solana reste la seule originale. Certains pays arabes pourraient en bénéficier, car selon une source proche de l’Elysée, le nucléaire civil pourrait jouer dans le monde arabo-musulman et sur le projet d’Union de la Méditerranéenne le même rôle qu’avait joué la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), ancêtre de l’Union européenne.

Victor Nicolas
à Paris

Pages