16 mars 2017
Le Parlement a adopté, jeudi 16 mars, un règlement visant à imposer aux entreprises de contrôler l'origine de leurs approvisionnements en métaux utilisés dans les smartphones ou ordinateurs portables. Il s'agit d'endiguer le financement des groupes armés qui s'enrichissent par le biais d'exploitations minières.
Saviez-vous que votre téléphone ou votre ordinateur peut participer à l’instabilité des zones de guerre ? Les minerais dits “de sang” comme l’étain, le tantale, le tungstène ou l’or présents dans les composants électroniques sont, pour une partie, issus de mines contrôlées par des milices armées, notamment en Afrique. Le Parlement européen, inspiré par un guide de l’OCDE datant de 2012, a adopté le 16 mars un règlement contraignant les entreprises importatrices de ces métaux à vérifier la fiabilité de leurs fournisseurs.
Ce mécanisme d’autocertification, proposé en 2014 par la Commission, a été l’objet d’une longue bataille entre le Parlement européen et les Etats membres. Initialement, la proposition privilégiait une démarche volontaire des industriels. Ils auraient été libres de vérifier ou non leurs importations et d’organiser des contrôles auprès de ceux qui les approvisionnent.
« Adopter une position volontaire et dire qu'on se soucie des droits de l'Homme en Afrique, ça n’aurait pas été possible » explique Marie Arena, eurodéputée belge (S&D, sociaux-démocrates). Elle a pesé tout au long des négociations afin que les entreprises soient obligées de s’assurer de la due dilligence, c'est-à-dire garantir le respect des droits de l'homme, des lois et règlements nationaux et internationaux, lors de leurs approvisionnements en métaux.
Sécuriser les importations
Le nouveau règlement doit servir à lutter contre le financement des groupes armés, en s'assurant que les importateurs ne se fournissent pas auprès d'eux. Si aucune région n’est mentionnée explicitement, la principale zone concernée est l’Est de la République démocratique du Congo, une région particulièrement instable et qui regorge de minerais rares. Un exemple abondamment cité par les eurodéputés lors des débats.
Les eurodéputés ont plébiscité le réglement en l'adoptant avec 558 voix pour et seulement 17 voix contre. Pour Chris Heron, représentant d’Eurométaux, un groupement d’importateurs de métaux non-ferreux, la nouvelle réglementation permettra « d’aller de l’avant » en « augmentant la sécurité de l’approvisionnement ». « Nous sommes très heureux de ce texte », complète-t-il.
Celui-ci a aussi une dimension symbolique forte pour l’Europe : « Par cet accord, l'Europe prouve qu'elle est encore une communauté de valeurs et qu'elle est capable de les exporter », souligne le Britannique David Martin (S&D, sociaux-démocrates). Une volonté d’autant plus importante que la loi américaine Dodd-Frank, un équivalent du règlement adopté par le Parlement, est menacée par l'administration Trump. Le 45ème président des Etats-Unis s'est en effet exprimé pour un allégement des contrôles sur les importations des minérais.
« On pouvait faire mieux et on pourra faire mieux »
Le large consensus dont le réglement a fait l'objet au Parlement européen n’aurait pas été possible si certaines concessions n’avaient pas été faites. « On pouvait faire mieux et on pourra faire mieux », estime Marie Arena. Pour l'instant l’accord reste limité à quatre minérais. Eurométaux et certains eurodéputés croient en une possible extension de ce texte à d'autres secteurs à l'avenir. « J'espère que nous pourrons bientôt contrôler aussi les importations en produits textiles », escompte ainsi l'Allemand Bernd Lange (S&D), président de la commission du commerce international. Une extension aux « diamants de sang », ces diamants dont l’exploitation alimente des conflits en Afrique est également envisageable, selon ce même député.
Le règlement sur les minérais de sang a vocation à couvrir 95 % des importations de ces métaux. Seuls, les petits importateurs ne sont pas concernés, tels les dentistes et les joailliers, qui utilisent les minerais concernés en infime quantité. Maintenant qu'il a été validé par les eurodéputés, la nouvelle réglementation devrait entrer en vigueur d'ici à 2019 et les contrôles se généraliser d'ici 2021. Un délai que certains eurodéputés de gauche auraient souhaité plus court : « Combien de nouveaux morts d'ici quatre ans ? », s'est ainsi interrogé l'eurodéputé allemand Helmut Scholz (GUE/NGL, gauche radicale).
Texte: Maxime Bossonney, Baptiste Decharme
Photo : Baptiste Decharme
Infographie : Laurent Rigaux