Vous êtes ici

Une nouvelle législation pour protéger les travailleurs européens


09 février 2024

Le mercredi 7 février, le Parlement européen a adopté une loi qui établit des nouveaux seuils d’exposition au plomb et aux diisocyanates sur le lieu de travail. L’objectif : améliorer la sécurité et la santé des travailleurs européens.

« Personne ne devrait être victime de son travail ou mourir pour des raisons professionnelles ! » L’eurodéputé Nikolaj Villumsen (The Left, extrême-gauche) se réjouit de l’adoption par le Parlement européen d’une directive limitant l’exposition des travailleurs au plomb et aux diisocyanates. En grande quantité, ces substances peuvent être dangereuses et présenter des risques cancérigènes. 

Limiter les substances dangereuses pour les travailleurs 

L’enjeu est de taille. Chaque année, entre 50 000 et 150 000 travailleurs sont exposés au plomb au sein de l’Union européenne, et 4,2 millions aux diisocyanates. Afin de limiter l’impact du plomb, la directive abaisse sa valeur limite d’exposition professionnelle : autrefois fixée à 0,15mg/m³, elle passe désormais à 0,03mg/m³. En 40 ans, cette limite n’avait jamais été réévaluée. La concentration maximale à laquelle un travailleur peut être exposé pendant une journée de travail de huit heures a été fixée à 6 mg/m³. C'est une première : l’Union européenne n’avait pas de législation concernant cette substance qu’on retrouve notamment dans les isolants.

Aujourd’hui, les travailleurs du bâtiment, de l’industrie et de l’artisanat sont particulièrement exposés. Pour se protéger, ils doivent s’équiper de masques FFP3 et portent des combinaisons intégrales pour éviter d’inhaler des poussières de plomb. Pourtant, les cas de fatigue chronique et des cancers liés à l’exposition au plomb sont nombreux dans ces domaines, selon la Fédération générale du travail de Belgique (FTGB). Les diisocyanates, eux, provoquent des cas d’asthme professionnel et des maladies cutanées. La nouvelle législation européenne aura pour objectif de renforcer leur protection. Une victoire pour Nikolaj Villumsen : « les travailleurs concernés rénovent nos maisons, construisent nos batteries de voiture, … Ils sont au premier plan de la transition écologique. C’est important de savoir qu’ils seront mieux protégés. »

Des réserves exprimées sur ces seuils

[ Plein écran ]

L'eurodéputé Nikolaj Villumsen (The Left, extrême-gauche), rapporteur du texte garantissant la protection des travailleurs face aux substances dangereuses © Garance Cailliet

Pourtant, certains eurodéputés auraient voulu aller plus loin. Pour Mounir Satourni (Les Verts, écologistes), les femmes sont les grandes oubliées de cette loi. Plus vulnérables face au plomb (qui peut entraîner des fausses couches et menacer la santé des fœtus), elles devaient bénéficier d’un seuil spécifique. Mais les employeurs se sont inquiétés des surcoûts liés à cette prise en charge particulière et la mesure a été abandonnée. Seule lueur d’espoir pour le parti écologiste : leur demande d’inscrire dans la directive un délai de révision de cinq ans a été accepté. Ils espèrent que d’ici-là, de nouvelles études scientifiques justifieront la création d’un seuil limite spécifique pour les femmes. Les règles relatives aux diisocyanates devront, elles, être réexaminées avant 2029.

Autre manquement notable dans la directive : l’absence de prise en compte de l’effet « cocktail ». Comme l’explique Gérard Le Corre, inspecteur du travail et membre de la confédération santé-travail CGT Seine-Maritime, les travailleurs sont « exposés à plusieurs agents chimiques par jour​​​ » au lieu d’un seul. Or, les seuils ne « prennent pas en compte ces effets » explique t-il. Le syndicaliste s’inquiète aussi qu’« en pratique, les employeurs ne chercheront pas à mettre en place les mesures les plus basses possibles. Ils s’en tiendront au seuil limite, sans proposer de nouvelles mesures de sécurité ».

Les Etats membres doivent désormais mettre la directive en application. Ils disposent de deux ans pour définir de quelle manière ils adapteront leurs lois nationales pour mieux protéger leurs travailleurs.

Garance Cailliet et Sarah Khelifi

Imprimer la page