Une maison de services publics
Pour pallier le manque de dynamisme, la mairie de Strasbourg a la volonté de créer un centre-ville à Koenigshoffen à travers un pôle de services publics qui rassemblera la mairie de quartier, la direction de proximité, le centre médicosocial et un projet autour de la lecture. C’est l’ancien siège du RSI, acheté 900 000 euros qui accueillerait cette maison de services publics, un immeuble de 1 853 m² donnant sur la route des Romains à l’entrée du parc Gruber. La ville prévoit 2 millions de travaux de rénovation. "Il est question ici de mettre en place une dynamique en mêlant les activités économiques du parc Gruber et les services publics", dit François Desrues. "L’idée est de créer un pôle attractif avec un centre-ville", ajoute Luc Gillmann, adjoint de quartier. Pour François Desrues, les commerçants "se sont beaucoup mobilisés et ont fait leur part". Maintenant c’est aussi à la ville "d’essayer de tenir une certaine dynamique par la rénovation et l’urbanisme".
Yacine Arbaoui, Mélissa Antras, Loana Berbedj et Pauline Boutin
Des locaux commerciaux mal aménagés
La plupart de ces locaux commerciaux sont d’anciens appartements, réaménagés pour faire office de commerce. "Le commerce existant n’est pas toujours aux normes d’accessibilité notamment pour les personnes à mobilité réduite, comme certaines boulangeries par exemple, c’est une difficulté", constate François Desrues, pour qui "le local commercial idéal, c’est un commerce de plain-pied respectant ces normes".
Pierril Demange trouve que l’inadaptation "des locaux freine le développement économique" car "il y a des petits commerces qui disparaissent, il est difficile d’en ouvrir ici à cause des normes d’accessibilité". A cela, il faut ajouter "la politique des promoteurs immobiliers qui ne construisent que des logements sociaux sans locaux commerciaux".
Ces chantiers de construction "prouvent qu’il n’y a aucune volonté de la part des promoteurs ni de la ville de développer de grands locaux destinés aux commerces sur la route et dans le quartier Koenigshoffen en général", conclue Pierril. "La ville ne va pas construire de locaux commerciaux sur la route des Romains si c’est pour qu’ils restent vacants. On ouvre des commerces si on identifie un réel besoin", dit François Desrues. La ville de Strasbourg n’est pas dans "une logique de développement commercial mais dans une logique de requalification des surfaces existantes. On veut faire de ce quartier un quartier résidentiel mais avec beaucoup de petits commerces et de services publics".
Julie Gasco et Maxime Glorieux
Dans la partie haute du jardin, il faut entretenir les arbres : épicéa, noisetier, if, frêne. © Sophie Piéplu
D'un côté, le canal de la Bruche, de l'autre le verger du couvent des Capucins : l'allée qui mène aux étangs de pêche de Kœnigshoffen a des airs de route de campagne. Avec ses deux plans d'eaux pour la pêche, ses trois terrains de pétanque, son grand chalet pour les jeux de société, la buvette et les repas, le site est un lieu de vie et de loisirs privilégié de Kœnigshoffen. D'autant plus qu'il est la propriété de l'Association agréée pour la pêche et la protection des milieux aquatiques (AAMMAP, mais tout le monde dit APP) de Kœnigshoffen – l'une des plus anciennes (1923) et des plus importantes APP d'Alsace, avec plus de 500 membres.
Ce samedi 10 novembre, cette dernière a organisé deux événements en parallèle : une marinade de harengs à la crème et un concours de pêche à la truite.
Banquet
A l'intérieur du chalet, les grandes tables de banquet accueillent une bonne cinquantaine de participants. Le repas, qui coûte 12 euros, est ouvert au public. Ni Yolande Buchmann ni son mari Patrice ne sont pêcheurs. Attablée avec deux autres couples de la paroisse protestante de Saint-Paul, cette dernière explique : « Nous venons deux fois l'an pour des repas. J'y retourne depuis que je suis en retraite. » Arrivée à Kœnigshoffen à l'âge de 1 an elle est attachée au site : « Ce lieu fait partie de mon enfance. Ça a toujours été très convivial, et en fait, l'ambiance n'a pas trop changé. »
Pas étonnant, vu le nombre de têtes chenues dans la salle. Venu avec sa mère de 95 ans pour la marinade, Charles Muller ressemble à la plupart des commensaux. À « bientôt 73 ans », il occupe ses loisirs en allant tous les jours au chalet pour « retrouver les copains et regarder les parties de cartes. » De son coté Yolande Buchmann s’interroge : « Le jour où les vieux n'entretiendront plus le site, qu'est-ce que ça va devenir ? » Et convient « C’est normal de ne pas vouloir passer la journée avec des vieux quand on est jeune ».
