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En Espagne, le gouvernement socialiste a chuté en novembre dernier. Comme d'autres avant lui, il s'est aliéné ses électeurs en multipliant les mesures d'austérité. Dans les pays sous programme d'aide, la rigueur, imposée par la troïka, vient s'ajouter à la crise et débouche sur la récession, qui accroît le poids de la dette publique. Tel est le constat dressé un peu partout en Europe.

Parti socialiste espagnol : récit d'une défaite annoncée

Le 20 novembre 2011, les socialistes espagnols perdent les élections législatives. Retour sur les événements qui ont mené le gouvernement de José Luis Zapatero à sa perte.

 

 

L'Espagne n'est pas un cas isolé

 

 

Troïka, mère la rigueur

Baisse des dépenses publiques et augmentation des prélèvements obligatoires sont les incontournables des plans de rigueur en Europe. Dans les trois pays qui bénéficient d’un plan de sauvetage – Grèce, Irlande et Portugal -, les inspecteurs de la Troïka (BCE, Commission européenne et FMI) examinent à la loupe les budgets. Tous les trois mois, le verdict tombe sous la forme d’un rapport. Le document contrôle l'application des engagements contractés et détaille les mesures fiscales et les coupes budgétaires supplémentaires auxquelles doivent se plier les parlements nationaux.

Ces « ajustements budgétaires », les pays sous perfusion n’ont d’autres choix que de les appliquer. Sans cela, les prêts consentis via les plans de sauvetage ne sont pas débloqués, et les gouvernements sont condamnés à cesser leurs paiements et à faire défaut face aux créanciers qui détiennent leur dette publiques.

PIB en baisse

Administrées dans un contexte de crise économique, ces mesures d’austérité particulièrement restrictives mènent invariablement à la récession, puis à la baisse du PIB. C’est ce que détaille un dossier de l’Insee sur les effets des « resserrements budgétaires » en Europe. D’un côté, l’augmentation des taxes, des impôts conjugués à la baisse des transferts sociaux plombent la consommation des ménages. De l’autre, le relèvement de la fiscalité des entreprises combiné à la baisse de leurs subventions les rend moins compétitives. Entre 2008 et 2010, le PIB de l’Irlande a chuté de 15,4 % et celui de la Grèce de 2,5 %. Pour 2011, Athènes devrait encore perdre 6 % de son PIB. Seul celui du Portugal a enregistré une très faible croissance de seulement 0,5 %, mais serait entré en récession en 2011.

François Régnier

 

 

Les 17 membres de l'Eurozone n'ont jamais imaginé devoir aider un des leurs. Encore moins trois. La Grèce, l'Irlande et le Portugal ont reçu plus de 140 milliards d'euros depuis un an et demi. Le soutien financier de la « troïka » (le Fonds monétaire international, la Commission européenne et la Banque centrale européenne) est accordé sur la base d'un programme d'ajustement, destiné à assainir les finances publiques. Mais la cacophonie autour de la mise en place des plans de sauvetage témoignent d'une Union européenne hésitante. Zsolt Darvas membre du think tank Bruegel, vit à Bruxelles. L'économiste d'origine hongroise juge les mesures inefficaces.

Un pays membre de la zone euro en crise, cela semblait impossible pour l'Union européenne. Comment a-t-elle réagi?

Elle n'y était pas du tout préparée. L'Eurozone ne s'attendait pas à devoir aider un de ses pays membres. Au tout début de la crise de la dette, en 2010, l'Union européenne a fait des déclarations à gauche à droite, en se demandant s'il fallait donner de l'argent, ne pas en donner, si 20 milliards d'euros allaient suffire, etc. Les dirigeants nationaux et les membres de la Commission européenne ne savaient plus que faire. Ils n'avaient pas de plans et donc les décisions prises n'étaient pas pertinentes.   

Comment s'est propagée la crise?

Après les Grecs, ce sont les Irlandais qui ont demandé de l'aide. La situation des banques irlandaises s’est détériorée en raison d'une crise des crédits hypothécaires. En 2009, la première banque du pays, Anglo Irish Bank, a perdu 12,9 milliards d'euros et presque autant au premier semestre 2010. L’État irlandais a pris à son compte la responsabilité des banques irlandaises. L'État a déjà injecté plus de 45 milliards de fonds propres pour soutenir ces organismes financiers.
Au Portugal, la situation était différente. Le pays montrait déjà avant la crise une croissance très lente. Dans les années 90, avant d'adhérer à l'Union européenne, il avait des problèmes de crédit. Lors de son adhésion, le pays est arrivé dans un ensemble économiquement plus fort que lui. La dette du gouvernement à l'époque s'élevait à 65% du PIB, aujourd'hui elle en est à plus de 100%. Aucune possibilité d’être compétitif avec les autres pays.

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L'économiste Zsolt Darvas, du think tank Bruegel, juge les mesures de la "troïka" inefficaces.(©DR/Zsolt darvas)

Pourquoi la crise grecque est-elle devenue une crise européenne ?

Je vois trois raisons à cette propagation. D’abord « les grands » de l’UE n’ont pas trouvé de solution efficace pour gérer la crise. D’autre part, dans chaque pays membre de l’Eurozone, les banques et l’Etat sont mutuellement dépendants. En Grèce, c’est l’Etat qui a déclaré forfait, entraînant les banques avec lui. En Irlande, c'est l’inverse. Maintenant le monde se focalise sur l'Espagne et l'Italie. Dans ce dernier pays par exemple, si le système des banques s’effondre, nul ne garantit que l’Etat italien serait en mesure de l’aider. Finalement une troisième raison est que même si la BCE a commencé a acheter des obligations d'Etat, son rôle reste limité. Les banques européennes n'ont pas derrière elles une Banque centrale qui pourrait intervenir en cas de besoin. Du coup les investisseurs étrangers ont commencé à se désengager de l'Europe. Beaucoup pensent d'ailleurs que les jours de la zone euro sont comptés.

Maria-Dominique Illès

 

 

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