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Vasile Teodor Dădârlat est professeur en applications internet et réseaux informatiques à l'université technique de Cluj-Napoca. Auteur de plusieurs ouvrages sur les circuits et dispositifs numériques et les réseaux informatiques locaux. Il décrypte l'avènement du domaine des technologies d'information en Roumanie.

En Roumanie, en 2018, près de sept abonnements Internet sur dix étaient en très haut débit. Par comparaison, la moyenne européenne était d'un abonnement sur cinq. Comment la Roumanie s'est-elle dotée d'une connexion aussi performante ?

Vasile Teodor Dădârlat : Jusqu'aux années 1990, les seules infrastructures de télécommunication qui existaient en Roumanie étaient dédiées aux liaisons téléphoniques. Cependant, il faut rappeler que même avant la chute de Nicolae Ceaușescu (dictateur communiste au pouvoir de 1965 à 1989), la Roumanie coopérait déjà beaucoup avec les États-Unis et la France dans le domaine des nouvelles technologies. À l'Ouest, Ceaușescu était vu comme l'un des seuls dirigeants du bloc communiste qui s'opposaient un tant soit peu à l'URSS.

Après la chute du régime, alors qu'on commençait tout juste à installer les premières télécommunications en fibre optique en Europe, la Roumanie a saisi l'occasion pour s'équiper directement avec ces infrastructures dernier cri. Les pays d'Europe de l'Ouest devaient eux changer leurs câbles en cuivre, modifier tout leur modèle de télécommunication, ce qui a mis plus de temps que de partir de zéro. En 2000, toutes les villes roumaines étaient reliées à la fibre optique. Aujourd'hui encore, nous avons le meilleur internet filaire en matière de capacité et de débit, derrière Singapour et Hong-Kong.

La Roumanie possède près de 20 000 entreprises spécialisées dans les technologies. Le secteur représente plus de 4 milliards d'euros sur le marché local. Comment la Roumanie est-elle devenue pourvoyeuse de main-d'œuvre qualifiée dans ce domaine ?

V.T.D. : Il y a plusieurs facteurs. D'une part, sous le régime communiste, le pays avait déjà la culture d'enseigner en priorité et avec un degré d'exigence très haut les matières scientifiques. Dans les années 1990, la Roumanie était encore très pauvre, et la main d'œuvre très peu coûteuse. Les grandes entreprises comme Google ou Microsoft ont commencé à faire venir des ingénieurs roumains avant même la chute du régime. Par la suite, ces entreprises ont vu l'aubaine représentée par le développement rapide et efficace d'Internet dans le pays et se sont, pour beaucoup, installées en Roumanie.

Cela a évidemment participé au développement économique du pays qui a vu naître ses propres entreprises de développement, de logiciels, de cybersécurité... Tout cela supporté par nos universités pourvoyeuses de main d'œuvre, qui ont par ailleurs été reliées dans les premières au réseau Internet, ce qui a permis très vite à celles-ci de l'étudier.

Quelle évolution voyez-vous dans ces domaines-là depuis les dix dernières années ?

V.T.D. : Aujourd'hui encore, les ingénieurs étrangers employés par Microsoft sont d'abord Indiens, Chinois puis Roumains. Je suis aussi très fier de voir que la plupart de nos « cerveaux » restent désormais pour travailler en Roumanie. Il y a une dizaine d'années, la moitié de nos diplômés partaient à l'étranger. Aujourd'hui c'est à peine plus de 20 %. Cependant, une inquiétude demeure : de nombreux pays en développement tentent de se spécialiser dans les technologies d'information en proposant leurs services pour des salaires beaucoup plus faibles.

Propos recueillis par Emma Bougerol et Laure Solé

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Vasile Teodor Dădârlat, professeur en applications internet et réseaux informatiques à l'université technique de Cluj-Napoca. © Laure Solé

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