Avec le Projet de renouvellement urbain (PRU) lancé en 2006, le quartier de la Canardière cherche à faire peau neuve. Attirés par un prix avantageux, une proximité avec le centre-ville et les espaces verts, de nombreux primo-accédants sont séduits par ce secteur en pleine redynamisation.
Depuis la terrasse de son logement route de la Meinau, Anne Cuvillier, enseignante d’allemand à l'École libre Sainte-Anne de Neudorf, profite des quelques éclaircies de ce mercredi après-midi de novembre pour étendre son linge. À l’intérieur de son appartement moderne et chaleureux, ses deux enfants jouent dans leurs chambres, bien contents de ne pas avoir école. La mère de famille contemple les immeubles qui entourent son logement, sécurisés par des portails métalliques et entourés de jardins aménagés. Comme elle, de nombreux primo-accédants sont venus s’installer dans le quartier ces dernières années : "La Canardière, ça a été une opportunité, car je ne pensais pas pouvoir acheter dans le neuf. Je suis arrivée au bon moment."
Après cinq années passées à Obernai, Anne Cuvillier a emménagé en 2018 dans un quatre-pièces neuf de 77 m², acheté sur plan pour 201 000 euros. Ces logements font partie du Projet de renouvellement urbain (PRU) de la Canardière. Lors de la première phase du plan (2006-2019), 600 logements sociaux ont été détruits, laissant la place à autant de nouveaux logements privés. Commencée en 2020, la seconde phase prévoit la construction de 400 logements privés qui devraient être livrés d’ici 2030. Autant de potentiels nouveaux accédants à la propriété.
D’après une étude de 2020 menée par l’Observatoire régional de l’intégration et de la ville (ORIV) et l’Eurométropole de Strasbourg (EMS), 61 % des nouveaux habitants du parc privé de la Meinau sont des propriétaires, dont 89 % des primo-accédants. Faciliter l’accès à la propriété et favoriser la mixité sociale au sein de la Canardière correspondaient aux objectifs du PRU. Selon cette étude, 34 % des nouveaux propriétaires sont d’anciens habitants de la Meinau tandis que 23 % proviennent de quartiers limitrophes à la Meinau. Seuls 9 % viennent de l’extérieur de l’Eurométropole.
L’image de la Canardière, souvent associée au trafic de drogue et à la violence, n’a pas découragé ces nouveaux habitants de sauter le pas.
"Par rapport à l’environnement du quartier et les incivilités, on m’avait prévenue. Ça rend le tout un petit peu moins rose, c’est sûr, mais c’est loin d’être invivable", avoue Anne Cuvillier, qui a assisté à plusieurs démantèlements de points de deal au pied de son immeuble.
Anne Cuvillier profite de sa terrasse aussi bien l'été que l'hiver. © Paul Ripert
Un prix attractif, des espaces verts
Désormais installés dans le quartier, ces primo-accédants ont des motivations diverses. La première est économique. Le prix médian à la Canardière est de 2 300 euros le m², bien inférieur à la moyenne strasbourgeoise de 4 400 euros le m². Yasmine Kedreh, ancienne locataire de la Canardière devenue propriétaire en 2020 d’un appartement rue Schulmeister, raconte : “J’ai souscrit à un prêt à taux zéro, ce qui m’a permis, vu mes revenus, d’acheter mon logement." Sans intérêts et frais de dossier, ce type de crédit est attribué selon les revenus du futur propriétaire et lieu du futur logement. "Ayant bénéficié d’un prêt à taux zéro, j’ai maintenant l’obligation de faire de ce logement ma résidence principale, au moins pendant six années", précise Anne Cuvillier.
Le parc Schulmeister est prisé des habitants. © Elise Walle
La Canardière attire aussi en raison de sa proximité avec le lieu de travail. C’est le cas pour Salima Brik, chargée de prestations à la ville de Strasbourg, qui a acheté son logement en 2019 rue de Picardie.
Le grand parc Schulmeister, de nombreux jardins partagés : la Canardière séduit aussi par ses multiples espaces verts. "Le parc Schulmeister et l’îlot de verdure du parc et du Rhin Tortu, c'était l’atout numéro 1 de mon achat", apprécie Anne Cuvillier. "L’avantage des nouveaux programmes est qu’ils sont en lisière, entourés d’espaces verts, et non pas en confrontation totale avec les habitats sociaux, situés au centre de la Canardière", argumente Éric Chenderowsky, directeur urbanisme et territoires de l’Eurométropole de Strasbourg. Un atout pour les agents immobiliers : "On est entouré de verdure. Il y a un super parc en face et de nombreux jardins publics, décrypte Arnaud Dessinais, agent immobilier de l’agence ERA. Tout s’est bien vendu. Les gens recherchent la possibilité de respirer le bon air, même en ville."
Un pari sur l'avenir
Les nouveaux habitants de la Canardière veulent croire en la redynamisation en cours. "Dans dix ans, le quartier sera entièrement neuf. Tout va se transformer", promet Arnaud Dessinais à chacun de ses rendez-vous avec de potentiels acheteurs. Acheter à la Canardière devient alors un investissement sur le long terme pour ces primo-accédants. "Dans 8-10 ans, le quartier aura pris de la valeur, et on verra vraiment les changements", prédit Anne Cuvillier. Mais elle n’a pas encore le temps de s’enthousiasmer. Ses enfants l’appellent, c’est l’heure des devoirs.
Paul Ripert et Élise Walle
Logements privés neufs construits depuis la rénovation urbaine. © Paul Ripert et Elise Walle