Cuisine
Des jeunes, il y en a pourtant les nuits d'été autour des étangs. « Ils viennent ici pour faire la fête, explique Benjamin Breuil, le président de l'association, qui s'active en cuisine. De temps en temps, je descends la nuit pour leur dire de ne pas laisser de cadavres de bouteille partout. Mais dans l'ensemble, c'est plutôt bon enfant. » Ils ne participent pas aux activités de l'association, précise Benjamin Breuil. Qui déplore, comme Yolande, « le manque de jeunes bénévoles ».
À 36 ans chacun, Benjamin Breuil et son vice président, Thomas Kuhm font figure d’exceptions : « On est les plus jeunes à gérer une APP dans la région. » Tandis que, dans la salle, les anciens prennent l'apéro, Thomas Kuhm vérifie la bonne tenue des préparatifs : « J’aime ce rôle. Cela représente énormément de temps et d’heures. Mais il fallait qu’on s’y intéresse pour que l’association se pérennise. » Quitte à mettre parfois la pêche de côté. Benjamin Breuil, va plus loin : «Il faut être impliqué à 200%. Pour moi, c’est comme une deuxième activité. » Et la charge de travail ne va pas s'allégeant. À côté d'eux, Dominique Furst, octogénaire au regard pétillant et cuistot du jour, prévient : « C’est la prochaine génération. C’est eux qui feront la marinade. » Et de désigner deux grands bacs métalliques remplis à ras-bord du mets tant attendu. Il en connaît la recette par cœur. Sans révéler ses petits secrets, il décrit les ingrédients utilisés : « Beaucoup de crème fraîche, de la moutarde à l’ancienne, du thym et du poivre. » La préparation doit mariner pendant une semaine et demie pour apporter au poisson tendresse et goût.
Grand étang
Son poisson, Loïc le préfère « en papillote ou en barbecue. » A 16 ans, il est « venu en vélo d'Ostwald pour participer au concours de pêche à la truite. » Avec un certain succès : il finit de vider et de nettoyer les sept poissons pêchés pendant la matinée, et s'apprête à rentrer chez lui. Pas question de participer à la marinade. Ni de se sociabiliser avec les anciens. Bien de son temps, il compte partager les photos de sa pêche sur son compte Instagram (le_carpiste_67).
« Quand ça veut pas, ça veut pas », soupire de son côté Julien Etienne, 32 ans, venu exprès pour le concours depuis Belval, dans les Vosges, à une centaine de kilomètres de là. Deux truites seulement ce matin : « C’est la fin de la saison de pêche, les poissons vont commencer à frayer – se reproduire. » Qu'à cela ne tienne, il compte bien se consoler avec la marinade : « Je suis venu avec un ami et je connais deux trois personnes ici. »
Vers 14 heures et des poussières, Victor et Paulo sortent de l'apéro. Ils ne participent ni au concours ni au repas : ce sont plutôt des boulistes – Victor a été président pendant huit ans du club de pétanque de Cronenbourg. C'est là qu'il a rencontré René, membre actif de l'APP, et personnage haut en couleur : « Quand c'est la semaine où Annie et René tiennent le bar, c'est vraiment la folle ambiance. » Pour Paulo, c'est une première au club de pêche, mais, gagné par la bonne humeur générale autour de la buvette, il prévoit d'y retourner le dimanche suivant pour le tournoi de belote.
Devant le chalet, Jacky, la moustache jaunie par le tabac, observe les pêcheurs du grand étang. Pour ce membre assidu de l'association « depuis plus de vingt ans », l'avenir du site est menacé. « Un jour, la ville reprendra le terrain et construira. Ce serait bien que ça dure encore quinze vingt ans. »